Intervention de Jean-Paul Bacquet

Séance en hémicycle du 29 novembre 2016 à 21h45
Sapeurs-pompiers professionnels et sapeurs-pompiers volontaires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Bacquet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, chers collègues, la proposition de loi que nous présentons ce soir a une particularité, celle d’avoir été demandée à la fois par les sapeurs-pompiers professionnels et par les sapeurs-pompiers volontaires. C’est tellement rare que cela mérite d’être souligné. Par les sapeurs-pompiers volontaires parce qu’après dix ans de dérive, il fallait trouver une solution au problème posé par la PFR – prestation de fidélisation et de reconnaissance – ; par les sapeurs-pompiers professionnels parce que ces derniers ont constaté, à juste titre, qu’ils étaient la seule catégorie de fonctionnaires privée d’emplois fonctionnels.

Cette proposition de loi a un autre aspect particulier : elle doit être efficace le plus rapidement possible et même s’appliquer de façon rétroactive, dès le 1er janvier 2016. En effet, la PFR a pris fin le 31 décembre 2015 sans qu’aucun autre dispositif ne vienne en prendre le relais. Il faut donc, et je vous encourage fortement à jouer cette carte, que la loi soit votée avant le 31 décembre 2016 et dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Il est toujours très difficile de légiférer en matière de sapeurs-pompiers. Tout d’abord, vous le savez, parce qu’ils sont très populaires dans notre pays – d’ailleurs beaucoup de Français croient qu’ils sont tous volontaires. Ensuite, parce que nous ne pouvons pas en parler sans émotion. Il est vrai qu’on ne devient pas sapeur-pompier par hasard mais parce que son père, son frère, son cousin ou son voisin est ou a été sapeur-pompier. Enfin et surtout parce que, chaque année, trop de sapeurs-pompiers meurent au feu. Ainsi, alors que s’achève l’année 2016, six d’entre eux sont déjà morts pendant une intervention.

Dès que l’on aborde le sujet des sapeurs-pompiers, se pose systématiquement le problème de la reconnaissance.

Cette reconnaissance, que nous leur devons, prend quelquefois une forme très surprenante.

J’ai assisté avec vous, monsieur le ministre, aux obsèques de plusieurs sapeurs-pompiers. Nous avons pu mesurer à cette occasion la peine de la population, de la famille et des services de l’État. Mais nous savons aussi que quelques jours, quelques semaines plus tard, d’autres sapeurs-pompiers se feront caillasser ou insulter, ou seront obligés de circuler dans des véhicules blindés, ce qui démontre que la reconnaissance n’est pas partagée par tous. Certains ne comprennent pas ce que représentent les sapeurs-pompiers ni la force de leur engagement personnel qui se manifeste au détriment de leur vie personnelle et familiale.

La situation n’est pas des plus favorables. Il y a en France 193 656 sapeurs-pompiers volontaires et 40 966 sapeurs-pompiers professionnels. Si les effectifs des premiers sont en chute libre – ils étaient 207 000 il y a une dizaine d’années –, les seconds, au contraire, ont vu leur nombre fortement augmenter, ce qui s’est naturellement traduit par une hausse très importante des budgets des services départementaux d’incendie et de secours – SDIS –, dont 80 % sont affectés à la masse salariale. Et sur ces 80 %, seulement 20 % correspondent à la masse salariale des sapeurs-pompiers volontaires.

Nous avons en France seulement 17 % de femmes sapeurs-pompiers. Si je dis cela, c’est que nous discuterons de cet aspect à l’occasion de l’examen d’un certain nombre d’amendements, sachant que nous fêtons cette année le quarantième anniversaire de l’ouverture à la féminisation des sapeurs-pompiers. Toutefois, sur les 27 000 jeunes sapeurs-pompiers, il y a 27 % de femmes.

Depuis la loi de 1996, les SDIS sont financés par les conseils départementaux et les communes, mais on oublie souvent de dire que l’État apporte également sa participation : sur 4 milliards, les départements paient 2,7 milliards, et l’État un peu plus de 1 milliard au titre de la TSCA – taxe spéciale sur les conventions d’assurance – dans une absence totale de lisibilité quant à la répartition de ces sommes.

À Chambéry, le Président de la République a exprimé le souhait d’atteindre, à la fin de son quinquennat, le chiffre de 200 000 sapeurs-pompiers. Je suis persuadé, monsieur le ministre, que nous n’y parviendrons pas, malgré les campagnes de sensibilisation qui ont été menées, et je le regrette.

Je le regrette d’autant plus que la polémique autour du maillage territorial ne pourra que s’accentuer si nous continuons à perdre des sapeurs-pompiers volontaires. D’ailleurs, notre pays comptait il y a une dizaine d’années 8 000 centres de sapeurs-pompiers et aujourd’hui ils sont moins de 7 000.

Légiférer en matière de sapeurs-pompiers, je l’ai dit, est difficile. La naissance officielle des sapeurs-pompiers a eu lieu en 1811, date à laquelle Napoléon crée les garde-pompes. Puis des lois successives sont intervenues, en particulier à la fin du XIXe siècle, qui obligeaient les communes à se doter de centres de sapeurs-pompiers, ce qui bien entendu ne s’est pas produit. C’est pourquoi une deuxième loi a vu le jour pour obliger les communes à payer le fonctionnement global des services d’incendie et de secours.

Et surtout il y a eu la loi de 1996 – c’est une excellente loi, il faut le dire, même si elle reste très insuffisante – qui a mis en place la départementalisation : les SDIS sont maintenant financés par les départements et les communes mais également par l’État, par le biais, autrefois, du FAI – fonds d’aide à l’investissement – puis désormais de la TSCA.

Aujourd’hui, la situation n’est pas parfaite. Déjà, le rapport de Jean Paul Fournier, sénateur-maire de Nîmes, tentait de comprendre la chute des effectifs des volontaires. Par la suite, le rapport de Luc Ferry et de la commission « Ambition volontariat » a formulé plusieurs propositions qui, malheureusement, n’ont pas permis de mettre un terme à cette chute. Plus récemment, le rapport de nos collègues du Sénat Catherine Troendlé et Pierre-Yves Collombat a dressé la liste de toutes les interventions effectuées par les sapeurs-pompiers qui, 365 jours par an, sept jours par semaine et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sont de garde au service de la population et de leurs concitoyens.

Malheureusement, les sapeurs-pompiers se substituent à d’autres qui n’interviennent plus. Le nombre de leurs interventions a ainsi augmenté de 20 % au cours des dix dernières années, mais cette augmentation est de 57 % pour le secours à personne qu’ils sont désormais, hélas, les seuls à assurer. Il ne leur appartient pas de prendre en charge le transport sanitaire, mais s’ils ne le font pas, personne ne le fera ! Et souvent, s’ils doivent répondre des situations d’urgence – ou de prétendue urgence, ou vécues comme d’urgence –, c’est parce que les médecins ne remplissent plus ce rôle depuis que M. Mattei a cru bon de supprimer l’obligation de permanence des soins !

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