Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 17 septembre 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière — Article 1er

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur Blanc, ce que vous appelez « privatisation de la justice » est en fait la possibilité pour des associations de se constituer parties civiles et, en l’occurrence, de déclencher l’action publique. Cette possibilité n’exclut pas le ministère public, qui peut toujours déclencher celle-ci, mais au cas où il ne le ferait pas, les associations seront habilitées par ce projet de loi à agir.

Le même argument a été utilisé au Sénat. Le sujet existe ; cependant, vous faites d’une disposition existant dans le droit commun, inscrite aux articles 2-1 à 2-22 du code de procédure pénale, une exception, une exclusivité, un précédent. Au contraire, cette disposition s’inscrit totalement dans le droit commun en matière de procédure pénale. Il existe de nombreux cas où des associations dont l’objet social relève du sujet concerné peuvent déclencher l’action publique : c’est le cas en matière de pédo-pornographie et de pédo-criminalité, d’atteintes sexuelles commises par des Français contre des mineurs à l’étranger – ce qui n’est quand même pas rien ! –, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, et même d’agissements contraires à la protection des animaux. Notre code de procédure pénale prévoit plusieurs situations où les associations peuvent déclencher l’action publique.

Il convient de rappeler que le ministère public peut toujours déclencher l’action publique. Il peut disposer d’informations de la même façon que les associations, mais il est vrai que ces dernières exercent une activité militante qui les porte à s’intéresser et à explorer : elles sont donc peut-être plus actives, plus allantes, et prennent plus volontiers l’initiative pour déclencher l’action publique. Il demeure que le ministère public peut le faire.

Au contraire d’une privatisation de l’action publique, l’article 1er garantit une plus forte capacité de mobilisation de la société civile, qui a contribué à faire émerger le sujet qui nous préoccupe dans le débat public. Il est important de l’armer pour qu’elle soit en capacité d’agir. Nous veillons à le faire avec rigueur, puisque nous posons le principe d’un agrément dont les conditions d’obtention seront précisées par décret en Conseil d’État : seules les associations ayant cinq ans d’existence au moment de l’initiative et bénéficiant d’un agrément pourront déclencher l’action publique.

De plus, cette mesure met la France en conformité avec des recommandations multiples, récurrentes et répétées d’organisations internationales. Nous avons déjà pris des engagements publiquement. Cela constitue par conséquent un vrai progrès. Avis défavorable.

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