Intervention de Gérard Sebaoun

Séance en hémicycle du 24 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Sebaoun :

Vous me répéterez cela tout à l'heure, chère collègue.

L'accord national interprofessionnel avait clairement fait apparaître sur ce sujet une fracture au sein du patronat lui-même, avec d'un côté l'UPA, favorable à la désignation, et dans une moindre mesure la CGPME, et de l'autre le puissant MEDEF, clairement hostile.

Ce dernier a obtenu la suppression de la clause de désignation dans le texte, sans pour autant empêcher à la ligne suivante la recommandation. Bref, une habileté de style qui ne tranchait pas le débat. C'est le projet de loi gouvernemental qui a fait le travail et présenté un texte équilibré respectant toutes les possibilités : les branches pourront décider soit de laisser le libre choix aux entreprises, soit de recommander ou encore de désigner un ou des organismes assureurs. Cette position d'équilibre a été suivie par notre assemblée, qui a précisé les modalités de mise en concurrence et de transparence indispensables lors des appels d'offres ouverts à tous les opérateurs.

Le Sénat a créé la surprise en votant à une courte majorité de sept voix un amendement supprimant la possibilité de recommandation ou de désignation. Par un amendement cosigné par les deux rapporteurs, Claude Jeannerot et Jean-Marc Germain, la CMP a heureusement rétabli le texte voté à l'Assemblée.

Un mot sur les arguments des tenants de la liberté totale défendue par le MEDEF. Ils affirment que la clause de désignation porterait atteinte à la libre concurrence. Or, l'avis de l'Autorité de la concurrence du 29 mars 2013 atteste de la licéité de la désignation. Ils oublient également de rappeler que la Cour de justice de l'Union européenne à Luxembourg s'est prononcée favorablement sur le régime des frais de santé de la boulangerie créée par AG2R, dans son arrêt du 3 mars 2011. La Cour a considéré, je cite, que « les clauses de désignation ne constituaient pas une entente prohibée dès lors qu'elles résultent d'une convention ou d'un accord collectif dont l'objet est l'amélioration des conditions de travail – ce qui était bien le cas. Ces clauses de désignation et de migration ne créent pas une position dominante abusive si les partenaires sociaux poursuivent un objectif de solidarité » – ce qui était encore le cas.

Je ne veux pas éluder deux questions qui ont fait débat. La première porte sur la place de ceux que l'on appelle les petites mutuelles, qui s'inquiètent légitimement de perdre leurs adhérents et de ne pouvoir concourir à égalité avec les plus gros organismes assurantiels. Il semblerait qu'une modification législative pourrait leur permettre d'être co-assureurs et de rester ainsi des acteurs de proximité très utiles, comme ils le sont aujourd'hui.

La seconde question porte sur la place des courtiers d'assurance, dont les salariés se sont regroupés dans le mouvement dit des abeilles. Je les ai reçus juste avant la première lecture et j'ai retenu de cette rencontre deux éléments. Tout d'abord, le nombre de 30 000 emplois menacés semble le fruit d'un calcul à la louche considérant que chaque cabinet, quelle que soit sa taille, pourrait licencier un salarié à cause de la loi. Ensuite, les compagnies versent par anticipation une certaine somme à leurs agents ou à leurs courtiers à valoir sur les contrats à venir ; ce versement constitue un fonds de roulement indispensable à beaucoup de ces petites entreprises, qui aurait été gelé dès janvier dans l'attente de la loi.

Sous réserve de la validité de ces informations, on voit bien que, si la crainte de ces salariés doit être entendue, elle a plus à voir avec la restructuration entamée du monde mutualiste et la position attentiste des compagnies d'assurance qu'avec notre texte de loi.

Monsieur le président, mes chers collègues, j'aurai essayé une dernière fois de convaincre les irréductibles…

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