Intervention de Yves Blein

Séance en hémicycle du 15 mai 2013 à 21h45
Adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine du développement durable — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Blein :

Notre assemblée examine ce soir la transposition de diverses directives européennes. Vous me permettrez de m'arrêter particulièrement sur la partie de ce texte qui transpose la directive Seveso III relative aux activités économiques impliquant l'emploi de substances dangereuses. Celle-ci remplace la directive Seveso II. Plus complète, elle vise notamment à permettre la mise en place au niveau mondial d'un système harmonisé de classification des substances dangereuses. Cet aspect de la directive concerne surtout les industriels ; cependant, il nous faut veiller à ce que ces classifications et réglementations n'entament pas la compétitivité des entreprises européennes opérant dans ce domaine.

Seveso III s'attache également, comme le faisait Seveso II, à la situation des citoyens concernés par ces activités et les risques qu'elles comportent. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à vouloir être mieux informés. Ils veulent aussi pouvoir donner leur avis, voire s'opposer à des projets d'implantation ou de développement d'activités potentiellement dangereuses. Il est d'ailleurs rassurant, pour les autorités comme pour les industriels européens – qui doivent parfois faire face à l'hostilité des riverains – de voir que ce besoin de transparence gagne du terrain au niveau mondial. Les normes imposées aujourd'hui en Europe seront probablement aussi, à l'avenir, exigées ailleurs.

Songez seulement que la Chine elle-même, qui n'est pas toujours exemplaire en la matière, n'est plus à l'abri du besoin de transparence ! Un grand quotidien en a rendu compte cette semaine de façon détaillée. La population de la région de Shanghaï a manifesté vendredi dernier contre la construction d'une usine de batteries au lithium considérée comme polluante. Par ailleurs, un millier de personnes ont occupé, il y a une semaine, le centre de la ville méridionale de Kunming pour protester contre un projet de raffinerie et d'usine de paraxylène, demandant une information plus transparente ainsi que la possibilité de se prononcer sur ce projet par un vote populaire.

Ce besoin d'information est légitime. Il est indispensable d'y répondre de manière adéquate si l'on veut permettre à ces industries de se développer. La directive que nous transcrivons vise à mieux répondre à ces aspirations du public, sur des sujets qui restent malgré tout complexes. Ainsi, les établissements dits Seveso seront désormais tenus de publier, au format électronique, toute une série d'informations. Les statuts et les activités de ces établissements devront être décrits, de même que les risques que comportent ces activités et les mesures prises pour les prévenir. Des informations relatives au comportement à tenir en cas d'accident devront également être communiquées. Autre exemple : la date de la dernière inspection du site et les noms des personnes auxquelles les conclusions de cette inspection peuvent être demandées devront aussi être rendus publics.

Toutefois, la directive ne dit rien de la qualité pédagogique des supports de publication de ces informations. Le droit français n'est pas plus précis sur ce point. Chacun sait que trop de complexité, trop de technicité tue l'information, ou tend à la réserver à un public d'initiés. Il est facile, sur ces sujets, de tomber dans ce travers.

Au-delà des obligations faites aux industriels, la directive Seveso III – comme les directives précédentes – affirme la nécessité de mettre en oeuvre une politique de maîtrise de l'urbanisation autour des sites Seveso. Son article 13 en particulier, auquel différents amendements font référence, prévoit que « les États membres veillent à ce que leur politique de maîtrise de l'urbanisation tienne compte de la nécessité, à long terme, de maintenir des distances de sécurité appropriées entre, d'une part, les établissements visés par la directive et, d'autre part, les zones d'habitation, les bâtiments, les zones fréquentées par le public, les zones de loisirs et, dans la mesure du possible, les principales voies de transport. » L'accident récent de Waco, au Texas, ou, plus près de nous, l'incendie de wagons contenant des produits dangereux en Belgique, montrent que le risque zéro n'existe pas. La chronique des accidents industriels nous le rappelle régulièrement. Il convient donc, bien sûr, d'organiser l'urbanisation future autour des sites industriels à risques, mais aussi de protéger les populations riveraines exposées.

