Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 1er décembre 2016 à 15h00
Adaptation des territoires littoraux au changement climatique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aborde une question majeure, celle du changement climatique et de l’une de ses conséquences, l’élévation du niveau de la mer. Selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, le niveau moyen de la mer pourrait s’élever d’une hauteur comprise entre 23 cm et 51 cm au cours du XXIe siècle, pour le scénario pessimiste, et entre 20 cm et 43 cm, pour le scénario plus optimiste. Pour autant, ces projections ne prennent pas en compte l’impact d’une accélération de la fonte des calottes glaciaires.

Chacun conserve en mémoire les effets dévastateurs de la tempête Xynthia, en février 2010, et celles survenues en 2013 et 2014. La montée des eaux est clairement identifiée comme la cause principale d’aggravation de l’aléa de submersion et aura des effets majeurs sur l’érosion côtière dans les prochaines décennies. Une part significative des côtes – notamment des plages sablonneuses – est actuellement en recul en France. Or l’attractivité des zones littorales continue de s’accroître, ce qui conduit à une plus grande exposition des personnes, habitations, infrastructures et entreprises aux risques de submersion temporaire et d’érosion. Il est impossible d’évaluer précisément à quel rythme cette montée des eaux s’opérera, mais nous constatons d’ores et déjà que la limite entre la terre et la mer, le trait de côte, est en mouvement. Notre pays compte 11 millions de km2 d’eaux territoriales, c’est dire l’enjeu.

Il s’agit de répondre au besoin de préservation de ces espaces et de sécurisation des populations et, dans le même temps, d’organiser les conditions du maintien du dynamisme et du développement durable de nos côtes.

Cette proposition de loi, qui vise à affronter les défis qui sont devant nous, n’arrive pas sans bagages. Elle concrétise les 40 mesures proposées par le Comité de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, mis en place en 2015, et dont les propositions visaient à adapter les territoires littoraux au changement climatique. Ce texte est donc utile et nécessaire. Il ne s’agit plus d’agir ponctuellement ou dans l’urgence, mais d’installer des critères de gestion des espaces concernés. Cela m’amène à formuler quelques interrogations.

L’article 1er instaure une stratégie nationale établie pour dix ans, qui constituera le cadre de référence pour la protection du milieu et de la gestion intégrée et concertée des activités, au regard de l’évolution du trait de côte. Et, sur ces bases, les régions, les intercommunalités et les communes sont invitées à développer des stratégies territoriales.

Pourtant, les situations de nos côtes sont extrêmement diverses, les risques de submersion ou d’érosion ne sont pas les mêmes partout, ils n’évoluent pas au même rythme, notamment en raison de la composition des sols. Il y a donc un danger à vouloir uniformiser des plans de prévention.

Je formulerai une remarque similaire en ce qui concerne l’article 3. Il inclut le recul du trait de côte dans les cas de risques naturels devant faire l’objet d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles et créé de nouveaux outils avec les zones d’autorisation d’activité résiliente et temporaire – ZART – et les zones de mobilité du trait de côte – ZMTC –, autrement dit les zones tampons, qui accompagnent le recul de ce trait de côte. Ces deux concepts nouveaux sont positifs. Mais il revient au préfet de déterminer, dans le respect de la loi Littoral, les contraintes et les conditions de construction temporaire sur les zones menacées et d’identifier les zones tampons. Pourquoi ne pas confier aux collectivités locales ces missions avec le contrôle de légalité exercé a posteriori par le préfet ? Elles ont déjà une compétence similaire lorsqu’elles établissent leur plan local d’urbanisme ou leur carte communale. En quoi serait-ce différent lorsqu’il s’agit de définir des zones de protection ? Cela aurait, en outre, l’avantage de prendre en compte les spécificités des côtes concernées. Au passage, je rappelle que la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations sont des compétences confiées aux intercommunalités par les lois de décentralisation à compter du 1er janvier 2018, avec la possibilité d’anticiper dès maintenant ce transfert. Il serait donc tout de même étonnant que ce qui concerne les risques de submersion et d’érosion leur échappe et soit confié à l’État via les préfets.

Je tiens d’autant plus à le faire remarquer que, sur ces questions, nous allons assister à un enchevêtrement dans l’exercice des compétences, y compris en matière d’espaces naturels avec les départements et les régions. Comme élu local, j’ai eu plusieurs expériences de ces différents plans de prévention, qu’il s’agisse des inondations ou des risques industriels : ce fut souvent l’occasion de bras de fer avec le préfet, qui voulait nous imposer des interdictions à mille lieues des réalités du terrain, que, nous, élus, avions vécues concrètement. Je crains que le dispositif qui nous est proposé ne débouche sur les mêmes difficultés.

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