Intervention de Chantal Berthelot

Séance en hémicycle du 30 novembre 2016 à 21h30
Promotion des langues régionales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Berthelot :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, alors que la ratification tant attendue de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires a échoué, au Sénat, il y a un peu plus d’un an, nous voilà aujourd’hui réunis pour offrir à nos langues régionales le cadre juridique indispensable à leur promotion et à leur inscription dans notre patrimoine commun.

Cet appui juridique se décline dans trois domaines où des mesures de promotion et de protection des langues régionales peuvent être apportées : l’enseignement, la signalétique et les médias.

À l’heure où près de la moitié des 6 000 langues parlées dans le monde sont menacées d’extinction, l’enjeu est majeur pour nos territoires respectifs et la préservation de la pluralité de nos cultures et de nos identités, dont nos patrimoines linguistiques sont l’une des expressions.

La diversité des langues parlées sur nos territoires constitue un patrimoine d’une richesse exceptionnelle et d’une réalité vivante. Outre-mer, en particulier, cinquante-cinq langues sont reconnues comme langues de France, parmi les soixante-quinze recensées au niveau national. En Guyane, douze langues bénéficient de ce statut, j’y reviendrai dans un instant.

La reconnaissance juridique de ce patrimoine et sa promotion sont indispensables à sa préservation et à sa transmission. C’est pourquoi je salue la consécration, prévue à l’article 1er de la présente proposition de loi, de l’enseignement des langues régionales comme matière inscrite dans le cadre de l’horaire normal d’enseignement, à partir de la maternelle.

Ce nouveau pas vers la reconnaissance du bilinguisme est complété par l’article 2, qui pose le principe de la reconnaissance de l’enseignement bilingue français-langues régionales, quelle que soit la durée des enseignements dispensés dans ces deux langues.

Mes chers collègues, reconnaître le bilinguisme dans l’enseignement, c’est avant tout accepter qu’une société se bâtisse sur d’autres fondements que l’imposition d’une prétendue identité unique. Au travers du bilinguisme et du plurilinguisme, la question posée est celle de l’acceptation du multiculturalisme, qui est un fait de société, probablement plus fort en Guyane que partout ailleurs en France.

La place du français dans l’édification de cette société qui s’invente au quotidien n’est plus celle de la substitution progressive aux langues régionales, mais bien celle d’une plus-value linguistique concourant à renforcer le caractère international de notre langue commune. En d’autres termes c’est en reconnaissant le plurilinguisme que nous favorisons l’accès de la langue française à un statut plus en phase avec le monde auquel nous aspirons et l’ensemble des valeurs que nous souhaitons la voir porter.

Mes chers collègues, dans les outre-mer, la langue française n’est pas toujours la langue maternelle de la majorité des citoyens mais souvent une langue acquise dans la vie sociale et par l’école, au terme d’un long processus d’apprentissage. En Guyane, par exemple, dans la plupart des villages du Maroni et de l’Oyapock, ainsi que sur le littoral, qu’ils soient amérindiens ou bushinengués, nos enfants n’ont pas le français comme langue maternelle. La reconnaissance de l’identité de ces peuples nous impose le respect et la défense de la spécificité de chacune de leurs langues, reconnues comme langues de France.

L’échec scolaire de nos enfants est dû en grande partie à leur difficulté à entrer dans les processus d’apprentissage de la lecture et de l’écriture du français. L’adaptation du système scolaire à nos particularités linguistiques est donc indispensable pour garantir à nos enfants les mêmes chances de réussite. C’est la raison pour laquelle je proposerai des amendements visant à préciser les termes des différents articles de cette proposition de loi.

En effet, l’expression « langues régionales » comporte déjà en elle-même une ambiguïté juridique et ne permet pas de prendre en compte l’ensemble des langues de France, qui comprennent non seulement les langues régionales mais aussi les langues minoritaires. En Guyane, je vous le disais, douze langues sont reconnues comme langues de France mais seul le créole guyanais bénéficie du statut de langue régionale. Les onze autres langues de Guyane reconnues comme langues de France, à savoir le saramaka, l’aluku, le ndjuka, le paramaka, le kali’na, le wayana, le palikur, l’arawak, le wayampi, le teko et le hmong, sont donc de facto exclues des articles que nous allons examiner.

Mes chers collègues, du fait de sa formidable diversité, la Guyane est le laboratoire de l’identité multiple de chacun de ses hommes et de chacun de ses peuples, avant d’être l’identité multiple d’un peuple guyanais qui s’invente au quotidien et se projette dans le cadre d’un nouveau contrat social et d’une nouvelle communauté de destin au sein du peuple français. C’est le sens de cette nation arc-en-ciel qui est en train de se bâtir pour tous les enfants de Guyane et tous les enfants de France.

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