Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du 24 juin 2013 à 16h00
Consommation — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Par cette déclaration, le Premier ministre a rappelé que l’ensemble des politiques du Gouvernement devait prendre en compte l’objectif de transition écologique dans notre société, cet objectif devant être mis en oeuvre par la puissance publique comme par le secteur privé.

L’exposé des motifs du projet de loi souhaite faire du consommateur un vecteur des performances économiques. Dont acte. Mais qu’est ce qui justifie d’isoler trois éléments de notre économie : la production, la distribution et la consommation ? Nous savons tous que la vie économique a de profondes répercussions sur la société, dont elle modèle l’organisation, au même titre que l’écologie et la santé publique.

La transition écologique engage toute la société : cela signifie qu’elle ne se limite pas à quelques politiques publiques en faveur des énergies renouvelables, mais qu’elle s’efforce d’orienter les comportements des acteurs privés vers un plus grand respect de l’environnement. Le spectacle des monceaux de déchets issus de nos comportements de consommateurs, ces millions de téléphones portables non recyclés, ces milliers de voitures en décharge à la suite de la prime à la casse, ces substances toxiques que l’on décèle sur des vêtements, des meubles ou encore des jouets, tout cela montre qu’on ne peut pas établir de paroi étanche entre consommation, écologie et santé publique.

La commission du développement durable n’a pas souhaité altérer l’essence du projet de loi qui porte sur les relations entre consommateurs, producteurs et distributeurs, mais elle a considéré que nos concitoyens n’étaient pas uniquement des consommateurs. Elle a rappelé qu’ils sont des citoyens que l’on doit informer pour qu’ils agissent de manière responsable, en leur faisant prendre conscience des conséquences de leurs actes d’achat sur l’environnement et en promouvant les produits recyclables.

Les axes de travail de notre commission ont porté sur les points suivants : la qualité des produits mis sur le marché, leur recyclage, l’obsolescence programmée, l’économie de la fonctionnalité et l’action de groupe.

Je résume rapidement nos débats. Concernant les produits et leur durée de vie, il nous a semblé que leur qualité était déterminante à un triple niveau : le positionnement de l’économie française, le pouvoir d’achat et la protection de l’environnement.

Chacun sait que l’économie française souffre d’un mauvais positionnement de ses produits. En réorientant son offre sur des produits de qualité, notre pays peut atténuer le volume de ses importations, tout en développant des filières de réparation, comme le ministre l’a d’ailleurs rappelé. Cette réorientation de notre appareil productif présente également un intérêt pour le pouvoir d’achat, car il permet au consommateur de disposer de biens, dont le prix est certes plus élevé, mais qu’il n’est pas obligé de remplacer à court terme.

C’est la raison pour laquelle nous avons proposé des amendements sur l’extension dans le temps des garanties de conformité, ainsi que sur la mise à disposition des pièces détachées. Le rapporteur au fond et le Gouvernement ne nous ont pas suivis sur ce point, mais je pense que le débat n’est pas définitivement clos, lorsque l’on voit des sociétés étrangères proposer des garanties de cinq, voire sept ans, sur leurs produits.

Nous devons également travailler sur l’information du consommateur quant au recyclage des produits qu’il acquiert. Si l’on veut modifier les comportements, il convient d’informer le consommateur sur la proportion d’éléments recyclables dans un bien. Il s’agit de lui permettre, en toute liberté, d’arbitrer le classique rapport qualité-prix, en intégrant dans la qualité, non seulement l’usage du produit, mais également le fait de le recycler.

Nous n’avons pas non plus été suivis sur ce point, qui n’est pourtant pas difficile à mettre en place techniquement. Certains fabricants, comme une célèbre marque automobile bavaroise, avancent déjà cet argument à l’appui de leur stratégie de vente. La commission a également débattu de l’obsolescence programmée, qui a déjà donné lieu à un débat au Sénat, à l’initiative de Jean-Vincent Placé.

