Intervention de Audrey Linkenheld

Séance en hémicycle du 24 septembre 2012 à 16h00
Mobilisation du foncier public en faveur du logement et renforcement des obligations de production de logement social — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAudrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre de la ville, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, après avoir débattu ces dernières semaines de l'emploi avec le projet de loi sur les emplois d'avenir, dont je salue le rapporteur, nous nous retrouvons pour aborder un autre sujet majeur : le logement. Ce calendrier parlementaire montre bien que le Gouvernement veut avancer au plus vite et de manière tout à fait cohérente pour répondre à ces deux préoccupations premières des Français que sont l'emploi et le logement.

Emploi et logement, l'un ne va d'ailleurs pas sans l'autre. On sait les difficultés que l'on rencontre pour chercher un emploi dans de bonnes conditions lorsqu'on est privé de logement ou mal logé ; on sait aussi que de nombreux citoyens renoncent à la mobilité professionnelle faute de pouvoir jouir d'une mobilité résidentielle. Inversement, nul n'ignore que trouver un logement abordable et décent relève de la gageure lorsqu'on ne peut présenter la garantie d'un emploi stable.

Dans ce contexte, je considère comme le Président de la République, et comme le Premier ministre qui nous le rappelait ici même dans sa déclaration de politique générale, que nos actions en faveur du logement jouent un rôle fondamental pour les hommes et les femmes qui subissent le mal-logement, mais également pour notre économie.

Un logement produit, c'est 1,8 emploi ; le secteur du logement, c'est 20 % de notre PIB. Produire plus de logements permet de répondre à la pénurie mais aussi de créer des emplois, de soutenir le secteur du bâtiment et de contribuer à la relance de la croissance.

Au-delà de ces aspects économiques et sociaux, l'emploi et le logement renvoient bien sûr aux enjeux écologiques et à la transition énergétique que la majorité présidentielle appelle de ses voeux. Les emplois d'avenir sont aussi ceux des filières émergentes et de l'économie verte. Le logement, c'est aussi le chantier de la rénovation thermique annoncée lors de la conférence environnementale.

La proposition de loi de François Brottes sur la tarification progressive de l'énergie, que nous examinerons dans très peu de temps, entre également en résonance avec le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui : apporter des réponses rapides et concrètes à cette crise du logement qui dure depuis trop longtemps et touche de plein fouet toutes les catégories sociales, modestes comme moyennes.

De nombreux chiffres sont cités dans l'étude d'impact, et Mme la ministre en a souligné certains. La vérité de ces chiffres démontre que les réponses de la majorité précédente, en privilégiant l'investissement privé sans contrepartie sociale solide et en réduisant drastiquement les concours de l'État au logement social, n'ont pas été à la hauteur des enjeux. Elle montre surtout qu'elles n'ont pas permis de réduire les inégalités croissantes face au logement.

Pour inverser cette tendance et surmonter enfin la crise, il nous faut proposer un nouveau modèle social du logement, plus juste, plus inclusif, plus universel. Tel est précisément l'objet de la nouvelle politique du Gouvernement ; nous pouvons nous en féliciter.

Dans ce cadre, le présent projet de loi marque le changement dès maintenant en reprenant deux engagements forts du Président de la République, l'un sur le foncier, l'autre sur la production de logements, en vue de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux.

Comme Mme la ministre l'a indiqué, ce texte est une première étape législative avant l'examen du projet de loi de finances et d'une nouvelle loi consacrée au logement et à l'urbanisme au printemps 2013.

Les grandes lignes du projet de loi ont été tracées, je ne les reprendrai pas. J'en viens directement aux débats qui ont eu lieu jeudi dernier au sein de la commission des affaires économiques.

Je remercie tous les députés, où qu'ils siègent, qui se sont mobilisés à mes côtés pour examiner ce texte malgré un calendrier un peu serré.

J'adresse un salut particulier à mes collègues du groupe SRC qui, lors de la précédente législature, avaient mené, en étudiant plusieurs propositions de loi, un véritable travail de réflexion et d'anticipation qui nous est très utile aujourd'hui pour appréhender et améliorer le présent projet de loi.

Je veux remercier aussi les administrateurs de la commission des affaires économiques pour leurs efforts diurnes et nocturnes, ainsi que toutes celles et ceux, associations, professionnels, élus, qui ont répondu nombreux à notre invitation à participer aux auditions ou qui nous ont adressé leurs contributions.

J'en viens au fond.

Je veux souligner d'emblée que pour remplir sa mission incitative en faveur du logement social, le mécanisme de décote lié à la cession des terrains publics doit être un instrument vertueux. La commission des affaires économiques a donc jugé pertinent de revenir sur la décision du Sénat, préférant rétablir le principe initial d'une décote progressive.

