Intervention de Johann Bihr

Réunion du 24 novembre 2016 à 10h30
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l'Est et Asie centrale, et de Mme Emma Lavigne, chargée de recherche Europe et Asie centrale, de Reporters sans frontières :

Je vous remercie de nous donner l'occasion d'évoquer devant vous la situation catastrophique de la liberté de la presse en Azerbaïdjan. Cet État occupe effectivement le 163e rang mondial sur 180 pour la liberté de la presse, ce qui se passe de commentaire, et la répression n'a fait qu'y croître au cours des dernières années, notamment depuis la dernière élection présidentielle, fin 2013. Elle s'est particulièrement accentuée en 2014, année au cours de laquelle les principaux défenseurs des droits de l'Homme et grands journalistes indépendants ont été jetés en prison, les autres ayant été contraints à l'exil ou au silence.

On a constaté une petite accalmie au début de l'année 2016, alors que l'Azerbaïdjan commençait sans doute à ressentir une pression venant de l'extérieur – je pense notamment à une résolution assez ferme du Parlement européen sur la situation des droits de l'Homme en Azerbaïdjan. Un projet de loi a également été déposé au Congrès américain, envisageant, sur le modèle de la loi Magnitski qui concernait la Russie, des sanctions ciblées – gels d'avoirs et interdictions de visa – à l'égard de personnalités qui se seraient rendues coupables de violations des droits de l'Homme en Azerbaïdjan. Ce projet de loi, qui n'a pas encore été débattu, semble cependant avoir déjà fait mouche.

Enfin, lorsque le président Aliev a manifesté le souhait de participer au sommet nucléaire qui devait se tenir à Washington à la fin de mars 2016, l'Administration américaine a conditionné sa présence à certains progrès relatifs aux libertés en Azerbaïdjan, notamment la libération des prisonniers politiques les plus emblématiques. Le régime azerbaïdjanais a accédé à cette demande en libérant les principaux prisonniers politiques, et c'est à cette occasion que la journaliste d'investigation Khadija Ismaïlova, ancienne directrice du service azerbaïdjanais de Radio Free Europe et journaliste d'investigation de grand renom – elle a été récompensée par de nombreux prix à travers le monde –, a été libérée. D'une manière générale, le nombre de journalistes, blogueurs et collaborateurs de médias emprisonnés a légèrement décru pour s'établir aujourd'hui à huit.

Derrière ces concessions de façade, aucune amélioration durable n'a été apportée à la situation de la liberté de la presse, qui reste toujours aussi critique, avec un pluralisme réduit à néant. La situation s'est même encore tendue à la suite de la tentative de coup d'État en Turquie de cet été. Les autorités azerbaïdjanaises étant très proches du pouvoir turc, elles ont trouvé, en invoquant la nécessité de s'attaquer à la mouvance Gülen – cet opposant au régime turc exilé aux États-Unis et désigné comme responsable de la tentative de coup d'État en Turquie –, un prétexte pour lancer une nouvelle vague d'arrestations. Dans ce cadre, de nombreux blogueurs et militants de l'opposition ont été arrêtés, ainsi que le responsable financier du dernier journal d'opposition, Azadlig, ce qui a des conséquences très concrètes pour ce journal.

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