Intervention de Marc Le Fur

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 15h00
Débat sur la traçabilité alimentaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur :

Cela vaut pour la viande fraîche, pour la viande surgelée ou conservée, cela vaut aussi pour toutes les viandes transformées. Regardons les publicités : peu importe la marque, nous y voyons des mentions telles que « transformé en France », « élaboré en France ». C'est justement ce dont nous ne voulons pas.

Ma proposition de loi est très simple. Pour chaque plat cuisiné, il faudra préciser le type d'animal, le lieu où il est né, le lieu où il a été élevé, le lieu où il été abattu et le lieu où il a été transformé. Voilà quelque chose de simple qui devrait nous rassembler.

Peu ou prou, ce que je dis au sujet de la viande devrait valoir pour le poisson, même si c'est plus compliqué : les poissons vendus par les pêcheurs français peuvent provenir de mers lointaines. Mais il faut prévoir aussi pour le poisson un système de ce genre.

Quelque chose me choque, depuis des années : c'est que le label made in France vaille pour les produits industriels, mais non pour les produits alimentaires. Nous avons un ministre qui promeut le made in France en s'habillant en tenue bretonne – ce qui me réjouit d'ailleurs (Sourires) : il faut que nous sachions aussi promouvoir le made in France dans le domaine de l'alimentation.

Pas de loi bavarde : une loi ferme, claire, qui sache sanctionner. J'ai bien entendu, monsieur le ministre, votre propos sur les sanctions.

Ce qui est en jeu, au-delà de l'intérêt bien compris du consommateur, c'est l'emploi. Il faut que le consommateur sache d'où vient le produit qu'il achète, mais il faut aussi que le producteur soit défendu.

Il y a un point particulier : celui de la charcuterie. Il s'agit d'un produit élaboré qui souvent associe différents types de viandes. Je me suis fait communiquer les chiffres les plus précis possibles : aujourd'hui, 15 % des saucisses et saucissons élaborés en France le sont à partir de viandes et de pièces importées. Et 30 % des jambons consommés en France sont produits à partir d'animaux importés.

Quel est l'état de notre droit ? La loi de modernisation agricole avait fixé des objectifs, sans les traduire concrètement, je l'admets. Nous avons progressé, les orateurs précédents l'ont dit, dans le domaine de la viande bovine. Rappelons que nous avons progressé à l'occasion de la crise de l'ESB : c'est parce qu'il y a eu cette crise que la situation a évolué. Nous sommes confrontés à une nouvelle crise, sachons évoluer.

Que les choses soient bien claires : en matière de viande fraîche, autant nous avons progressé s'agissant de la viande bovine, autant nous sommes encore à mi-chemin s'agissant des autres viandes, en particulier de la viande porcine.

Mon souci est que la mesure proposée ne soit pas une possibilité, une faculté, une tolérance, mais bien une obligation. Quand on interroge l'opinion sur ce point – je vous renvoie à l'étude Shopper publiée par France Agrimer en juillet 2012 –, on constate que les consommateurs sont d'accord.

Il y a également des études dans plusieurs pays européens, et l'on constate que les opinions publiques de ces pays partagent notre vision, ce qui peut paraître surprenant, mais est une réalité. Nous sommes confrontés à une exigence forte, qui doit se traduire par une contrainte.

Il s'agit de rassembler les intérêts des consommateurs et ceux des producteurs. Ces deux mondes se sont dissociés parce qu'entre eux deux il y a désormais la grande distribution, le hard discount et les produits élaborés. Il s'agit de revenir à une logique de commerce équitable, aujourd'hui présente dans des discours généreux, mais qu'il faut traduire concrètement.

C'est une exigence économique. Je me permets d'insister sur ce point : nous sommes aujourd'hui confrontés à une concurrence allemande extrêmement vive. Rappelons-nous, à la création de l'Europe, il y avait un compromis assez simple : à l'Allemagne l'industrie, à la France l'agriculture et l'agroalimentaire, et nous avons vécu sur cette base pendant de nombreuses années. Ce compromis n'existe plus : l'Allemagne a désormais la main dans le domaine industriel, mais aussi dans les domaines agricole et agroalimentaire. Il faut que nous sachions revenir à des réalités plus favorables à notre pays. Prenons par exemple la production porcine : l'Allemagne il y a peu était importatrice, les Allemands sont de grands consommateurs de viande porcine. Aujourd'hui, ils sont exportateurs : ils abattent 60 millions de porcs quand nous en abattons 25 millions. La différence s'est faite très vite, sur des questions de compétitivité.

Il en va de même pour la volaille. Vous m'avez associé à de multiples réunions et je vous en remercie, monsieur le ministre : 40 % de la volaille est importée. Mais regardons les choses de plus près. Si nous parlons de la volaille fraîche, le taux d'importation tombe à 13 % : le consommateur, à l'étal, a globalement de la viande française. Mais dans les plats préparés, 63 % des viandes sont importées, d'Europe et parfois de beaucoup plus loin, puisque la Thaïlande nous fournit des volailles.

J'attends donc du Gouvernement qu'on aille très clairement vers une réglementation européenne et nationale. L'idée est d'avancer de conserve, mais il y a un moment où la France doit donner le la, doit peut-être aller à la limite de la contravention par rapport aux règles européennes, pour que nous sachions défendre les intérêts conjugués du consommateur et du producteur.

C'est un pas que nous devons faire. Nous savons bien, car c'est classique, qu'un certain nombre de pays du nord de l'Europe défendent une autre logique, parce que ce sont des pays structurellement importateurs et commerçants, alors que nous sommes d'abord des producteurs, attachés à un terroir. Il n'empêche, il faut que nous avancions très clairement.

Cette avancée doit se faire avec l'ensemble des acteurs de la filière, cela va de soi. Nous devons la faire de manière rassemblée et ce débat, organisé à l'initiative du groupe RRDP que je salue, est une contribution positive, à condition que ce débat soit un premier pas, au lieu d'aboutir à une impasse.

Vous avez sur la table notre proposition de loi. Elle est très claire : il s'agit d'identifier, pour les viandes fraîches, pour les produits transformés, le lieu où est né l'animal, celui où il a été élevé, celui il été abattu, celui où il a été transformé. Ce sont des choses très simples.

L'objectif n'est pas seulement de défendre l'intérêt des consommateurs – ce qui serait certes suffisant –, mais de préserver ceux des producteurs et des salariés. Vous savez mon inquiétude pour l'emploi dans l'agroalimentaire, la seule industrie qui a créé de l'emploi ces dix dernières années en France : nous assistons au mouvement inverse, vous le savez bien, monsieur le ministre. Nous avons l'occasion de réagir, nous avons l'occasion de créer un made in France dans le domaine alimentaire : saisissons cette occasion !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion