Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 4 octobre 2016 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

À entendre les questions de M. Le Bris, on se rend compte que le salon Euronaval approche, et je vous invite tous à assister à cette très belle manifestation où sont présentées des technologies de défense développées par notre pays. Nous devons disposer de quinze frégates de haut rang. À cet effet, six FREMM seront à dominante de lutte anti-sous-marine (ASM) et deux plus spécialisées dans la défense aérienne ; j'avais décidé en outre de développer un nouveau type de frégates, les FTI, capables d'effectuer les missions assignées aux frégates de haut rang, tout en étant plus compactes et plus faciles à exporter. J'espère que les travaux de définition des cinq FTI seront bientôt achevés, et la situation se clarifiera peut-être à l'issue du salon Euronaval. Malgré des contrats avec l'Égypte et le Maroc, nous rencontrons des difficultés à vendre des frégates multi-missions à l'étranger, pour des raisons de taille et d'effectif militaire spécialisé à bord, - toutes les marines ne peuvent pas se le permettre.

S'agissant de la rénovation des Atlantique 2, je suis très mécontent de la situation. La modernisation de l'entretien de ces aéronefs, engagée depuis plusieurs années, n'est pas satisfaisante. J'ai demandé une accélération en 2016, constatant certaines difficultés dans le fonctionnement global de la chaîne de rénovation. Je me rendrai sur place afin de mesurer l'état d'avancement de ce plan d'amélioration que j'avais mis en place après avoir déjà constaté des insuffisances. Je prendrai d'autres dispositions s'il le faut. Je suis d'autant plus mécontent, je dois le dire, que l'ATL2 est un outil qui nous est indispensable au plan opérationnel en ce moment.

J'ai les mêmes interrogations concernant l'entretien des NH90.

Monsieur Hillmeyer, s'agissant de la retraite des gendarmes, je ne peux vous donner de réponse à ce stade. Je vous remercie toutefois de m'avoir signalé cette situation.

Sur la question de la garde nationale et plus globalement des réserves, il y a plusieurs approches. La mienne est claire. Je considère qu'il n'y a qu'une seule armée : les réserves militaires sont rattachées à la chaîne de commandement des forces armées, tandis que celles de la gendarmerie dépendent du ministère de l'Intérieur. Ce principe va être acté et les craintes que certains pouvaient avoir, et c'est normal, vont se dissiper.

La coordination mise en place au niveau de la garde nationale ne sera pas de nature opérationnelle. Elle concernera essentiellement l'attractivité, les mesures incitatives, la communication. La chaîne de commandement, dans l'état actuel des choses – je serai amené à vous donner des précisions dans quelques jours –, restera unique. Il n'est pas question que se créent des unités de sécurité couvrant différentes zones. Il ne peut y avoir plusieurs armées avec plusieurs qualifications. Qu'il s'agisse des missions intérieures ou des missions extérieures, c'est la même armée qui opère.

Monsieur Candelier, vous m'avez interrogé sur la dissuasion nucléaire. Je ne vais pas reprendre le débat ici, nous l'avons eu à plusieurs reprises et nous savons que nous sommes en désaccord. Nous pourrons toujours le reprendre en séance publique mais je ne suis pas sûr que je vous convaincrai, pas plus que vous ne me convaincrez. Comme je l'ai indiqué dans mon propos introductif, je considère que la pérennité de notre outil nucléaire est essentielle, surtout dans la période que nous vivons. Il n'est qu'à penser à ce qui s'est passé récemment en Asie.

S'agissant de Sentinelle, je tiens à souligner que le déploiement des forces armées sur le territoire national n'est pas une surprise et le contrat opérationnel n'est pas entièrement nouveau. Dans le Livre blanc de 2008 comme dans le celui de 2013, il était inscrit comme une nécessité en cas de crise. Comment imaginer qu'après les attentats, nos forces armées restent dans leurs quartiers comme si elles n'étaient pas concernées, alors que c'est la sécurité globale de notre pays qui est en cause et que nous faisons face au même ennemi à l'extérieur et à l'intérieur ? Qui aurait pu comprendre cela ? Comme pour les réserves, il me faut affirmer qu'il n'y a qu'une seule et même armée. Il n'y a pas une armée destinée au territoire national et une armée destinée aux opérations extérieures. Sur le territoire national, les forces armées apportent leur professionnalisme, leur mobilité, leur puissance. Après les premiers attentats, je le reconnais bien volontiers, le dispositif était davantage statique, on était dans la phase de mise en oeuvre immédiate. À mesure que l'opération Sentinelle a pris de l'ampleur, les forces armées ont trouvé leur place, avec leurs propres qualités, leurs propres performances, et ont gagné en mobilité. Je pense que nous maintiendrons cette orientation. D'autres pays comme le Royaume-Uni s'intéressent d'ailleurs beaucoup au dispositif que nous avons déployé.

Le FAMAS, littéralement fusil d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne, ne peut plus être fabriqué par ladite manufacture : les établissements de GIAT Industries de Saint-Étienne ont fermé à la fin des années quatre-vingt-dix. Aujourd'hui en France – on peut le regretter –, il n'y a plus d'entreprises en mesure de fabriquer l'arme individuelle du futur dont nous avons besoin. Nous avons lancé un appel d'offres et après étude très précise des propositions, nous avons retenu l'offre d'une société allemande, Heckler & Koch. Les premières livraisons interviendront dès 2017. Je souligne toutefois que les aciéries Aubert et Duval, aciéries françaises, seront associées au processus de fabrication.

Il n'y a plus non plus d'industries françaises de fabrication de munitions militaires de petit calibre. La société Manurhin produit seulement des machines de cartoucherie. Quand j'ai découvert, un peu par hasard, que la France était le leader mondial de la fabrication des munitions de chasse, je me suis demandé pourquoi, dans ces conditions, nous n'étions pas capables de produire des munitions de guerre. J'ai demandé à mes équipes d'inciter les industriels à faire en sorte que notre pays puisse reprendre sa place dans la production des munitions de guerre de petit calibre. Certes, il ne s'agirait pas d'un outil d'autonomie stratégique, mais ce serait un atout important pour notre défense. J'ai bon espoir de parvenir à un résultat avant la fin de mes fonctions.

Enfin, vous m'aviez demandé, Monsieur Candelier, que l'armée française achète des corps de bombe à la Société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Sambre (SAMP) : c'est chose faite. La défense a acquis les corps de bombe dont disposait encore la société.

Monsieur Vitel, le report de charges est en train de baisser. Il est passé de 3,5 milliards en 2014 et 3,1 milliards en 2015 à 2,4 milliards en 2016. L'enjeu maintenant est de faire en sorte que la réserve de précaution soit débloquée pour que le report de charges soit limité au niveau que j'ai indiqué tout à l'heure. Si ce mouvement de résorption se poursuivait, j'en serais très satisfait.

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