Intervention de Edith Gueugneau

Séance en hémicycle du 9 juillet 2013 à 21h45
Instauration du 27 mai comme journée nationale de la résistance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEdith Gueugneau :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, madame la rapporteure, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord saluer, au nom du groupe SRC, notre collègue sénateur Jean-Jacques Mirassou qui a pris l'initiative de cette proposition de loi.

Le texte dont nous débattons aujourd'hui instaure le 27 mai comme journée nationale de la Résistance. Même si certains trouvent le calendrier mémoriel déjà bien chargé, cette journée ni fériée ni chômée, et s'adressant à la jeunesse, apparaît comme une réponse des plus opportunes aux demandes fortes des associations d'anciens résistants, mais surtout à notre devoir de mémoire. Malgré son rôle capital pour notre société actuelle, il n'existait jusqu'à présent pas de journée nationale pour saluer la Résistance.

Certes, des commémorations ont lieu chaque année autour de figures historiques comme Charles de Gaulle ou Jean Moulin, et les territoires n'ont pas attendu cette journée nationale pour rendre hommage aux illustres comme aux milliers d'anonymes. Cela a d'ailleurs été particulièrement vrai en cette année du soixante-dixième anniversaire de l'espoir de la première réunion du Conseil national de la Résistance, et de la tragédie de l'arrestation de Jean Moulin.

Le 20 mars 1943, Jean Moulin atterrissait pour la dernière fois en France, depuis l'Angleterre, à Melay, petite commune de Saône-et-Loire située dans ma circonscription. Le 20 mars 2013, l'émotion était palpable et l'engagement de tous, des associations, des élus, des anciens résistants et des plus jeunes forçait le respect et illustrait bien la déférence due à ces combattantes et combattants du quotidien. Pour autant, instaurer cette journée nationale est un devoir, et le 27 mai une date forte de symboles.

Ce 27 mai 1943, les représentants des huit grands mouvements de Résistance, des deux syndicats d'avant-guerre et de six partis politiques ont transcendé leurs divergences au service des valeurs de solidarité, de liberté et d'humanité. Le 27 mai 1943 est la première réunion du Conseil national de la Résistance. Une première réunion porteuse d'espoir et un acte fondateur indéniable.

Oui, nous sommes héritiers du programme du Conseil national de la Résistance, adopté à l'unanimité en mars 1944. Sécurité sociale, lois sur l'assurance vieillesse, sur les conventions collectives, sur le salaire minimum vital, fondent l'histoire et l'identité de notre République. Nous avons un devoir à l'égard de ces hommes et ces femmes qui ont su à la fois résister au présent et construire l'avenir.

La disparition récente de Stéphane Hessel et l'écho mondial des messages d'indignation et de résistance nous rassurent aussi sur nos capacités de résistance. Car personne ici ne peut présumer du résistant qu'il aurait été.

C'est pour moi l'occasion de parler des femmes et des hommes au courage sans limite, à la conviction chevillée au corps, et assoiffés de liberté. Je pense à Lucie et Raymond Aubrac, Robert Galley ou Gisèle Guillemot.

Rendre hommage aux valeurs, aux héros, aux anonymes, se souvenir, est aujourd'hui un de nos deux devoirs d'héritiers. Le second est de préserver la paix et le vivre-ensemble. Les valeurs universelles des droits de l'homme, que nous partageons, font de la paix le ciment du vivre-ensemble. Mais force est de constater que les hommes ne lui donnent pas toujours raison. Et après m'être rendue au Mali cette année, je ne peux faire l'éloge de cette paix sans évoquer les troupes françaises et les six soldats disparus au cours d'un conflit contemporain.

Il faut croire que les atrocités, les pertes, les injustices des guerres ne donnent pas assez de leçons. Pourtant la Seconde Guerre mondiale a été douloureusement instructive sur les dérives humaines. Quand on évoque 39-45, la mémoire est le devoir du « plus jamais ça ». La mémoire reste le meilleur rempart contre la bête immonde surgie d'un ventre peut-être encore fécond.

Mais ce n'est pas nous, durablement marqués par ces atrocités, qui avons le plus à craindre de l'oubli. Ce sont nos enfants, nos petits-enfants et les générations qui les suivront. Il faut donc une journée pour se souvenir ensemble, il faut donc s'adresser aux jeunes générations.

La jeunesse trouve toute sa place au sein de ce texte, qui ne se limite pas à créer l'hommage, mais qui entend le faire comprendre. L'éducation nationale a, dans cette démarche, tout son rôle à jouer, elle est le vecteur idéal de cette transmission. Et je voudrais saluer le travail de nos collègues sénateurs qui ont préféré « inviter » les enseignants à s'inscrire dans la démarche, leur permettant ainsi de se s'en saisir plus facilement.

« Si les générations passées cachent leurs erreurs à leurs successeurs, elles condamnent ces jeunes à revivre les mêmes erreurs », disait Goethe. Ne condamnons pas notre jeunesse, notre avenir, à oublier, et peut-être à recommencer. Apprenons-lui les luttes qu'il a fallu mener. Apprenons-lui que la liberté, la démocratie, la justice sociale, la solidarité, la tolérance, ce n'est pas un dû, ce sont des valeurs qui se préservent et qui s'entretiennent. Les délaisser entraîne des conséquences graves, que nous ne connaissons que trop.

Il ne faut pas tarder. L'histoire de la Seconde Guerre mondiale est en grande partie fondée sur le témoignage. Or, de la même manière que les symboles se galvaudent, les témoins de chair disparaissent, l'histoire contemporaine que nous connaissons perd année après année quelques pages dans les manuels scolaires. Notre jeunesse est le garant de notre histoire et de notre avenir.

Je conclurai avec René Char : « Hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux, de rébellion, de bienfaisance. »

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