Intervention de Marc Le Fur

Séance en hémicycle du 26 juin 2013 à 21h45
Consommation — Article 4, amendements 731 776 153 1 154 2 155 3 156 4 5 395

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur :

Nous abordons là un sujet majeur, monsieur le président : celui de l'étiquetage des produits agro-alimentaires, en particulier des produits carnés, un sujet sur lequel je me suis déjà longuement exprimé. Si des mesures sont nécessaires dans ce domaine, c'est en raison du scandale de la viande de cheval, qui a touché notamment l'entreprise Spanghero, mais aussi, plus généralement, de la crise traversée actuellement par le secteur de l'agro-alimentaire.

Je propose la mise en place d'un étiquetage clair, s'appliquant à la fois aux produits de base et aux produits transformés, précisant le lieu de naissance de l'animal transformé, son lieu d'élevage, d'abattage et de transformation. La traçabilité permet de connaître toutes ces informations, mais encore faut-il qu'elles parviennent au consommateur, ce qui n'est pas obligatoire à l'heure actuelle.

Pour répondre par anticipation à la question que M. Chassaigne ne va pas manquer de me poser, je précise que j'ai rédigé cet amendement après avoir travaillé avec des représentants syndicaux des abattoirs Doux et Gad – directement concernés, car les emplois y sont menacés –, avec des agriculteurs dont le revenu est menacé, avec des consommateurs, qui ont été choqués par le scandale de la viande de cheval, bref, par toute une filière. Je ne crains pas de dire que je suis mandaté ici – comme d'autres pourraient l'être – pour défendre un amendement qui représente des intérêts conjoints : pour une fois, producteurs et consommateurs ont les mêmes intérêts.

L'amendement que je propose étant d'un coût nul pour les finances publiques, je ne vois pas ce qui s'oppose à ce que nous avancions sur cette question de l'étiquetage. Quand j'ai défendu cet amendement lors de la discussion générale, vous avez eu la délicatesse de me répondre longuement et positivement, monsieur le ministre. Je peux d'ores et déjà vous dire que votre réponse a été entendue et appréciée. Cependant, si nous sommes d'accord sur le principe, vous considérez pour votre part – et c'est là que nos avis divergent – qu'il convient d'attendre la mise en oeuvre de dispositions au niveau européen.

Vous pensez bien que je me suis renseigné. Effectivement, l'Europe progresse sur cette question : un règlement d'application relatif à l'étiquetage des produits bruts est en préparation, et doit être prêt pour le 13 décembre 2013, en vue d'une entrée en application le 13 décembre 2014 – soit dans dix-huit mois minimum, alors que nous sommes en pleine crise ! Par ailleurs, le règlement en question n'a qu'une portée très limitée, puisqu'il s'agira simplement d'indiquer si tel ou tel produit est d'origine de l'Union européenne ou non – UE ou non UE, c'est tout ! Si une telle disposition peut avoir un certain intérêt pour la volaille – car nous en importons d'Asie, par exemple –, elle ne servira pratiquement à rien pour d'autres viandes. Ainsi, nous n'importons que du porc d'origine européenne.

N'attendons donc pas grand-chose de cette réglementation européenne, qui n'apportera, au terme d'une lente évolution, qu'une information très limitée – UE ou non UE –, alors que nous voulons savoir précisément de quel pays provient la viande importée – du Danemark, de Belgique ou d'ailleurs –, étant précisé que cette importation est en elle-même tout à fait autorisée. Ce n'est pas la libre circulation des biens qui est en cause, mais l'information des consommateurs et la défense des producteurs.

Par ailleurs, la réponse européenne ne s'appliquera pas aux produits transformés. Sur ce point, l'article 26, qui constitue le résultat des négociations entre la commission européenne et le Parlement, prévoit simplement un rapport destiné à nourrir une future réflexion, pas plus !

Or, le sujet majeur, ce sont les produits transformés : à 75 %, le porc que nous consommons n'est pas vendu brut, sous la forme de côtelettes ou de longes, mais sous forme de jambons ou de saucisses. En l'état des projets européens, aucune évolution n'est possible. Nous n'avons pas de perspective européenne : à défaut, il faut que nous agissions, il faut que nous légiférions. Nous sommes dans l'urgence. Nous ne pouvons attendre dix-huit mois pour les produits bruts, ni les calendes grecques pour les produits transformés. Je vous propose donc d'agir simplement pour que le consommateur sache où l'animal est né, a été élevé, a été abattu, a été transformé.

Je sais bien que cela heurte beaucoup d'intérêts. Je sais bien que beaucoup de gros industriels de la charcuterie ou des plats préparés, qui utilisent les facilités que leur offre l'importation, préfèrent qu'on ne dise rien pour pouvoir dissimuler l'origine, si bien que la crise se poursuit. Ce n'est pas leur intention, que la crise se poursuive, mais leur intérêt l'emporte.

Monsieur le ministre, je crois que nous n'avons pas le droit d'attendre. L'amendement que je propose est raisonnable. Je crois pouvoir dire qu'il fait l'unanimité d'une filière, rassemblée et responsable : j'ai dit, pour M. Chassaigne, d'où venait cet amendement. J'attends du Gouvernement et des rapporteurs non des perspectives, mais des décisions qui viennent vite.

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