Intervention de Anne Castagnos-Sen

Réunion du 24 novembre 2016 à 10h30
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Anne Castagnos-Sen, responsable des relations extérieures pour Amnesty International France :

Le dossier que je vous ai transmis est assez complet. Vous y trouverez des éléments d'information concernant ces cas.

J'ai oublié de préciser que, la plupart du temps, les allégations de mauvais traitements, autrement dit des passages à tabac, ne sont jamais confirmées par des médecins légistes. Les demandes des avocats et des familles pour qu'un médecin légiste indépendant ait accès aux détenus ne sont jamais acceptées, mais les avocats constatent fréquemment des traces de coups sur leurs clients.

Le second élément nouveau, d'autre part, c'est le harcèlement et les arrestations de proches et de parents concernant les opposants en exil. Le journaliste Ganimat Zahid a été détenu quatre ans en Azerbaïdjan avant de quitter son pays en 2011 et de se réfugier en France, où il a créé une chaîne de télévision par satellite et un journal en ligne. Le 20 juillet 2015, un de ses neveux et son frère ont été arrêtés et contraints de signer des aveux selon le scénario déjà décrit : on a glissé de l'héroïne dans la poche de l'un d'eux durant le transport au commissariat et on a « trouvé » de la drogue en perquisitionnant dans la maison et la voiture de l'autre. L'un encourt une peine de douze ans de prison pour détention d'héroïne et l'autre attend encore son procès.

Leurs avocats ont également constaté des irrégularités manifestes au regard même du droit azerbaïdjanais, qui n'est déjà pas très libéral, et ce notamment dans la manière dont ont été menées les perquisitions : l'avocat commis d'office n'était pas présent, il n'y avait qu'un seul témoin au lieu des deux requis, et, dans l'un des cas, le témoin était un chauffeur de taxi qui passait par là et a été forcé de signer le protocole de perquisition.

En conclusion, les recommandations d'Amnesty International sont la libération immédiate et inconditionnelle des prisonniers d'opinion. Amnesty distingue prisonniers d'opinion et prisonniers politiques. Les prisonniers d'opinion sont des personnes qui ont exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d'expression, d'association, d'opinion. Pour les prisonniers politiques, qui ont pu recourir à la lutte armée, Amnesty International demande bien sûr un procès équitable, mais non une libération inconditionnelle et immédiate.

Nous demandons que, pour toutes ces personnes, y compris celles qui ont été libérées, les condamnations soient annulées et les interdictions levées, qu'elles soient en mesure d'exercer leurs métiers et d'exprimer leurs opinions, fussent-elles critiques envers le président ou sa famille.

Nous demandons la restauration d'un environnement sûr pour l'ensemble de la société civile – défenseurs des droits humains, journalistes, militants associatifs –, ainsi que la garantie de procès équitables, ce qui est loin d'être le cas. Nous demandons notamment que ne soient plus reconnus des aveux obtenus de force, sous la contrainte, voire sous la torture, et que les jugements soient revus lorsqu'il est avéré qu'ils s'appuient sur des preuves fausses, forgées de toutes pièces. Ce sont là des garanties de procès équitable conformes aux normes internationales.

Enfin, nous demandons aux partenaires de l'Azerbaïdjan et à la communauté internationale de porter en toutes circonstances ces messages auprès des autorités du pays, soit en bilatéral, soit au sein des enceintes multilatérales.

Tel est le tableau général que nous brossons du pays. Malheureusement, nos observations vont nettement en s'aggravant.

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