Intervention de Jean-Marc Germain

Séance en hémicycle du 24 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Germain, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chers collègues, nous voici au terme de la discussion du projet de loi de sécurisation de l'emploi. La commission mixte paritaire réunie hier a adopté le texte final qui nous est soumis aujourd'hui. Relativement à l'ampleur du texte, peu de dispositions restaient finalement en discussion. Nous avons réintroduit les clauses de désignation, que le Sénat avait supprimées, et rétabli la nouvelle consultation sur les stratégies d'entreprise avec les améliorations introduites par le Sénat en commission.

Le projet de loi dont nous achevons l'examen est l'un des textes les plus importants du quinquennat, à double titre. Il est important car la profonde réforme du marché du travail qu'il engage constitue, avec la réorientation de l'Europe vers la croissance et le pacte de compétitivité, l'un des trois piliers de notre stratégie de redressement. Après les emplois jeunes et les contrats d'avenir, plusieurs engagements forts du programme présidentiel trouvent ainsi leur traduction dans le pays.

Je pense d'abord à l'engagement n° 35. « Pour dissuader les licenciements boursiers, avait promis François Hollande, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs ». Engagement tenu : l'article 13 du projet de loi réforme la procédure relative aux plans de sauvegarde de l'emploi en ce sens et l'article 14 crée une obligation de recherche d'un repreneur en cas de fermeture d'un site rentable.

Je pense aussi à l'engagement n° 24. « Je lutterai contre la précarité qui frappe avant tout les jeunes, les femmes et les salariés les moins qualifiés », avait aussi dit François Hollande. À cette fin, ajoutait-il, « j'augmenterai les cotisations chômage sur les entreprises qui abusent des emplois précaires et mettrai en place la sécurisation des parcours professionnels ». Engagement tenu : ce sont les articles 1er, 2 et 5 sur les droits portables à la santé, la formation et l'indemnisation du chômage, les articles 3 et 10 sur la sécurisation des mobilités et les articles 7 et 8 favorisant les emplois en CDI et luttant contre les temps partiels subis.

Je pense enfin à l'engagement n° 55. « Je permettrai la présence des salariés dans les conseils d'administration des grandes entreprises ». Engagement tenu, plus que tenu : c'est l'article 5, mais aussi, au-delà même des grandes entreprises, l'association étroite des salariés aux stratégies d'entreprise consacrée par les articles 4 et 9 du projet de loi.

Les engagements sont tenus en termes d'objectifs, mais aussi de méthode. Oui, chers collègues, le débat parlementaire était aussi important car il constituait en quelque sorte les travaux pratiques avant l'heure de la nouvelle articulation entre démocratie politique et démocratie sociale voulue par le Président de la République. Cette nouvelle articulation se résume de la manière la plus simple qui soit : la négociation sociale précède et inspire les lois sociales.

C'est cette nouvelle pratique de la démocratie sociale que le Gouvernement comme nous-mêmes parlementaires avons suivie avant l'heure. C'est au fond un mouvement en trois temps. Le premier, c'est celui du Gouvernement qui fixe les objectifs de la négociation : c'est la feuille de route de septembre 2012. Le deuxième, c'est celui des partenaires sociaux : invités à négocier, ils ont abouti à un accord signé par les organisations patronales et trois organisations syndicales représentant 51,15 % des salariés. Le troisième, c'est celui du Parlement. J'ai défendu en votre nom, mes chers collègues, l'idée qu'il devait être aussi important que les premiers. La négociation inspire mais ne remplace pas la loi. Il était d'autant plus légitime de jouer pleinement notre rôle de législateur que nous ne pouvions ignorer que le texte n'a pas recueilli l'accord de deux centrales syndicales importantes, la CGT et Force ouvrière.

Dès lors, c'est sur une voie étroite qu'il nous revenait d'avancer, entre la loyauté vis-à-vis des signataires, et l'écoute des non-signataires afin d'améliorer ce qui pouvait l'être. Je me réjouis que nous y soyons parvenus. La quasi-totalité des questions et des problèmes identifiés lors des auditions ont été réglés par la négociation sociale, par votre travail d'écriture de la loi, monsieur le ministre, et par le travail parlementaire.

C'est la raison pour laquelle je n'accepte pas que ce texte soit qualifié d'« accord MEDEF ». Les attentes du MEDEF, on les connaît : c'était le texte mis sur la table à l'ouverture des négociations le 4 octobre, c'était le mirage de la flexibilité s'appuyant sur le théorème absurde selon lequel les licenciements d'aujourd'hui feraient les emplois de demain, le CDI de projet, la lettre de licenciement non motivée, le juge prié de moins mettre son nez dans les contentieux, des mobilités et le recul des droits sociaux sous la pression et la menace du licenciement. Rien de tout cela ne figure dans le texte que nous allons adopter dans quelques instants, et pour une raison bien simple : depuis le 4 octobre, il y a eu la gomme des syndicats signataires, le crayon de Michel Sapin et le stylo des parlementaires !

Et il y a aujourd'hui la loi qui sera la loi de la République. Une loi qui marque le retour de l'État dans la prévention des licenciements économiques et la lutte contre la flexibilité externe. Aujourd'hui, les PSE sont à la main des employeurs. Demain, selon l'article 13, il faudra recueillir l'accord majoritaire des salariés ou celui de l'administration. Quel changement ! Et avec l'article 14, toute entreprise envisageant la fermeture d'un établissement devra rechercher un repreneur, disposition qui sera bientôt complétée pour lui donner plus de force par une proposition de loi préparée par notre collègue François Brottes complétant dans le code de commerce les nouvelles dispositions du code du travail.

La loi également, et c'est sa deuxième ligne de force, qui réforme en profondeur la gouvernance des entreprises de notre pays en faisant entrer avec voix délibérative les salariés dans les conseils d'administration des plus grandes, en étendant la codécision avec les syndicats à des questions comme le plan de formation, en associant étroitement les représentants du personnel aux stratégies d'entreprise et en leur confiant la responsabilité de contrôler l'usage du crédit d'impôt compétitivité emploi avec un droit d'alerte à la clé. L'objectif est simple : anticiper, saisir les occasions à temps, gérer les difficultés avant qu'il ne soit trop tard et privilégier les emplois sur le sol national.

La loi enfin, et c'est le troisième axe, qui avance vers une sécurité sociale professionnelle : c'est la généralisation de la portabilité des complémentaires santé cofinancées par les employeurs, le compte personnel de formation permettant à chacun de progresser professionnellement et la négociation collective des mobilités professionnelles. Il nous fallait aller vers un modèle social où les droits acquis dans une entreprise peuvent être conservés lorsque l'on en change. C'est ce que nous faisons.

Voilà la colonne vertébrale de cette loi. Ce n'est pas de la flexibilité, ni même de la flexi-sécurité, mais de la « sécuri-sécurité » : on rend plus difficile les licenciements secs, on favorise le maintien dans l'emploi en cas de difficultés et on sécurise les parcours en accompagnant les mobilités internes comme externes, volontaires ou subies, en matière d'accès à la formation, à la santé et de retour à l'emploi. En Allemagne, quand on perd un salarié, on considère que l'on perd une compétence ; en France, on croit que l'on gagne de l'argent.

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