Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du 20 juin 2013 à 9h30
Autorisation de légiférer pour accélérer les projets de construction — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les jours passent, les mesures tardent, et c’est tout le monde du logement et de la construction qui, hélas, s’enfonce un peu plus dans la crise.

Le Président de la République l’a annoncé lui-même dimanche soir à la télévision : l’objectif des 500 000 logements neufs construits en 2013 rejoindra malheureusement le cimetière de ses promesses non tenues, et vous ne trouverez pas un seul député UDI pour s’en satisfaire. Car avec 300 000 à 350 000 logements construits d’ici à la fin de l’année, soit une baisse de près de 10%, l’objectif est très loin d’être atteint.

Pourtant, ces logements sont attendus, notamment dans les zones tendues comme l’Île-de-France où une partie toujours plus grande de nos compatriotes vient grossir les rangs des mal-logés. Et vous le savez, quand le bâtiment vacille, c’est toute l’économie qui trébuche.

Si rien n’est fait, nous serons donc confrontés à un gigantesque plan social, puisque 40 000 emplois pourraient être détruits dans le secteur en 2014. Cette réalité ne fait pas la une des médias, mais elle représenterait l’équivalent d’un Aulnay-sous-Bois toutes les trois semaines.

Au groupe UDI, nous avons parfois eu le sentiment d’être un peu seuls à tirer la sonnette d’alarme, et ce, dès la fin de l’année dernière. Nous avions tout de suite perçu le risque que vous avez pris en augmentant le taux de TVA dans le secteur de la construction. En procédant à une nouvelle hausse au 1er janvier 2014, deux ans après celle qui était intervenue en 2011, vous avez porté un véritable coup fatal à un secteur déjà lourdement impacté par la crise économique.

Vous avez fait marche arrière sur le logement social, et c’est une bonne chose, mais cela ne suffira pas. Encore un effort, madame la ministre ! Une simple annonce de votre part aurait des conséquences immédiates auprès des professionnels qui n’attendent que cela pour relancer les opérations mises en jachère.

Nous attendons que vous alliez plus loin dans le soutien du secteur par l’abaissement à 5% du taux de TVA pour les travaux de rénovation et d’efficacité énergétique, et à 10% de celui sur le locatif intermédiaire et les logements privés pendant une période de deux ou trois années.

Ces propositions, formulées dans le cadre du plan de redressement national envoyé par Jean-Louis Borloo à l’ensemble des groupes parlementaires de notre assemblée, sont sur la table. Elles devraient tous nous rassembler. L’enjeu est trop grand pour faire l’objet de postures partisanes.

Certes, le Gouvernement s’est réveillé depuis quelques semaines, mais reconnaissez, madame la ministre, que ce réveil a été pour le moins tardif : le plan d’urgence pour le logement décrété par le Président de la République fin mars dernier n’a accouché d’aucune mesure trois mois après.

Légiférer par ordonnances pour aller vite, il faut le faire. Mais nous en sommes aujourd’hui à la deuxième lecture, au début de l’été. Ce que nous nous apprêtons à voter n’aura donc aucun effet en 2013, mais simplement en 2014.

Nous attendons votre projet de loi avec impatience, madame la ministre, mais lui non plus, hélas, n’aura pas le moindre impact sur l’année en cours. 2013, année noire pour le logement, année pour rien, année perdue ! Il n’est pourtant pas trop tard. Une simple déclaration de votre part, ici et maintenant, aurait plus d’effet que toutes les mesures contenues dans vos ordonnances. Annoncez dès maintenant l’annulation de l’augmentation du taux de TVA au 1er janvier prochain ! Donnez une grande bouffée d’air frais à tout un secteur essentiel pour l’ensemble de notre économie !

D’une façon ou d’une autre, vous y viendrez. Vous ne pourrez pas prendre le risque de laisser le monde de la construction s’enfoncer davantage dans la crise. Vous gagnerez les arbitrages budgétaires, alors doublez Bercy ! Faites dès aujourd’hui une telle annonce, madame la ministre! C’est toute l’économie française qui saluera votre initiative.

