Intervention de Isabelle Le Callennec

Séance en hémicycle du 11 janvier 2017 à 21h30
Débat sur le socle européen des droits sociaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, le 9 septembre 2015, lors de son discours sur l’état de l’Union, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a annoncé la mise en place d’un socle européen des droits sociaux qui devait, je le cite, « compléter ce que nous avons déjà fait en matière de protection des travailleurs dans l’Union européenne ».

Il faisait allusion aux règles européennes relatives la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et aux conditions de travail, règles qui s’appliquent à vingt-huit pays aux indicateurs sociaux pour le moins hétérogènes, avec des écarts salariaux allant de un à neuf. Seuls vingt et un pays européens disposent d’un salaire minimum. Le plus élevé est celui du Luxembourg – 1 923 euros – et le plus faible celui en vigueur en Bulgarie – 215 euros. En France, il s’élève à environ 1 460 euros bruts.

Le 8 mars 2016, la Commission européenne a lancé une vaste consultation et présenté une première ébauche de ce qui pourrait devenir à terme ce socle européen des droits sociaux. Il devrait intégrer l’acquis social de l’Union européenne et le compléter par des politiques visant à améliorer le fonctionnement et l’équité des marchés du travail et des systèmes de protection sociale, là encore plus ou moins protecteurs selon les États membres.

Les principes proposés ne remplaceraient pas les droits existants mais offriraient un moyen d’évaluer et à l’avenir de faire converger de façon positive les performances des politiques nationales en matière sociale et dans le domaine de l’emploi. En effet force est de constater, une fois de plus, les différences manifestes entre les États quant aux résultats obtenus en la matière : le taux de chômage est supérieur à 10 % dans notre pays – 25 % chez les jeunes – quand il est passé sous la barre des 6 % en Allemagne – 8 % chez les jeunes. Cela prouve qu’il n’y a pas de fatalité face au chômage et qu’un objectif de plein emploi peut être tenu à condition de s’en donner les moyens.

Par leur rythme et leur ampleur, les mutations économiques combinées aux évolutions démographiques continuent de transformer les conditions d’emploi en Europe. Pour ce qui est en particulier des États membres qui partagent la monnaie unique, il apparaît clairement que la réussite de la zone euro dépend de l’efficacité des leviers des marchés du travail comme des systèmes de protection sociale nationaux. L’objectif doit être de parvenir à absorber les chocs de la mondialisation et de la révolution digitale, à transformer les risques en opportunités.

Le projet de socle de la Commission européenne comprend trois axes : l’égalité des chances et l’accès au marché du travail ; des conditions de travail équitables ; une protection sociale adéquate et viable.

En juillet 2016, le gouvernement français a saisi le CESE de ce sujet et celui-ci a rendu son avis le 14 décembre dernier. Cet avis pose deux conditions à la réussite de ce socle : l’effectivité car créer des droits dont les citoyens ne pourraient pas concrètement faire usage ne ferait que renforcer les doutes et les réserves qui s’expriment aujourd’hui très ouvertement sur l’Europe ; la portabilité car la coordination des régimes de sécurité sociale est essentielle pour permettre la libre circulation des travailleurs, faciliter la prise en charge des patients et permettre la continuité des droits d’Européens de plus en plus mobiles au sein de l’Union, en particulier les jeunes.

La directive sur les travailleurs détachés, qui date de 1996, constitue un parfait exemple de ce qui doit évoluer en Europe. La proposition de révision de cette directive est en cours d’examen au Parlement européen. Les différences d’approche entre États membres rendent la discussion difficile. Je rappelle que l’année dernière, onze pays, dont dix d’Europe de l’est, ont fait front contre cette révision. Je fais confiance à notre collègue des Républicains, l’eurodéputée Elisabeth Morin-Chartier, nommée co-rapporteure de ce projet de révision, pour parvenir, avec d’autres, à un consensus. La procédure législative risque d’être longue mais elle vaut vraiment la peine d’être menée à son terme tant cette directive pénalise nombre d’entreprises françaises, soumises à ce qu’il convient d’appeler un dumping fiscal et social, notamment dans le domaine du transport routier et de la construction.

Si nous parvenons collectivement à réviser cette directive, nous aurons posé les bases concrètes d’une Europe sociale que d’aucuns appellent de leurs voeux. Mais il faudra aller plus loin pour combattre les distorsions de concurrence et apporter la preuve que l’Europe protège plus qu’elle n’expose. Nous voulons défendre le principe « à travail égal, salaire égal » mais aussi « cotisations sociales égales ».

Nous, les Républicains, défendons de longue date l’idée d’une convergence fiscale et sociale à l’échelle européenne. Nous sommes en campagne électorale : François Fillon estime, dans son programme, que le couple franco-allemand devra montrer l’exemple en engageant un processus de convergence économique, fiscale et sociale qui entraînera toute l’Europe. Cela passera par l’instauration d’un impôt sur les sociétés à taux unique, ainsi que par l’harmonisation des taux de TVA et de la fiscalité sur le capital. Vaste programme !

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