Intervention de Isabelle Le Callennec

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 21h30
Cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, s'il est un sujet qui devrait faire consensus entre nous, c'est bien celui de la lutte contre la précarité des personnes âgées. C'est la raison pour laquelle je ne m'explique toujours pas qu'en commission des affaires sociales, la majorité socialiste ait voté contre cette proposition qui n'est autre qu'une mesure de justice.

Mettre ses paroles en conformité avec ses actes participe de la moralisation de la vie politique que nous appelons de nos voeux. Voter des textes de loi présentés par l'opposition ne vous déshonorera pas. Au contraire, ce sera la preuve apportée aux Français que nous pouvons nous retrouver, sans esprit partisan, lorsqu'il s'agit d'améliorer leur vie quotidienne.

Gageons qu'en votre présence, madame la ministre, nos collègues retrouveront leurs esprits – mais j'ai cru comprendre que vous souhaitiez aussi le renvoi de ce texte en commission des affaires sociales, ce qui m'inquiète quelque peu –, à l'instar de leurs homologues sénateurs qui se sont abstenus, à défaut de voter cette proposition qui doit présenter pour seul défaut d'être portée par l'UMP. Compte tenu de la violence de la crise économique et sociale que traverse notre pays, les Français, insupportés par toute forme de sectarisme, nous demandent de dépasser les postures idéologiques, maintenant et pour les prochaines années.

Pardonnez-moi ce long propos introductif, mais je l'avais sur le coeur et je voulais le faire partager à la représentation nationale.

Je vous soumets donc aujourd'hui une proposition de loi qui vise à autoriser le cumul du minimum vieillesse avec des revenus professionnels. Cette proposition, portée par la sénatrice Isabelle Debré, a été adoptée par le Sénat en première lecture le 31 janvier dernier.

Ce cumul est aujourd'hui autorisé pour tous les retraités, pour les bénéficiaires de l'AAH, mais ne l'est pas pour les bénéficiaires du minimum vieillesse, ce qui crée une inéquité. Dans son rapport de 2012sur le cumul emploi-retraite, l'Inspection générale des affaires sociales a d'ailleurs recommandé de permettre le cumul des revenus avec un minimum vieillesse – vous l'avez dit tout à l'heure, madame la ministre.

Pour mémoire, le dispositif du minimum vieillesse a été créé en 1956 et permet de garantir un revenu minimal aux personnes qui n'ont pas cotisé ou n'ont pas pu suffisamment cotiser aux régimes de retraite au cours de leur carrière. Depuis 2007, les bénéficiaires du minimum vieillesse regroupent les titulaires de l'une des deux allocations permettant d'atteindre le plafond du minimum vieillesse : l'ancienne allocation supplémentaire vieillesse, l'ASV, ou la nouvelle allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ASPA. L'ASV concerne encore les trois quarts des personnes allocataires du minimum vieillesse. Fin 2010, on estime le nombre des allocataires à 576 000 ; ce chiffre est en voie de stabilisation.

Cette allocation minimum est servie par vingt et une caisses de retraite et vient compléter un avantage de base, qui est de droit. Fin 2011, 70 % des allocataires dépendaient de la CNAV : cela représente 3,2 % des retraités du régime général. Le financement est assuré par le fonds de solidarité vieillesse – le FSV – dont il représentait en 2011 près de 13,6 % des dépenses, soit 3 milliards d'euros.

Comme son nom l'indique, le minimum vieillesse est une ressource minimum pour les personnes âgées. L'ASPA est une allocation différentielle, sous conditions de ressources. L'estimation des ressources exclut la valeur de la résidence principale, les prestations familiales et l'allocation de logement aux personnes âgées. Elle garantit un niveau de ressources minimales aux personnes âgées de 65 ans ou plus. La condition d'âge est ramenée à l'âge légal pour les personnes reconnues invalides ou inaptes au travail, ainsi que pour d'autres catégories mentionnées à l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale. Le minimum vieillesse n'est attribué que lorsque les intéressés ne disposent pas de ressources supérieures à un plafond fixé par décret. L'ASPA a été revalorisée au 1er avril 2013 et atteint désormais un niveau mensuel de 787,26 euros pour une personne seule et 1 222,27 euros pour un couple. Pour mémoire, le seuil de pauvreté se situe à 964 euros pour une personne seule. Notons que le plafond pour une personne seule a été revalorisé de 25 % entre 2009 et 2012. L'ASPA est une allocation subsidiaire : pour la percevoir, il faut d'abord avoir fait valoir ses droits dans les différents régimes de retraite.