À l’Assemblée, notre commission a estimé que cette réalité était encore très floue. En effet, à part les quelques cas répertoriés par le CNRS et par des organisations de consommateurs, il ne semble pas qu’il s’agisse d’une pratique s’étendant à l’ensemble de l’économie. C’est un sujet sur lequel il convient de travailler de manière plus approfondie.

En revanche, nous avons déposé des amendements visant à favoriser dans notre société ce que l’on appelle l’économie de la fonctionnalité. Ce concept, que l’on voit émerger dans certains pays étrangers, est hélas encore mal connu en France. Afin d’éviter une pression trop forte sur les ressources naturelles, il s’agit de partager des biens et des services, au lieu de les posséder : l’usage remplace ainsi la propriété. Cette réalité entre lentement dans notre paysage économique, avec l’exemple d’Autolib’, gérée par le groupe Bolloré, qui a déjà investi 250 millions d’euros dans ce projet. On peut également citer l’exemple d’une entreprise qui a adopté ce concept pour la gestion de son parc de photocopieuses. Ce principe est plus répandu chez nos voisins d’Europe du Nord, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas.

L’amendement que nous avions présenté visait modestement à ce que le Gouvernement mette en place une expérimentation pendant deux ans, sur un nombre limité de produits, en proposant au consommateur un double prix : celui de la propriété et celui de l’usage. Il nous a été répondu que nous introduisions de la complexité dans la lecture des étiquettes. Je trouve cette réponse quelque peu insultante pour l’intelligence de nos concitoyens et je rappelle que notre commission ne souhaitait pas, en l’espèce, bouleverser les mécanismes du marché, mais simplement expérimenter de nouvelles pratiques de production et de consommation, qui ont de réelles perspectives d’avenir. Si l’on doit reculer chaque fois qu’un obstacle technique se présente, il est inutile de faire de la politique.

Je termine avec l’extension de l’action de groupe, débat qui a largement occupé nos travaux. Nous avons accepté un compromis avec le Gouvernement, même s’il nous semble long d’attendre quatre ans avant d’envisager de l’étendre à l’environnement.

Cette extension doit être considérée comme un élément de la politique de transition écologique et énergétique, que le Gouvernement ambitionne pour notre pays. Mise en avant par le Président de la République lors de sa campagne électorale, réaffirmée par le Premier ministre lors de la conférence environnementale, cette politique insiste sur l’engagement de l’ensemble de la société. C’est dans ce contexte qu’ont déjà été votées deux lois favorisant l’implication de nos concitoyens dans les questions environnementales, celle sur la participation du public, et celle sur l’indépendance de l’expertise scientifique et la protection des lanceurs d’alerte.

Il serait donc logique de poursuivre cette politique, en permettant aux associations de protection de l’environnement d’agir en justice quand elles constatent qu’une action économique a des conséquences dommageables. Affirmer la nécessité d’élargir l’action de groupe aux questions d’environnement nécessite néanmoins d’en clarifier les objectifs. Il y a en effet une différence notable entre une action qui défend des consommateurs lésés par un producteur ou un distributeur et une action faisant suite à une atteinte à l’environnement, sauf à se placer sous le seul angle de la réparation à laquelle aurait droit une personne lésée.

En effet, la dimension politique n’est jamais loin dans les affaires d’environnement, ce qui est rarement le cas pour les litiges intervenant dans le droit de la consommation. Même si l’indemnisation des victimes constitue la toile de fond de ces deux types d’action, un procès dans le domaine de l’environnement renvoie toujours in fine à un débat sur l’organisation et les finalités de notre société.

Je conclurai mon propos, monsieur le président, en renvoyant au début de mon intervention. Les actes de consommation ne peuvent être isolés des autres aspects de notre société. C’est la raison pour laquelle la commission du développement durable a souhaité susciter la réflexion sur la consommation et l’environnement. Considérant, bien entendu, que le projet de loi améliorait l’information du consommateur, elle a, sur ma proposition, émis un avis favorable à son adoption, et invite l’Assemblée à en faire de même.

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