Intervention de Hélène Geoffroy

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 21h30
Cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Geoffroy :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous abordons un sujet délicat. La proposition de loi présentée par Mme Le Callennec entend ouvrir la possibilité de cumuler l'ASPA, communément appelée minimum vieillesse, avec des revenus professionnels. Étant donné la situation dans laquelle peuvent se trouver les bénéficiaires de cette allocation, ce texte nous donne l'occasion de nous réinterroger sur le modèle de société que nous voulons développer.

Les allocataires du minimum vieillesse sont par essence affectés par la pauvreté et l'exclusion sociale. Ce dispositif de solidarité vise en effet à garantir un revenu minimal aux personnes âgées d'au moins soixante-cinq ans n'ayant pas suffisamment cotisé ou n'ayant pas pu le faire au cours de leur carrière. D'un montant de 787 euros par mois pour une personne seule et de 1 222 euros pour un couple, il concerne environ 580 000 personnes mais ne permet toutefois pas de sortir de la pauvreté dont le seuil est fixé à 964 euros.

Nos systèmes de protection n'arrivent plus à enrayer la pauvreté et la précarité que la société génère. C'est ainsi que le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, annoncé par le Premier ministre au mois de janvier et porté par Mme la ministre, couvre un grand nombre de domaines : logement, minima sociaux, santé, familles. Il marque un tournant : il a l'ambition de s'attaquer à toutes les causes de la pauvreté. Il nous faudra cependant attendre tout un mandat avant qu'il ne porte ses fruits, tant la majorité précédente s'est contentée d'incantations et a érigé l'individualisme en vertu.

Bien sûr, pour un cadre pris individuellement, il peut être réellement intéressant de continuer à travailler après la retraite. Dans le laboratoire dans lequel j'ai fait ma thèse, j'ai connu des professeurs qui menaient des recherches avec enthousiasme à soixante-dix ans passés. Mais la réalité que nous vivons dans nos circonscriptions est surtout celle de personnes abîmées par la vie. Ce n'est pas la passion mais la nécessité qui les pousse à demander quelques heures de travail. Le temps de la retraite doit-il être celui qui répare ce que la jeunesse n'a pas permis, c'est-à-dire une vie professionnelle complète ?

Selon les études déjà largement évoquées, seul un tiers des bénéficiaires a entre soixante et soixante-quinze ans et plus d'un tiers a plus de quatre-vingts ans. Cela voudrait dire que nous demanderions à des personnes de soixante-quinze ans de reprendre une activité.

Nous savons que les personnes âgées vivent souvent dans un grand isolement une misère cachée. Il faut souligner aussi que la pauvreté est plus importante parmi les femmes : elles représentent les trois quarts des allocataires. En outre, ces retraites très modestes cachent des disparités importantes : elles peuvent être liées à une vie professionnelle erratique, à une invalidité ou à une activité qui n'a pas été déclarée.

Nous voilà face à une question qui touche au fondement de la société que nous voulons. Une proposition de loi ne peut prétendre y répondre à elle seule.

La rapporteure a donné des exemples de ce que pourrait être ce travail : quelques heures pour chercher des enfants à la sortie d'école ou quelques heures dans des centres de loisirs. Non seulement, cette activité mettrait en danger la santé des personnes âgées mais elle contribuerait à les mettre en concurrence avec les jeunes, les publics en insertion pour qui ces heures représentent précisément une possibilité de remettre un pied dans l'emploi. Cela veut dire que nous dresserions de nouveau les gens les uns contre les autres.

Nous devons, me semble-t-il, réfléchir davantage à nos schémas gérontologiques avec les départements et les communes, pour sortir les personnes les plus vulnérables de l'isolement et leur garantir un accès aux soins. Nous devons aussi bien sûr, à travers le plan de lutte contre la pauvreté, revoir les charges qui pèsent sur le budget quotidien, comme le loyer ou le chauffage. Bref, nous devrons revoir la situation dans son ensemble et réfléchir à la question des montants dans le cadre plus général de la réforme des retraites.

À l'heure où notre pays traverse une crise sans précédent, nos seniors, particulièrement ceux qui ont eu des vies complexes, peuvent être des partenaires de la transmission de l'histoire, de la mémoire, mais aussi participer à la constitution de liens dans nos quartiers et nos campagnes.

Il me semble qu'il est de notre devoir d'assurer une retraite paisible à ceux qui ont vécu une vie difficile et qui peuvent nous accompagner dans la construction d'une société plus cohérente. C'est l'honneur de notre solidarité.

Bref, nous devons réfléchir plus avant aux implications de cette proposition de loi, à laquelle je suis défavorable, à l'instar de mes collègues du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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