Intervention de Yves Goasdoue

Séance en hémicycle du 6 juin 2013 à 15h00
Rétroactivité des lois fiscales — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Goasdoue :

Je rappelle que le projet de loi de finances pour 2005 dénombrait 400 niches fiscales et que celui pour 2011 en comptait plus de 500. Il me semble donc heureux que la représentation nationale ait pu y apporter les correctifs nécessaires.

Vos propositions de loi sont également inutiles, malheureusement. Concernant la vraie rétroactivité, et non pas la simple possibilité de modifier la loi, le contribuable, et c'est très normal, est déjà protégé. À juste raison, le Conseil constitutionnel a durci sa jurisprudence de manière très nette depuis 1980. Le législateur ne peut porter atteinte à l'autorité de la chose jugée. Il ne peut prévoir des sanctions plus élevées. Il ne peut faire renaître, et c'est bien normal, des prescriptions légalement acquises. Il ne peut priver de garanties légales des exigences constitutionnelles.

La loi fiscale rétroactive – car elle est admise, le Conseil constitutionnel considérant qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s'y oppose – doit trouver son fondement dans un motif d'intérêt général suffisant. Et là est en réalité toute l'affaire, mes chers collègues. Le Conseil a introduit un contrôle de proportionnalité. Proportionnalité entre quoi et quoi ? Entre le mécanisme de protection des droits des contribuables et la nécessité que la représentation nationale exerce la mission qu'elle a reçue du peuple.

Vous voulez supprimer, car vous n'êtes pas en charge des affaires de l'État, le second terme de l'équation. Nous ne pouvons en être d'accord. Vous-mêmes n'en êtes d'ailleurs pas vraiment convaincus. Car, comme je le rappelais tout à l'heure, votre manie – qui n'est pas la nôtre – de revenir sur ce sujet ne s'exprime que lorsque vous êtes dans l'opposition : 1991, 1998, 1999, 2000. Mais que ne l'avez-vous fait lorsque vous étiez majoritaires ?

Enfin, les textes que vous proposez sont dangereux.

Vous savez qu'ils interdiraient les lois dites de validation. Le législateur peut commettre – nous en avons tous commis – des erreurs techniques. Dans ce cas, il faut pouvoir surmonter les conséquences de certaines décisions de justice rendues uniquement sur la forme mais qui pourraient avoir des conséquences désastreuses pour le budget de l'État.

À titre d'exemple, en 1993, faute de loi de validation, nous n'aurions pas pu recouvrer le produit de la vignette, en raison d'une définition beaucoup trop floue de la puissance fiscale des véhicules. On peut multiplier les exemples, et vous le savez d'ailleurs très bien. Si vos textes devaient s'appliquer, on ne pourrait plus régulariser, ce qui serait extrêmement dangereux.

Il faut aussi pouvoir clarifier le sens d'un texte pour empêcher l'évasion fiscale et éviter des interprétations jurisprudentielles contraires à la volonté du législateur. Le sujet sera bientôt d'actualité devant notre assemblée. Je ne crois pas qu'il soit possible d'expliquer qu'une filière d'évasion fiscale doive perdurer au seul motif que la non-rétroactivité de la loi fiscale aurait été constitutionnalisée.

Enfin, toujours pour empêcher l'évasion fiscale et les pratiques d'évitement de l'impôt, il faut pouvoir neutraliser le délai qui sépare l'annonce d'une décision fiscale de sa mise en oeuvre. En 1999, les contribuables ayant transféré leur domicile hors de France ont été assujettis à l'imposition de certaines plus-values. Le texte a pris effet à la date d'examen en Conseil des ministres. Heureusement, car on imagine bien les démarches d'évitement !

Vous l'aurez compris, le groupe SRC votera contre ces textes.

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