Je crains cependant que nos espoirs soient trop ambitieux, j’en reviens donc au sujet qui nous réunit aujourd’hui, c’est-à-dire l’examen en deuxième lecture du projet de loi autorisant le Gouvernement à prendre des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, premier volet législatif du plan d’urgence pour le logement annoncé par le Président de la République le 21 mars dernier.

Le groupe UDI n’est pas opposé à la procédure d’exception, tant il est urgent d’agir pour faciliter la construction et pour simplifier les procédures dans le contexte actuel. Justifiée par l’urgence, la procédure des ordonnances ne peut être acceptable qu’à une double condition. Elle doit être précisément encadrée quant à son objet et le Parlement doit être directement informé et associé à la rédaction de la loi.

L’encadrement du champ de l’habilitation nous semble suffisamment précis pour éclairer les intentions du Gouvernement.

Sur le fond, nous considérons qu’en dépit de leur importance inégale, les mesures contenues dans le projet de loi répondent toutes à des freins à la constructions bien identifiés. Il est évidemment nécessaire de limiter les recours abusifs, même s’il est très difficile de les caractériser juridiquement.

Les dispositions relatives à la densification s’imposaient, en précisant bien qu’elles ne sont qu’une faculté offerte aux communes, qui restent libres de les mettre en oeuvre. A ce sujet, plutôt que d’abroger purement et simplement la loi Apparu visant à densifier les constructions dans les zones tendues dès votre arrivée au Gouvernement, madame la ministre, peut-être aurait-il fallu l’aménager pour renforcer la place des élus locaux dans le processus décisionnel, ce qui nous aurait fait gagner de nombreux mois. La disposition relative aux places de stationnement était particulièrement attendue. Plus globalement, nous sommes favorables à la procédure accélérée pour le logement, la surélévation des « dents creuses » et la transformation des bureaux en logements, qui sont autant d’outils nécessaires et attendus, en particulier dans les zones tendues.

Les travaux de notre assemblée et du Sénat sont venus compléter utilement ces dispositions. Je me félicite en particulier que la notion de zone tendue ait été étendue aux villes dites « champignons » caractérisées par une forte croissance démographique.

La création d’un portail national de l’urbanisme pour faciliter l’accessibilité des documents et les dispositions en faveur de la trésorerie des entreprises nous satisfont également. La nécessité de développer le logement intermédiaire est une évidence. Je m’interroge néanmoins sur la nécessité de lui accorder un statut dans la loi. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, je crains que nous n’aboutissions à une rigidité supplémentaire dans un domaine qui souffre déjà de sa complexité normative. A ce sujet, j’insiste sur le fait que dans un pays aussi centralisé que le nôtre, simplification rime, hélas, trop souvent avec complexification. Dans le secteur du logement, une telle tendance se caractérise par l’empiétement du législateur sur le domaine réglementaire.

À l’heure où vous achevez la rédaction de votre projet de loi relatif au logement et à l’urbanisme, et avant d’entreprendre la rédaction des ordonnances, je vous appelle à la plus grande vigilance, madame la ministre, afin qu’aucune disposition susceptible de relever du décret ou de la circulaire n’y figure. Par ailleurs, le recours aux ordonnances ne peut être accepté s’il se résume à un chèque en blanc adressé au Gouvernement. Nous souhaitons donc que le Parlement soit étroitement associé à leur rédaction.

En conclusion, le groupe UDI considère que le projet d’habilitation qui nous est soumis contient des dispositions pragmatiques, nécessaires et attendues. Nous resterons vigilants à la rédaction des ordonnances et à leur application effective. Si le groupe UDI partage l’esprit, il sera donc particulièrement attentif à la lettre. En revanche, ce texte bienvenu ne répond évidemment pas à l’ampleur de la crise qui frappe le monde de la construction. Il ne doit pas exonérer le Gouvernement d’un effort beaucoup plus massif dans ce domaine.

Un tel effort passe nécessairement par un abaissement du taux de TVA sur tout ou partie des champs d’activité de la construction. Aussi, à moins que vous ne réserviez une telle annonce pour votre réponse aux orateurs, madame la ministre, le groupe UDI s’abstiendra sur ce texte qui constitue une modeste première pierre au grand chantier du redressement du secteur de la construction en France.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion