Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 16 mai 2013 à 9h30
Amnistie des faits commis lors de mouvements sociaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Les hasards de l'histoire, les bégaiements de la République ont permis certaines amnisties avec un champ d'action défini, c'est votre projet. Ainsi le 23 mai 1968, à la suite des événements de mai 1968 qui se sont déroulés dans nos universités. Ainsi le 21 décembre 1972, à la suite de manifestations d'agriculteurs, d'artisans et de commerçants. Ces deux lois peuvent être, avec le recul du temps, considérées comme des lois d'opportunisme. Elles ont été justifiées, comme aujourd'hui avec la loi sur les mouvements sociaux, par la dureté des temps qui a amené une catégorie de Français à se révolter.

La défense de l'ordre public connaît alors des règles vigoureuses censées pouvoir ramener et le calme et la sécurité parce que force doit rester à la loi.

En quelque sorte, le pardon devient alors une suspension du temps à partir de laquelle il est possible de commencer une autre histoire. Il faut en effet trouver, selon Mme Kristeva, une psychanalyste très intéressante, « l'instrument d'effacement actif qui ouvre la possibilité de continuer à vivre ensemble. L'amnistie est un des moyens d'interrompre le cycle des violences ».

Ces amnisties partielles, liées à un champ d'application restreint, ont été utilisées les 15 janvier 1990 et 6 août 2002 pour amnistier des infractions liées au financement politique des partis ou au financement des campagnes électorales. Est-ce que l'on veut renouveler cela ? On abandonne dès lors le terrain de la morale pour embrasser celui de l'efficacité politique.

Vous aurez compris que mon groupe souhaite conserver à l'amnistie son sens originel : la nécessité du pardon à l'occasion des grandes fractures de l'histoire.

C'est un acte majeur, c'est un acte grave qui, par définition, ne saurait s'appliquer à tels ou tels faits sociaux, ici à des grèves, là, avec le droit de l'environnement, au cas des faucheurs volontaires.

Le droit de grâce existe toujours : il permet l'individualisation des mesures de clémence. La réhabilitation existe également : elle permet au tribunal de prendre en compte les efforts entrepris par le contrevenant.

Toute autre attitude, si dure soit-elle, amènerait à donner un blanc-seing à des catégories de la population : ce serait créer une zone de non-droit, dans laquelle on pourrait s'engouffrer.

Hier, en 2002, c'est la gauche qui, par la voix d'Arnaud Montebourg, s'opposait de manière viscérale à l'amnistie, qui « démoralise plus qu'elle ne renforce l'esprit républicain. Elle insulte le civisme plus qu'elle ne le sert. Elle ressemble à un petit festival de violations de la loi, où chacun serait convié à prendre part aux joyeuses transgressions ». Et Montebourg de conclure : « Une loi d'amnistie est une atteinte grave portée à la séparation des pouvoirs. » Tout est dit.

Nous ne voterons pas cette loi.

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