Une étude de la DREES fait état d'un âge moyen des allocataires de 75 ans – 72 ans pour les hommes et 76 ans pour les femmes. Un tiers des allocataires ont entre 65 et 75 ans. 71 % des bénéficiaires sont des personnes seules – cette proportion est de 41 % parmi l'ensemble de la population âgée de 65 ans et plus. Enfin, les femmes représentent plus des trois quarts des allocataires.

Aujourd'hui, c'est le caractère différentiel qui empêche de cumuler l'allocation avec des revenus du travail. Il n'est pas interdit à un allocataire du minimum vieillesse de percevoir des revenus d'activité, mais ces revenus sont intégrés dans ses ressources et viennent donc diminuer le montant de l'allocation versée, ce qui annule le bénéfice de la reprise d'une activité.

En quoi consiste le cumul emploi-retraite ? Institué par la loi du 21 août 2003, il est ouvert à tout retraité, du secteur public comme du secteur privé, quels que soient la date de liquidation de sa pension et son régime de retraite. Il permet de percevoir simultanément une pension de retraite et des revenus d'activité. Il a été déplafonné par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Les cotisations versées ne sont pas créatrices de droits supplémentaires, ce qui n'est pas une mauvaise chose pour la situation de nos finances publiques.

À en juger par les statistiques, le dispositif connaît un succès croissant. Pour de nombreux retraités, il constitue le moyen de s'offrir une transition progressive, non vers l'inactivité mais vers le « moins d'activités ». L'évolution à la hausse du nombre de bénéficiaires concerne particulièrement les retraités du régime social des indépendants.

L'IGAS estime le nombre total de retraités cumulant un emploi et une retraite à 500 000 personnes sur 15 millions de pensionnés. Fin 2010, plus de 281 000 retraités de droit direct étaient concernés par le cumul emploi-retraite au régime général.

Pourquoi autoriser le cumul du minimum vieillesse avec une activité ? Compte tenu de la modicité du montant du minimum vieillesse que j'ai rappelé et de la baisse du pouvoir d'achat, certaines personnes peuvent vouloir exercer une petite activité et compléter ainsi leurs revenus lorsqu'elles en ont encore la capacité et la santé. L'allongement de l'espérance de vie crée de nouveaux besoins, notamment en matière de santé. Or les auditions nous ont montré que faute de moyens, certains bénéficiaires du minimum vieillesse renoncent à une complémentaire santé au moment précis où ils en auraient besoin. De même, le fait d'avoir une petite activité est, pour certaines personnes, le moyen de conserver une vie sociale, de ne pas sombrer dans la solitude, voire de maintenir des liens entre les générations. Enfin, ce sont souvent les femmes qui perçoivent le minimum vieillesse car plus que les hommes, elles ont pu avoir des carrières incomplètes et pourraient avoir envie d'exercer une activité pendant encore quelques mois ou quelques années.

Il va de soi que la reprise d'une activité à la retraite baisse à mesure que l'on avance en âge. Un peu plus de 3 000 retraités du régime général exercent encore une activité à 75 ans ; en dehors du régime général, un millier de retraités sont dans cette situation.

Quelles sont les activités concernées ? Il ne s'agit probablement pas de temps complets, mais plutôt de temps partiels, dans le secteur des services à la personne, l'agriculture ou les commerces, pour effectuer des petits remplacements, notamment dans les bars et les bureaux de tabac. Je pense aussi aux sorties d'école et aux emplois proposés par les mairies pour un très faible nombre d'heures. Je pense surtout – vous avez évoqué ce point, madame la ministre – aux conséquences de la réforme des rythmes scolaires : avec cette proposition, nous avons le sentiment de venir à la rescousse du ministre de l'éducation nationale,…

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