À Waco, le 17 avril dernier, du nitrate d'ammonium, sans doute porté à une température mal maîtrisée, a provoqué une explosion dévastatrice dans une usine d'engrais, causant 14 morts et 200 blessés. Plus de 70 maisons alentours ont été détruites. Il y a quelques jours seulement, le 4 mai, à Wetteren, en Belgique, des wagons transportant un produit chimique liquide inflammable dont la combustion dégage un gaz proche du cyanure ont déraillé, causant deux morts et quatorze blessés. Les populations ont dû être évacuées dans un rayon de 500 mètres.

Ces accidents, comme celui intervenu en Normandie il y a quelque temps, nous invitent à ne pas relâcher notre vigilance. La France a choisi d'être attentive à ces risques et de transposer ces directives par le biais de plans de prévention des risques technologiques, prévus aux articles L. 515-15 et suivants du code de l'environnement. Certains des amendements que nous examinerons au cours de ce débat ont simplement pour but de les rendre applicables et réalisables sans charge exorbitante pour la population.

C'est ainsi, par exemple, que des dispositions imposant aux industriels et aux collectivités territoriales bénéficiant de la contribution économique territoriale de participer à parts égales au financement des travaux rendus nécessaires chez les riverains pour les protéger des conséquences d'un éventuel accident ont été intégrées au texte qui vous est soumis. Si cette mesure n'était pas adoptée, alors qu'elle est déjà acceptée conventionnellement par les associations d'élus et par les industriels, il y aurait à craindre que la directive et les PPRT qui en découlent restent lettre morte. Le texte fixe d'ailleurs une limite raisonnable à ces coûts, obligeant ainsi à hiérarchiser les travaux prescrits. Il est généralement admis que ce plafond permet d'assurer l'essentiel de la protection des personnes concernées. C'est ainsi que 90 % des coûts engendrés par cette obligation seront pris en charge. En 2004, on ne parlait que d'une prise en charge de 15 % !

Ces dispositions sont très attendues par les populations. Songez que plusieurs dizaines de nos concitoyens vivent aujourd'hui à proximité d'installations classées « Seveso seuil haut ». Vous imaginez bien que les foyers qui vivent là ne sont pas fortunés. Il ne s'agit pas non plus de je ne sais quels spéculateurs. Ce sont plutôt des ménages modestes, n'ayant pas les capacités financières nécessaires pour se mettre à l'abri de ces dangers.

Ce texte permet de tourner la page d'une trop longue quête de solution. Les habitants concernés ont d'ailleurs parfois pu penser que leur sort n'intéressait pas la nation. Qu'il me soit permis à cet instant de remercier en leur nom chacune et chacun de ceux qui ont contribué à ce bon résultat. Vous d'abord, madame la ministre, qui avez exprimé dès votre prise de fonction votre détermination à régler ce dossier. Les industriels ensuite, impliqués et volontaires ; et enfin les collectivités, également mises à contribution. Tous ont fait preuve de bonne volonté pour concilier le développement économique et le bien-être social.

Ces dispositions semblaient relever du bon sens : il paraissait logique que la solidarité de tous s'exerce. Il aura cependant fallu près de dix années de mobilisation pour aboutir enfin à une solution satisfaisante. Dans le même ordre d'idées, la transcription des dispositions relatives à la prise en charge de l'évaluation de la vulnérabilité des bâtiments d'habitation a été précisée. Les obligations qui pèsent sur les activités économiques situées dans les périmètres concernés – qui ne sont d'ailleurs pas nécessairement liées à l'activité à risque – ont été également mieux définies. Enfin, l'allégement des procédures d'enquête publique et la définition de limites temporelles permettront aux territoires concernés de se donner au plus tôt de nouvelles perspectives, dans un environnement réglementaire clair et stabilisé.

En transposant la directive Seveso III, notre pays s'honore de concilier deux objectifs qui lui sont chers : permettre à l'industrie de se développer, d'innover et de conquérir de nouveaux marchés, contribuant ainsi au développement de l'emploi, à l'enrichissement et à la compétitivité de notre économie ; et permettre à nos concitoyens de vivre dans des périmètres d'activité dont ils connaissent les risques, et de s'en savoir enfin protégés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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