Intervention de Guillaume Chevrollier

Séance en hémicycle du 23 juillet 2013 à 21h30
Élection des sénateurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Chevrollier :

…une réforme qui aurait apporté plus de cohérence en permettant d’éviter la concurrence entre les départements et les régions, et simplifié le millefeuille administratif français.

Le second texte sur les élections cantonales a apporté cette innovation ahurissante, le binôme paritaire. Au lieu d’un conseiller qui aurait siégé à la fois au département et à la région, vous nous proposez un ticket constitué d’un homme et d’une femme, chargés de représenter à eux deux un seul canton. Ce binôme a toutes les chances de mal fonctionner, de donner lieu à des conflits et de rendre l’action des conseillers difficilement lisible. De plus, il impose un redécoupage des cantons qui éloignera encore plus les citoyens de leurs élus.

Un tel redécoupage laisse augurer un arrangement favorable à la majorité en place. Autant parler de « tripatouillage », un terme que vous utilisiez facilement lorsque vous étiez dans l’opposition.

Après la modification des règles d’élection des conseillers intercommunaux, le rétablissement du scrutin proportionnel pour les conseillers régionaux, nous avons droit aujourd’hui à la modification de l’élection des sénateurs. Ce projet vise à mettre en place la proportionnelle dans les départements qui élisent trois sénateurs, au lieu de quatre sénateurs et plus précédemment.

Cette modification est importante par sa portée et par ses conséquences : 27 départements changeront de mode de scrutin, de sorte que 70 % des sièges du Sénat seront pourvus grâce à la proportionnelle ; ce texte entraînera une plus grande politisation, car la proportionnelle implique des listes partisanes.

L’autre conséquence, et non des moindres, est l’affaiblissement de la représentation des territoires ruraux. Ce texte institue en effet la désignation d’un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants, dans les communes de plus de 30 000 habitants, ce qui augmentera le collège sénatorial de plus de 3 000 délégués supplémentaires, au bénéfice des 260 communes les plus peuplées. Mécaniquement, cette évolution affaiblira la représentation du monde rural au Sénat. Permettez à l’élu d’un département rural que je suis de s’indigner de ce nouveau coup porté aux territoires ruraux, qui montre, une fois encore, le peu de considération que le Gouvernement accorde à ceux-ci.

Tout le monde l’aura compris : la finalité de ce texte est de vous permettre de conserver la courte majorité dont vous disposez au Sénat depuis le dernier renouvellement, majorité tellement juste que de nombreux textes, et non des moindres, sont retoqués par la Haute assemblée. Nous savons aussi que vous envisagez de modifier, l’an prochain, le mode d’élection d’une partie des députés en introduisant la proportionnelle. Le tableau sera donc complet : des modifications de modes de scrutin à tous les niveaux de nos ordres administratif et politique !

Ces changements continus des modes de scrutin ont un effet pervers, celui de favoriser l’abstention. Les électeurs ont besoin de stabilité et de lisibilité. Or ce Gouvernement leur offre le contraire et pas seulement dans le domaine électoral, malheureusement. Il nous reste à espérer que les Français prendront conscience des objectifs purement électoraux de ces projets de loi. Ils doivent savoir que ce gouvernement, au lieu de s’attaquer aux maux qui frappent notre pays – le chômage, la baisse du pouvoir d’achat, le manque de compétitivité de nos entreprises – préfère manipuler les scrutins pour garder sa majorité.

Au lieu des réformes structurelles dont notre pays a besoin, vous pensez à votre réélection. Espérons que les Français s’en souviendront lors des prochains scrutins.

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