Intervention de Jacques Cresta

Séance en hémicycle du 28 février 2013 à 21h30
Instrument de réciprocité sur les marchés publics — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Cresta :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à remercier la présidente de la commission des affaires européennes, qui a souhaité que nous puissions débattre en séance de cette résolution. Même si nous ne savons pas toujours ce qu'il advient des résolutions européennes une fois qu'elles sont adoptées, j'ai la certitude – et je crois qu'elle est partagée ce soir – que ce sujet est d'une extrême importance.

Ce projet de règlement proposé par la Commission européenne pourrait bien être un tournant dans la mise en oeuvre du juste échange, dont nous parlons depuis si longtemps. Nous le savons, cette idée ne fait pas consensus au sein de l'Union europénne. Malgré cela, elle avance : je salue à cet égard le travail réalisé par nos collègues Seybah Dagoma et Marie-Louise Fort sur cette question.

La crise majeure que nous traversons impose pragmatisme et lucidité. C'est là le sens, madame la ministre, des priorités que vous avez énoncées devant la commission des affaires économiques. Nous ne pourrons pas rétablir l'équilibre de notre balance commerciale, si dégradée ces dix dernières années, si l'ouverture des marchés européens aux pays tiers n'est pas totalement réciproque. Ce constat vaut pour l'Union européenne dans son ensemble

Le département d'où je suis élu, les Pyrénées-Orientales, est un territoire frontalier. La question de l'attribution des marchés publics y revêt une importance déterminante, d'autant plus que son économie repose essentiellement sur un tissu de TPE et de PME souvent artisanales. Dans notre pays, la commande publique représente 150 milliards d'euros par an. C'est un outil essentiel de développement pour les PME et les TPE innovantes de nos territoires. L'article 7 de la loi de modernisation de l'économie de 2008 avait donné un léger coup de pouce à ces entreprises, mais sa portée est insuffisante au regard de la concurrence actuellement à l'oeuvre, qui redouble sous l'effet de la crise.

Cette résolution rappelle utilement les dispositions de l'article 7 de la proposition de règlement. Notre code des marchés publics retient le principe de l'offre économiquement la plus avantageuse, mais force est de constater qu'une place prépondérante est accordée au critère du prix, parfois au détriment de la qualité de la prestation, voire au détriment de critères sociaux ou environnementaux. Cette course au prix le plus bas a de lourdes conséquences sur la rentabilité de nos entreprises et entraîne, parfois à court terme, des licenciements économiques. Cette première étape relative au contrôle des offres anormalement basses est donc la bienvenue.

Certaines entreprises chinoises fournissent un exemple éclairant de cette pratique. Aujourd'hui, près de 90 % du verre solaire utilisé en Europe dans la construction de panneaux photovoltaïques proviennent de Chine. Ce pourcentage extravagant n'a pas été obtenu par l'extraordinaire qualité des produits chinois mais bien par une politique de prix déloyale. En effet, pour conquérir le marché européen, les entreprises chinoises y pratiquent des prix inférieurs à ceux qu'elles pratiquent sur leur propre territoire.

Je sais que je parle d'un géant économique dont les possibles représailles peuvent effrayer certains de nos voisins. Mais nous ne pouvons plus tolérer de telles pratiques. N'oublions pas que la Chine et l'Inde pratiquent un patriotisme économique fermant presque intégralement leurs marchés à nos entreprises. Nous ne pouvons donc plus continuer à leur ouvrir intégralement nos marchés publics sans obtenir en échange une réciprocité effective et contrôlée. À défaut, la persistance de cet état de fait pourrait conduire à un désastre pour nos entreprises et pour notre équilibre économique.

Nous sommes tous bien conscients que le Conseil européen n'est pas unanime à ce sujet. J'aimerais dire qu'il ne l'est pas encore. Permettez-moi de reprendre les propos du chef de l'État, qui disait récemment que « l'Europe doit être ouverte, mais pas offerte ». Pour moi, c'est bien dans cette perspective que s'inscrit cette proposition de règlement de la commission européenne.

Cette proposition de résolution est donc importante. Elle est même indispensable, car elle permet à l'Assemblée nationale d'affirmer clairement sa position politique à ce sujet. C'est un message politique fort. Je sais, Madame la ministre, que vous êtes engagée dans des négociations difficiles. Par ce texte, nous vous manifestons avec force notre total soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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