Nous avons également souhaité préciser les règles entourant le mécanisme et le niveau de la décote pour mieux tenir compte des circonstances relatives au terrain lui-même, au territoire sur lequel il se situe, au projet qu'il doit accueillir, ou encore à l'opérateur qui y interviendra. La progressivité doit ainsi permettre d'encourager – par exemple en fonction du type de logements sociaux existants et projetés, ou bien de la situation financière de l'acquéreur –, là où la dégressivité ne ferait que sanctionner. Grosso modo, une commune doit être encouragée à produire du logement très social en coeur de ville en bénéficiant d'une décote renforcée par rapport à une commune qui construirait des logements intermédiaires de type PLS alors qu'elle est déjà clairement en situation de carence.

De même que le Sénat a souhaité préciser la liste des logements sociaux concernés par les obligations type SRU en réintroduisant les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, ce dont nous nous réjouissons, de même, s'agissant de la décote, la commission des affaires économiques a adopté une définition plus claire, et du même coup plus restrictive, de l'accession sociale à la propriété, afin d'éviter tout détournement au détriment du logement locatif social, détournements auxquels certains auraient pu songer.

Notre volonté de rendre la cession la plus efficace possible pour faire sortir rapidement de terre un grand nombre de logements sociaux nous a en outre conduits à débattre de la possibilité pour les promoteurs privés, dans le cadre d'une convention extrêmement précise conclue avec la collectivité, de bénéficier directement du mécanisme de décote dès lors qu'ils s'engagent, par exemple sous forme de VEFA, à construire des logements sociaux. Ce débat sera sans doute repris et clos en séance. Comme le sera certainement celui concernant la possibilité d'étendre le principe de décote à certains équipements publics directement afférents aux projets de logements – je pense notamment aux écoles.

Au titre Ier, la commission a surtout apporté quelques enrichissements pour que le dispositif de cession et de décote prévu dans le projet de loi porte réellement et surtout rapidement ses fruits, tirant les leçons du plan de mobilisation 2008-2012. Ce plan a certes représenté une avancée mais, au vu de ses résultats, qui sont rappelés dans l'étude d'impact et qui nous ont été confirmés lors des auditions, et au vu de l'urgence sociale et économique, il est clair qu'il faut aller plus vite, voir plus grand et vendre moins cher pour donner une priorité plus forte au logement social.

S'assurer de la mise à jour de la liste des terrains pouvant être mobilisés, fluidifier les transactions, vérifier le respect des engagements pris en matière de construction, améliorer le traitement par France Domaine : ce sont là autant de points soulignés lors des auditions et des débats.

Pour renforcer le suivi et le contrôle du dispositif, nous avons donc souhaité amplifier le rôle du comité régional de l'habitat, en lien plus direct avec la commune et l'EPCI concernés, mais aussi en lien avec le ministère du logement et le Parlement. Une initiative partagée prise lors de nos débats en séance permettra d'aller probablement plus loin encore.

En outre, pour que le mécanisme de décote ne constitue pas un effet d'aubaine, la commission a étendu la portée des clauses anti-spéculatives, en augmentant leur durée de cinq à douze ans et en précisant clairement que la décote ne concerne évidemment que le tout premier acquéreur.

Enfin, dans le cas d'un acquéreur qui aurait bénéficié de la décote mais qui n'aurait pas réalisé les engagements pris, la résolution de la vente nous ayant été signalée comme difficile à mettre en oeuvre dans le passé, nous avons réintroduit la possibilité pour l'État de demander des indemnités préjudicielles pouvant aller jusqu'au double du montant de la décote accordée.

On voit bien qu'il n'est pas question de brader le patrimoine de l'État ou de ses établissements publics.

Dans la seconde partie du projet de loi, le titre II, la commission s'est particulièrement penchée, comme d'ailleurs le Sénat avant elle, sur la typologie des logements sociaux construits.

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000 est historique. Elle est à l'origine de la progression importante de la production de logements sociaux ces dix dernières années. Plus que jamais, il s'agit de faire en sorte que les logements sociaux construits et les loyers qui leur correspondent soient réellement conformes aux besoins qui s'expriment localement. La commission a donc clairement affirmé son soutien au relèvement du taux de 20 à 25 %, aux objectifs triennaux, à la possibilité de quintupler les sanctions et au périmètre actuel des logements sociaux comptabilisés.

Elle a souhaité étendre la disposition, votée au Sénat, qui impose un plafond de logements financés en PLS et un plancher de logements financés en PLAI à un maximum de communes, au-delà de celles qui ne sont pas couvertes par un PLH. Sont ainsi concernées celles qui seront couvertes par un PLH à partir du 1er janvier 2014 et celles qui le sont déjà puisqu'il leur est permis jusqu'au 31 décembre 2015 de modifier leur PLH en conséquence.

Enfin – ou plutôt d'abord puisque je reviens au début du titre II – parce que la mixité sociale doit jouer dans les deux sens, pour paraphraser un collègue siégeant de l'autre côté de l'hémicycle ; parce que nous voulons en même temps plus de solidarité et plus de diversité, la commission a introduit un article liminaire visant à demander au Gouvernement la remise sous six mois d'un rapport relatif à la règle des trois tiers bâtis : un tiers de logement social, un tiers de logement intermédiaire et un tiers de logement libre au sein d'un même programme de construction.

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