Intervention de Catherine Vautrin

Séance en hémicycle du 9 octobre 2012 à 21h30
Régulation économique outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Vautrin :

De même, je me souviens que sur ces bancs, vous nous avez très souvent interrogés sur l'opportunité du recours à l'urgence ; or, je remarque que vous avez déclaré l'urgence sur ce texte. Encore une fois, il aurait été souhaitable de prendre le temps d'en discuter, d'autant que le Gouvernement lui-même a eu bien du mal à finaliser ce texte, qui contient encore certaines sources d'insécurité juridique.

Je me permets ainsi d'attirer votre attention sur l'article 5, qui a pour objectif de créer un véritable pouvoir d'injonction structurelle au bénéfice de l'Autorité de la concurrence.

Dans son avis sur la version initiale du projet de loi, le Conseil d'État avait signalé que la disposition relative au prix abusif ne pouvait s'appliquer qu'à l'outre-mer. Mais dans le cadre de l'examen au Sénat, l'article a été modifié, introduisant la notion de « prix et de marges élevés en comparaison des moyennes du secteur ».

Cette rédaction appelle de notre part plusieurs observations.

Tout d'abord, la notion de « prix et de marges élevées » est floue, et non définie en l'état actuel de notre droit. La notion de marge ne concerne en rien le consommateur, qui n'est affecté que par le prix final. Seule la notion de prix devrait donc être mentionnée dans le texte.

Par ailleurs, le caractère abusif des prix ou de la position dominante, introduit à la suite de l'avis du Conseil d'Etat, a été supprimé. Cela signifie que l'on ne dispose pas de critère permettant de caractériser l'effet négatif de la position dominante. Or, c'est là le fond du sujet, dès lors que l'on souhaite que l'Autorité de la concurrence puisse s'exprimer.

De plus, j'ai déjà eu l'occasion de dire en commission que cette mesure semble permettre le retour de l'exception d'alignement, qui avait été supprimée par loi du 1er juillet 1996 relative à la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, dite loi Galland.

Pour être concrète et claire, monsieur le ministre, je répète que l'efficacité de cet article est totalement incertaine, parce que cet article n'est pas juridiquement stabilisé. Si le but que vous poursuivez avec ce texte est compréhensible, les moyens que vous prévoyez semblent en revanche insuffisants.

C'est pourquoi nous nous permettons de proposer, très humblement, quelques amendements. Après vous avoir écouté en commission, nous avons voulu introduire la notion d'obstacle à l'intensité de la concurrence de la zone de chalandise et à la baisse de prix en résultant. Nous n'avons évidemment pas inventé cette idée : elle est issue du rapport de Mme Hagelsteen, remis en 2008, sur la négociabilité des tarifs et les conditions générales de vente.

Cette notion permet de caractériser clairement la nouvelle pratique prohibée que vous souhaitez créer. Notre approche, monsieur le ministre, est constructive : nous cherchons une solution comportant les moyens juridiques nécessaires pour lutter contre la vie chère.

Avec cet outil, l'Autorité de la concurrence pourrait contrôler les situations de position dominante qui auraient comme effet, même potentiel, d'exclure des concurrents du marché ou de les désavantager. Cela aurait de facto un impact évident et certain sur les prix pour les consommateurs, ce qui est bien l'objectif poursuivi.

Par ailleurs, nous proposons que cette nouvelle pratique soit introduite différemment dans le code du commerce, afin d'en assurer une meilleure lisibilité et de garantir une plus grande stabilité juridique pour les acteurs. Il est en effet permis de s'interroger, lorsqu'on examine les références faites au code du commerce, sur les choix qui ont été opérés.

L'article 6 bis autorise les accords sur les prix. Dans le contexte économique tout à fait particulier de l'outre-mer, la politique des prix administrés peut être étudiée. Toutefois, vous mentionnez dans l'alinéa 2 les « produits ou familles de produits de première nécessité » et dans l'alinéa 3 « les produits de consommation courante ».

Cette imprécision dans la définition des produits visés pose la question des conséquences sur les filières susceptibles d'être concernées. Il est fondamental que la rédaction de l'article précise la définition de ces produits, car les sanctions seront ainsi plus efficaces.

L'article 7 bis A prévoit que le Gouvernement remette une étude qui proposera des dispositifs facilitant les échanges commerciaux sur les marchés régionaux. Cette thématique étant à l'ordre du jour de la Conférence économique sur l'outre-mer, nous souhaitons que les conclusions de la Conférence y soient intégrées, dans un souci de renforcement du dialogue. Un amendement a été déposé en ce sens.

Enfin, les articles 11 bis et 11 ter prévoient que la tenue des registres du commerce et des sociétés soit dévolue sous certaines conditions aux chambres de commerce et d'industrie.

Sans revenir sur l'imbroglio juridique que ces disposition laissent prévoir – je ne reviendrai notamment pas sur la notion de cavalier –, je m'interroge sur la concertation que vous avez pu mener avec les représentants des professions juridiques et judiciaires, notamment des greffiers des tribunaux de commerce.

Comme nombre de parlementaires, vous devez être interpellé par les greffiers de métropole, qui sont extrêmement mobilisés. Il serait intéressant de les écouter, voire de les entendre. Il est important de prendre en compte l'ensemble du dossier, ne serait-ce qu'en raison de la réforme de la gestion des greffes et de ses effets sur les délais de remise des immatriculations ainsi que, d'une manière plus générale, sur le traitement des dossiers.

Je suis parfaitement consciente qu'il existe en outre-mer des difficultés d'inscription ; pour autant, je pense qu'il est bon de discuter avec l'ensemble des acteurs, plutôt que d'adopter rapidement une solution qui, à moyen terme, risque de générer des difficultés.

Nous craignons concrètement que ce projet n'ait un impact limité, les conditions de son examen et le manque de concertation avec les acteurs n'ayant probablement pas permis d'examiner au fond un certain nombre de sujets.

Cela nous inquiète : quand on fait de l'affichage, on manque d'ambition. Or, nous pensons tous que l'outre-mer mérite mieux qu'une simple politique d'affichage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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