Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 13 décembre 2016 à 21h30
Prorogation de l'état d'urgence — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, comme l’a rappelé Cécile Duflot à cette tribune, c’est donc la cinquième fois depuis les attentats du 13 novembre que le Gouvernement propose de proroger l’état d’urgence, cette fois jusqu’au 15 juillet 2017.

Lors de l’examen du premier projet de loi de prorogation, le 18 novembre 2015, Jean-Jacques Urvoas, rapporteur du texte et président de la commission des lois, aujourd’hui ministre de la justice, exprimait ainsi sa conviction : « les mesures que nous allons décider ne dureront qu’un temps limité. Elles ne se comprennent d’ailleurs que par leur obsolescence programmée. »

Dans le même esprit, le Conseil d’État rappelait, dans son avis rendu le 6 février 2016 sur le projet de loi relatif à la deuxième prorogation, que « l’état d’urgence reste un "état de crise" qui est par nature temporaire. Ses renouvellements ne sauraient par conséquent se succéder indéfiniment », conviction partagée par le Conseil constitutionnel lorsqu’il indique que les effets d’un régime de pouvoirs exceptionnels doivent être limités dans le temps et l’espace et que la durée de l’état d’urgence « ne saurait être excessive au regard du péril imminent […] ayant conduit à la déclaration de l’état d’urgence ».

Dans tous ses avis, celui du 8 décembre 2016, mais également ceux du 2 février, du 28 avril, et du 18 juillet 2016 sur les projets de loi de prorogation, le Conseil d’État a systématiquement rappelé que les renouvellements de cette mesure d’exception ne sauraient se succéder indéfiniment et que l’état d’urgence doit demeurer temporaire. Voilà ce dont il est question ce soir. Ces mises en garde, ces avertissements seront-ils entendus dans l’hémicycle ?

Avec cinq autres collègues, Pouria Amirshahi, Isabelle Attard, Noël Mamère, Barbara Romagnan et Gérard Sebaoun, nous avions voté contre la première prorogation de l’état d’urgence, parce que nous considérions – nous le considérons toujours – que l’État de droit n’est pas un état de faiblesse, et parce que rien ne semblait non plus indiquer, après les douze jours d’état d’urgence décrété dans la nuit des attentats du 13 novembre en conseil des ministres par le Président de la République, que cet état d’exception était une absolue nécessité. Parce que nous considérions aussi que déroger au droit commun dans une démocratie comporte des risques, et parce que nous nous interrogions sur l’adéquation de ce dispositif hérité de la IVe République et de notre passé colonial avec la nouvelle menace terroriste et que nous pensions que l’option sécuritaire ne pouvait pas être la seule et unique réponse.

Décrété le 14 novembre 2015, l’état d’urgence s’inscrit désormais dans la durée. Treize mois déjà, probablement vingt mois si le Parlement vote la prorogation proposée par l’exécutif afin de couvrir la période électorale à venir.

Une telle durée n’était certainement pas dans les intentions du législateur à l’origine. Et lorsque je relis le compte rendu de nos débats en commission des lois et dans l’hémicycle, je vois, mes chers collègues, que telle n’était pas non plus votre intention lors du vote de la première prorogation.

Comme l’a justement rappelé Jean-Frédéric Poisson, co-rapporteur avec Dominique Raimbourg, président de la commission des lois, du rapport d’information sur le contrôle parlementaire de l’état d’urgence, cette durée a un impact sur la nature de l’état d’urgence, parce que les mesures de police administrative que le dispositif autorise sont désormais, pour l’essentiel, utilisées à des fins de maintien de l’ordre public, qui relèvent du droit commun.

Chers collègues, Jean-Jacques Urvoas, qui était président de la commission des lois lors de la première prorogation, avait annoncé la difficulté de sortir de l’état d’urgence. Pour la majorité d’entre vous, il a semblé logique d’y entrer en raison de la violence inouïe des attaques dont notre pays a été victime. Il nous revient aujourd’hui d’y mettre un terme. Car le risque est grand que le dispositif nous échappe, qu’il s’installe si durablement et si profondément qu’il finisse par modifier l’équilibre du pacte social et républicain et qu’il dessine de nouvelles frontières pour nos libertés et pour nos droits.

Comment mettre fin à l’état d’urgence, ou plutôt, comment réussir à en sortir ? La réponse à cette question n’est pas seulement juridique et sécuritaire. Elle est éminemment politique.

Contrairement au précédent de 1985 en Nouvelle-Calédonie, lors du soulèvement indépendantiste kanak, et à celui de 2005 après les émeutes de banlieue en métropole,…

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