Intervention de général Bertrand Ract Madoux

Réunion du 24 juillet 2012 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Bertrand Ract Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre :

Le ministre et moi-même étions il y a peu en Afghanistan. Je l'ai accompagné dans la visite qu'il a faite aux forces, principalement aux unités de l'armée de terre, il y a une semaine. J'ai bien sûr profité de l'occasion pour m'assurer que le retour de nos unités, certes un peu accéléré, restait possible dans de bonnes conditions.

Là encore, je peux vous rassurer. Sous l'autorité du CEMA, nous saurons gérer dans le calme le retour pour la fin de l'année des forces de combat implantées en Kapisa et Surobi. Au mois de janvier 2013, il restera à peu près 1 500 hommes, dont 1 000 devraient revenir d'ici l'été de cette même année. Ces 1 000 hommes auront à rapatrier tout le matériel restant sur zone, si possible par la route – par le Pakistan ou par les voies nord. Le ministre est allé négocier des accès par les voies nord. Pour ma part, je me suis rendu, voilà quatre mois, au Pakistan où j'ai pu évoquer, notamment, l'utilisation de la voie terrestre.

Il semblerait que l'on puisse rapporter au moins une partie du matériel non sensible par voie terrestre. Le reste se fera par porteurs stratégiques loués, ce qui aura un coût. Celui-ci sera supporté par le budget opérationnel de programme (BOP) OPEX. Cela relève en partie de l'opération Pamir, dont le coût est collectif : budget de la défense et budget commun dans le cadre de la loi de finances rectificative. Il est en effet d'usage que la République française finance, en fin d'année, les surcoûts entraînés par certaines opérations, comme ce fut le cas de l'opération Harmattan, au cours de l'année 2011. Il est heureux qu'il en soit ainsi : même si les sommes dont il est question ici ne sont pas considérables, elles peuvent atteindre tout de même quelques centaines de millions d'euros.

Monsieur le député, vous opposez « monde incertain » et « format juste suffisant ». Je vous le dis en toute simplicité : la France ne serait pas raisonnable d'abaisser régulièrement son effort en matière de défense. Et je ne suis pas le seul à le penser. Avec le CEMA et les deux autres chefs d'état-major, nous avons donc fait savoir aux représentants politiques que nous souhaitions qu'ils organisent un débat pour décider du niveau d'ambition de la France en matière de défense et donner ensuite les orientations voulues aux responsables des moyens. Nous ne souhaiterions pas en effet que « la technocratie budgétaire » nous fasse collectivement passer dans un cadre toujours plus petit, au détriment de la cohérence et au mépris d'une analyse objective des dangers de ce monde.

Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit en octobre : est-il raisonnable d'avoir une armée de terre en dessous de 100 000 hommes, c'est-à-dire au plus bas de son histoire, dans un pays qui n'a jamais été aussi peuplé ? « Heureusement que le monde n'est pas dangereux… », avais-je observé à l'époque.

Oui, monsieur Nicolas Dhuicq, nous sommes désolés de constater avec vous le nombre limité de régiments restant : dans l'arme blindée cavalerie, une dizaine, dont quatre équipés chacun de cinquante chars, ainsi que des unités de reconnaissance et de renseignement légères, soit 6 500 hommes ; de même, 20 régiments seulement dans l'infanterie française, soit 19 000 hommes. C'est pourtant là le coeur de la capacité de manoeuvre de l'armée française…

Cela étant, je ne suis pas du tout inquiet pour l'arme blindée cavalerie, que je traiterai avec la même attention que les autres armes : elle a sa place, même réduite, notamment en zone urbaine.

Il fut un temps où l'on appliquait la méthode « du petit Nicolas » : on plaçait l'infanterie dans les bois et dans les zones urbaines, et les chars dans les intervalles. Mais nous avons constaté que les chars vont se réfugier et agir là où ils sont à l'abri, notamment de l'aviation, c'est-à-dire dans les zones urbaines. Voilà pourquoi nous sommes allés débusquer, avec nos hélicoptères de combat, des chars du colonel Kadhafi dans les villes et les villages où ils étaient cachés.

Aujourd'hui, en Syrie, la supériorité tactique des forces gouvernementales réside dans les chars, les engins blindés d'infanterie et les hélicoptères de combat. En Irak, les Britanniques se sont emparés de Bassorah et les Américains de Fallujah avec des chars et des blindés. On n'engage plus les soldats sans leur assurer une certaine protection sur le champ de bataille. Et on ne doit pas utiliser les véhicules de transport d'infanterie seuls dans le combat de haute intensité, parce qu'ils seraient trop vulnérables. Cela suppose, bien évidemment, des dispositifs cohérents.

Je terminerai sur la mutualisation franco-britannique. À la suite du traité de Lancaster House, nous avons été fortement incités à nous rapprocher des Britanniques. Nous le faisons de bon coeur dans la mesure où nous avons des points communs et où nous nous sommes engagés depuis fort longtemps, côte à côte, dans certaines opérations. Mon homologue britannique et moi-même avons trouvé plusieurs domaines d'entente. J'ai évoqué les drones tactiques. Nous avons aussi des projets en matière de blindés légers. Et surtout, nous préparons un engagement commun avec une brigade franco-britannique. Bien entendu, nous travaillons également sur l'interopérabilité au niveau des postes de commandement et des états-majors, selon un calendrier échelonné dans le temps. L'objectif a été fixé à 2016, mais nous progressons étape par étape. Voilà pourquoi sont jumelées deux brigades pilotes, notre 11e brigade parachutiste et la 16e Air Assault Brigade britannique, qui ont de nombreux points communs.

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