Intervention de Denys Robiliard

Séance en hémicycle du 25 juillet 2013 à 9h35
Soins sans consentement en psychiatrie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais m’efforcer de répondre à l’ensemble des orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale. Je remercie tout d’abord mes collègues des félicitations qu’ils m’ont bien injustement adressées ; je ne les commenterai pas. Je veux ensuite répondre aux questions qu’ils m’ont posées, en me réjouissant évidemment de leur approbation et en remerciant tout particulièrement Mme Fraysse, M. Sebaoun et Mme Bouziane, pour l’assiduité remarquable dont ils font preuve dans le cadre de la mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie. Cette mission, créée en novembre 2012, a débuté ses travaux, monsieur le président Accoyer, en février 2013, et elle est présidée par notre collègue Jean-Pierre Barbier.

Le docteur Sebaoun s’interrogeait sur la capacité réelle d’un patient à comprendre le programme de soins qui lui est communiqué et à donner un avis. Si la question peut se poser, le patient est parfois parfaitement à même de comprendre et, quel que soit l’état de la personne, la recherche de l’alliance thérapeutique est essentielle. Qu’elle trouve de cette manière – peut-être n’est-ce pas la plus adroite – une traduction légale n’est pas inintéressant. Au demeurant, si elle figure d’ores et déjà dans la loi, c’est bien parce qu’il s’agit d’une exigence conventionnelle – je pense à la Cour européenne des droits de l’homme – et sans doute aussi constitutionnelle. C’est la raison pour laquelle cela demeurera dans la loi.

La question des transports, que vous avez évoquée à plusieurs reprises – j’y reviendrai dans ma réponse à M. Fritch –, me semble réglée aujourd’hui par la loi. Le problème est celui de l’effectivité de la loi et de la conclusion et de la mise en oeuvre des conventions qui devraient être localement passées entre les hôpitaux, l’ARS et les collectivités locales. C’est un problème de moyens et non plus, me semble-t-il, de législation.

Je me réjouis évidemment des propos qu’a tenus notre collègue Jérôme Guedj. Par une belle citation, il a inscrit notre propos dans l’histoire de la pensée puisqu’il est remonté jusqu’à Rousseau. La question des malades mentaux relève bien, me semble-t-il, de l’essence du politique et de ce que nous devons faire en tant que législateurs. J’ajouterai que Mme Bouziane pose une vraie question en ce qui concerne l’aide juridictionnelle : si nous proposons que l’assistance soit de droit, son financement au titre de l’aide légale ne l’est pas. Toutefois, dans une très grande majorité des cas, les malades mentaux bénéficient de cette assistance, par application de l’article 19 de la loi de 1991. Compte tenu des délais de mise en oeuvre de la loi, nous aurons évidemment la possibilité d’y revenir, si nous souhaitons corriger ce point, mais cela ne peut pas être fait aujourd’hui.

Monsieur Roumegas, vous partagez pour l’essentiel mes analyses. Vous avez également beaucoup parlé de dispositions qui ne sont pas dans la loi mais figureront dans une future loi sur la santé mentale. Je ne m’expliquerai donc pas à ce propos, si ce n’est pour vous dire que les travaux de la mission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie se poursuivent et que, dans ce cadre, nous pensons que deux aspects que vous avez largement abordés peuvent constituer des solutions. Il s’agit en premier lieu des conseils locaux de santé mentale, qui sont sans doute un outil très approprié en termes de déstigmatisation et d’accès des malades mentaux aux dispositifs de droit commun. Ce sera sans doute l’objet d’une des recommandations de la mission, mais j’anticipe sans doute un peu. Il s’agit en deuxième lieu de la question de la formation des infirmières et des infirmiers. On sait que le statut spécifique des infirmiers psychiatriques a été supprimé en 1992 : la dernière génération des infirmiers psychiatriques a achevé sa formation en 1993. Cela se ressent dans les services psychiatriques. Là encore, la question d’une spécialisation – sans qu’il soit question de revenir à l’ancienne formation – peut s’envisager. Cela fait partie des éléments auxquels réfléchit la mission et qui pourront faire l’objet d’un travail que le Parlement aura à accomplir avec le Gouvernement.

Je me félicite des propos de Mme Dubié. Nous sommes sur la même ligne et fondamentalement en accord : je ne commenterai donc pas de manière plus détaillée son intervention.

Madame Fraysse, vous me suivez sur l’essentiel et, sans en être trop étonné, je m’en réjouis. Vous trouvez toutefois que nous n’allons pas suffisamment loin, que nous aurions dû poser la question du rôle du préfet. Nous aurons à travailler sur ces questions, peut-être pas dans le cadre d’une loi de santé mentale, mais à l’occasion d’une grande loi de santé publique. Il nous reste beaucoup de propositions à faire. En ce qui concerne le rôle du préfet, les choses ne sont pas simples. D’une part, le préfet est intimement associé aux questions d’ordre public. D’autre part, si la décision ne relève pas du préfet, à qui appartient-elle ? La majorité des décisions prises en matière d’hospitalisation sous contrainte ne sont pas prises par le préfet : 75 % de ces hospitalisations constituent des décisions administratives émanant du directeur d’établissement et seules 25 % d’entre elles sont décidées par le préfet. Il faut toujours avoir cela à l’esprit pour apprécier la réalité des choses et réfléchir à ces questions. L’alternative serait que le juge prenne la décision, comme cela se passe dans un certain nombre de pays européens, mais, si tel est le cas, comment le fait-il ? Est-ce une décision administrative sans contradictoire préalable, alors que l’essence de la justice réside dans le contradictoire ? Quel est l’intérêt d’une décision administrative pour le patient ? Si elle est prise de surcroît ab initio, quels éléments nourriront le dossier ? Faut-il que le juge rencontre la personne ? Si tel est le cas, il la rencontrera, dans la majorité des cas, alors qu’elle se trouve en crise, ce qui n’est pas le meilleur moment pour tenir une audience judiciaire. Des questions extrêmement lourdes demeurent donc posées. J’observe d’ailleurs qu’en 2007, si ma mémoire est bonne, le rapport Strohl avait déjà préconisé ces mesures, qui n’ont pas été mises en oeuvre.

Monsieur Fritch, vous avez posé d’intéressantes questions – je me réjouis d’ailleurs que le groupe UDI au grand complet puisse voter cette proposition de loi – tout en exprimant un certain nombre de positions sur lesquelles je ne vous suis pas. Vous estimez que les dispositions relatives au ministère d’avocat sont superfétatoires car elles s’imposent de droit. Je ne partage pas cette analyse : ce n’est pas parce que le ministère d’avocat est possible qu’il est obligatoire. Devant un tribunal correctionnel, sauf cas particulier, la personne n’est pas nécessairement assistée. La loi ne le prévoit d’ailleurs pas, contrairement à la cour d’assises, où il existe une obligation d’assistance : si le client ne souhaite pas que son avocat s’exprime, la tradition veut qu’il reste taisant, tout en restant au banc de la défense, à disposition de son client qui, à tout moment, peut se raviser. Celui-ci peut ainsi toujours compter sur un professionnel qui a étudié le dossier. On ne se trouve pas dans ce cas de figure. Si nous souhaitons que les patients soient systématiquement assistés devant le juge, il faut que nous le prévoyions. La loi du 5 juillet 2011 dispose que, si le patient, disposant d’un certificat médical, n’est pas présent devant le juge, il est obligatoirement représenté. Mais, hors ce cas, lorsque le patient est présent, il n’est pas nécessairement assisté : c’est à son choix. Il n’est donc pas superfétatoire que de le préciser.

Vous posez également la question des transports, notamment dans les cas nécessitant une nouvelle hospitalisation après la rupture d’un programme de soins.

Tout d’abord, la façon dont le Conseil constitutionnel a analysé la loi du 5 juillet 2011 permet de clarifier la question. En effet, ce dernier a affirmé de façon catégorique, et il faudra à cet égard consulter les conventions qui auront été rédigées, que les programmes de soins ne pouvaient pas faire l’objet d’une coercition. Au vu de cette interprétation, que nous avons donc choisi d’incorporer à la proposition de loi, nous proposons d’en rester à ce stade.

S’il y a rupture de soins, le psychiatre avise : quelle est la gravité des faits ? Quelle est la situation du patient ? Faut-il, pour pouvoir recourir à la coercition, passer à l’hospitalisation complète ? Cette dernière solution est la seule à laquelle le praticien peut recourir, et c’est seulement s’il choisit de le faire qu’il sera alors possible de prendre en charge, au sens le plus fort du terme, c’est-à-dire d’aller chercher le patient et de le transporter.

Ces dispositions figuraient dans la loi du 5 juillet 2011 et sont donc inscrites dans le code de la santé publique. Il était toutefois prévu un décret qui n’a pas été pris. L’article L. 3222-1-2 de ce code prévoit des conventions de suivi des patients en programme de soins – pour ne pas être trop long, je vous épargnerai l’énumération des parties à la convention – et comporte un volet de réintégration. Je vous renvoie également à l’article L.3222-1-1 A sur l’organisation de la réponse aux urgences psychiatriques, qui me paraît répondre à votre question.

Monsieur Accoyer, je n’oublie évidemment pas de vous répondre. Je me réjouis tout d’abord que vous souscriviez à une partie de la proposition de loi. Vous comprendrez néanmoins que je ne sois pas d’accord avec vous sur les autres éléments que vous avez développés.

Vous avez évoqué la question de la procédure parlementaire. Je sais bien qu’il est intéressant que les projets de loi comportent obligatoirement une étude d’impact et qu’ils soient adressés au préalable au Conseil d’État. Toutefois, je suis étonné que, chaque fois qu’une proposition de loi traite d’un sujet intéressant, important, touchant au coeur des libertés, on parte du principe que, émanant d’un parlementaire, elle serait nécessairement insuffisante par rapport à un projet. Sur le plan constitutionnel, la proposition est au même rang que le projet. Est-ce parce qu’une proposition est d’initiative parlementaire qu’elle est nécessairement de moindre rang, moins étayée, moins intéressante, moins travaillée qu’un projet ?

Au demeurant, j’avoue que, sur cette proposition – mais vous ne l’ignorez sans doute pas –, j’ai travaillé main dans la main avec le Gouvernement, en prenant mes responsabilités de parlementaire, en écoutant attentivement et en ayant des discussions parfois franches, comme on le dit en matière diplomatique. Par conséquent, que ce texte soit une proposition de loi ne me paraît pas condamnable et ne devrait pas à mon sens faire l’objet d’observations particulières si nous voulons donner au Parlement le rôle qui doit être le sien.

Vous mettez ensuite en cause le calendrier, faisant remarquer que, puisque nous sommes le 25 juillet et que c’est le dernier jour de la session, les bancs ne sont pas pleins. Seriez-vous comme ces écoliers qui estiment que le dernier jour d’école, on joue à la belote ?

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