Intervention de Johann Bihr

Réunion du 24 novembre 2016 à 10h30
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l'Est et Asie centrale, et de Mme Emma Lavigne, chargée de recherche Europe et Asie centrale, de Reporters sans frontières :

Il existe un fonds d'État pour le développement de la presse, qu'Azadlig percevait avant d'être privé de cette ressource il y a environ deux ans. La principale source de financement des médias indépendants provient de l'extérieur, en l'occurrence de mécènes plus ou moins intéressés à leur cause. Cela constitue cependant un modèle économique extrêmement fragile, ce qui explique qu'Azadlig ait dû renoncer à sa publication papier. Depuis, il ne reste plus aucun titre de presse véritablement critique, mais seulement certains journaux entretenant une attitude ambiguë à l'égard du pouvoir – je pense notamment à Yeni Müsavat, proche du parti du même nom. Évidemment, il faut tenir compte du fait que le tirage de la presse papier est en chute libre, comme dans le reste du monde. La plus grande partie de la population, qui n'a pas toujours accès à internet, ne peut que regarder la télévision contrôlée par l'État et lire les journaux locaux, distribués selon un système d'abonnement contraint – encore un héritage de la période soviétique – et n'a donc pas accès à une information indépendante.

On assiste cependant à un bourgeonnement des médias en exil, déclenché notamment à la suite de la vague de répression accrue de 2013 et 2014. Les journalistes qui n'avaient pas été emprisonnés ont été contraints à l'exil et ont lancé, de là où ils ont trouvé refuge, de nouveaux médias. Ainsi le rédacteur en chef d'Azadlig, Ganimat Zahid, qui vit à Strasbourg, a-t-il créé un programme diffusé par satellite, intitulé Azerbaycan Saati – « L'heure azerbaïdjanaise » –, récemment converti en une véritable chaîne de télévision, Turan TV, qui émet en Azerbaïdjan en passant par un satellite turc – pour le moment, les studios sont à Strasbourg et les moyens techniques en Turquie. De même, le célèbre blogueur Emin Milli, exilé à Berlin après avoir été emprisonné durant plusieurs années, a-t-il lancé une télévision en ligne, Meydan TV.

Ces deux personnalités majeures de l'opposition font l'objet d'un harcèlement touchant leur famille, y compris des personnes très éloignées, avec lesquelles elles n'ont pratiquement aucune relation. Un cousin et un neveu de Ganimat Zahid ont été condamnés en juin 2016 à six ans de prison sur des accusations fallacieuses de détention de drogue. Quant à Emin Milli, il a été désavoué publiquement par vingt-trois membres de sa famille, contraints de signer une lettre ouverte où était formulée la demande de ne pas être associés à la traîtrise de leur parent.

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