Intervention de Eva Sas

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 15h00
Débat sur la politique de la ville et la rénovation urbaine

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais commencer par remercier nos collègues du groupe UDI d'avoir sollicité l'organisation de ce débat essentiel au regard des inégalités territoriales auxquelles notre pays fait face aujourd'hui.

En effet, les habitants des quartiers en difficulté sont les premiers exposés au chômage et aux difficultés économiques et sociales que notre pays traverse. De même, ils sont les premières victimes de la dégradation de la qualité de vie car ces quartiers sont les plus exposés aux pollutions de l'air, aux pollutions sonores et à la précarité énergétique. Dès lors, la politique de la ville est un élément nécessaire de la lutte contre les stigmatisations, les discriminations et les inégalités dont les habitants de ces quartiers sont victimes.

La loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine devait constituer l'acte fondateur du renouveau de la politique de la ville. L'objectif assigné à cette réforme était de réparer les erreurs d'urbanisme commises pendant les Trente Glorieuses pour réduire significativement les écarts de développement qui pénalisent les quartiers dits prioritaires. L'ampleur du programme national de rénovation urbaine, piloté par l'ANRU et évalué à 42 milliards d'euros, concrétisait cette ambition. Pour améliorer ce dispositif, des réformes se sont succédé quasiment chaque année depuis dix ans, faisant évoluer profondément les modalités et les objectifs de la politique de la ville.

Malgré cela, dix ans plus tard, le bilan est sans appel : les écarts de développement entre les quartiers prioritaires et les villes avoisinantes ne se sont pas réduits, et, pire encore, certaines des nombreuses inégalités préexistantes n'ont fait que s'accroître. Le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles en atteste largement. Le taux de pauvreté est ainsi passé de 30 % en 2006 à 36 % en 2010 dans les ZUS. La part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté est trois fois plus élevée dans ces zones que dans le reste du territoire, un chiffre inadmissible, comme l'est le taux de chômage, qui atteint 21 % en ZUS, alors qu'il est de 10 % hors ZUS, ce qui est déjà trop élevé.

En matière de réussite scolaire, les élèves issus d'établissements en ZUS s'orientent nettement plus fréquemment vers la filière professionnelle, cursus qui semble désormais leur être réservé, si bien que le quartier entre dans un cercle vicieux : déqualification, ghettoïsation…

Le constat est donc peu flatteur, et la gestion de la politique de la ville de la dernière décennie, fortement critiquée par la Cour des comptes, ne l'est pas davantage : dilution des interventions sur un nombre beaucoup trop important de quartiers, défaut persistant de gouvernance et de coordination, manque d'articulation entre rénovation urbaine et accompagnement social, répartition inadéquate des crédits, trop faible mobilisation des politiques publiques de droit commun.

Dès lors, nous ne pouvons nous contenter du statu quo. Pour nous, l'enjeu n'est pas seulement de penser une politique de réparation pour les quartiers, mais de penser la ville dans sa globalité, de penser une ville durable. Pour y parvenir, la politique de la ville doit d'abord assurer l'accès aux emplois, aux services publics, aux transports. La sécurité des habitants doit elle aussi être assurée, parce que la violence et la délinquance touchent particulièrement les plus faibles et les plus vulnérables.

La ville durable telle que nous la souhaitons passe par une ville qui combat les injustices environnementales et assure la mixité sociale. C'est donc une politique de la ville ambitieuse qui doit être menée et qui doit passer par le désenclavement des quartiers populaires et la planification intégrée de l'habitat, des transports, de l'accessibilité aux services, de la lutte contre la précarité énergétique.

Pour nous, il s'agit de faire converger les politiques de droit commun de l'État et des collectivités locales sur les quartiers, en territorialisant une action publique jusqu'ici définie d'en haut. Il convient notamment de donner priorité à ces quartiers dans les politiques de l'État, comme cela a été le cas pour les emplois d'avenir, qui bénéficient prioritairement aux quartiers en difficulté, ce dont nous nous félicitons.

La politique de la ville doit être intégrée dans une politique plus large d'égalité des territoires. Dans cette perspective, nous souhaitons ici réaffirmer notre soutien à la réforme de la géographie prioritaire engagée par le Gouvernement.

En effet, les premières orientations qui ont été indiquées nous semblent aller dans le bon sens. Nous approuvons la logique de contractualisation par territoires privilégiant l'intercommunalité. Il s'agit de l'échelle pertinente pour penser l'aménagement du territoire, une échelle qui permettra de désenclaver ces quartiers en les intégrant dans une vision d'ensemble de la ville.

Nous appuyons également le recentrage sur un nombre plus resserré de quartiers, permettant une concentration des moyens, comme le préconise la Cour des comptes. Sur ce point, monsieur le ministre, vous avez annoncé que le nombre de quartiers prioritaires passerait de 2 500 aujourd'hui à 1 000 environ à l'avenir. Cela pose évidemment la question des critères sur lesquels vous fonderez votre choix de nouveaux ciblages. La part de population à bas revenus sera-t-elle bien évaluée au niveau du quartier et non au niveau de la commune ? Les mesures dont a bénéficié jusque-là le quartier seront-elles bien prises en compte ?

Je pense notamment à un quartier que je connais bien, et que vous connaissez aussi, le quartier de Grand-Vaux à Savigny-sur-Orge. Il n'a malheureusement pas été classé en ZUS et n'a donc que très peu bénéficié jusqu'ici des mesures de politique de la ville. C'est un quartier en difficulté dans une ville au niveau de vie moyen, qui pourrait être, de ce fait, écarté des zones prioritaires alors que ses habitants attendent aujourd'hui qu'on leur redonne un avenir. Grand-Vaux a besoin, plus que d'autres quartiers, d'un programme de rénovation urbaine, de transports, de commerces et d'emplois, et donc d'être intégré dans les 1 000 quartiers prioritaires que vous définirez.

D'une manière générale, la politique de la ville doit considérer les habitants des quartiers comme une richesse, en mettant les habitants au coeur de la politique de la ville. Concrètement, il s'agit de renforcer leur pouvoir d'agir pour en faire des acteurs de la transformation de leurs quartiers. Ainsi, il faudra soutenir les associations existantes et les habitants des quartiers, accompagner leurs mobilisations et écouter leurs attentes, plutôt que de leur proposer des solutions clés en main. La diversité et les solidarités fortes qui unissent les habitants de ces quartiers sont une richesse et un facteur de résilience face aux crises, qu'il faut mettre en avant.

Cette politique, co-élaborée avec les habitants, doit donner la priorité à l'éducation, à la formation et à l'emploi. Il faudra, de notre point de vue, faire un effort particulier sur la formation professionnelle, par la mise en oeuvre de dispositifs adaptés et surtout la création de partenariats avec les entreprises. S'agissant de l'éducation, dont dépendra l'emploi de demain, nous soutenons notamment un accroissement significatif du taux d'encadrement scolaire.

Pour nous, une véritable solidarité financière entre les territoires riches et pauvres doit être mise en place. La péréquation horizontale entre collectivités doit être renforcée. Elle doit permettre une présence accrue des services publics dans ces quartiers prioritaires.

Au travers du renouvellement urbain, nous devons repenser l'aménagement et l'organisation des ensembles urbains pour considérer ces quartiers non plus comme périphériques mais comme des quartiers centraux. Dans cette optique, la politique des mobilités et des transports doit donner la priorité aux infrastructures – nouvelles lignes vers les centres-villes, meilleures fréquences, navettes et taxis collectifs inter-quartiers… – ainsi qu'à des politiques de tarification favorables au désenclavement des quartiers.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, nous soutenons votre action, et nous partageons avec vous quatre axes prioritaires en matière de politique de la ville : la concentration des moyens sur un nombre restreint de quartiers, la co-élaboration avec les collectivités et les habitants, la priorité donnée à la formation et à l'emploi, et l'intégration dans un schéma global de ville durable.

Mais une question reste en suspens, et je conclurai sur ce point. C'est celle des moyens accordés à cette politique de la ville au cours de la législature. L'Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui assure le suivi du PNRU lancé en 2003, avait pour objectif de rénover 594 quartiers en dix ans, pour un montant de 42 milliards. Ce programme a pris du retard et les financements manquent. Vous avez annoncé que le programme serait prolongé jusqu'en 2015 et que les financements seraient assurés jusqu'à cette date. Pouvez-vous nous confirmer ces éléments, qui permettront de sécuriser l'achèvement des programmes de rénovation urbaine engagés, comme dans le quartier de la Grande-Borne à Viry-Châtillon ?

Pouvez-vous, plus largement, nous rassurer sur les moyens qui pourront être consacrés à un nouveau programme de rénovation urbaine ainsi qu'à l'ensemble des mesures de politique de la ville au cours de la législature ? La politique de la ville doit en effet faire partie, à notre sens, des priorités budgétaires de notre majorité.

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