Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 17 septembre 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière — Article 13

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Même avis, madame la présidente. Cet amendement vise tout simplement à contester l’essentiel même du projet du Gouvernement. Ce dernier a fait le choix de la lisibilité de sa politique publique de lutte contre les atteintes à la probité, la fraude fiscale complexe et les fraudes à la TVA. Surtout, il a décidé de s’en donner les moyens, de façon rationnelle.

Évidemment, des interrogations se font jour quant à la manière de lutter contre ces atteintes avec la plus grande efficacité, mais aussi la meilleure compréhension de l’action publique. Ce parquet financier national est la meilleure réponse à ces interrogations. Le texte vise à asseoir ce parquet financier, à lui donner une forte légitimité et une grande visibilité, sans ébranler les fondations de notre institution judiciaire.

Faut-il rester dans le cadre actuel et renforcer le procureur de la République de Paris ? Telle est la question essentielle. Il est intéressant de voir que les groupes d’opposition proposent, entre autres, de renforcer les pouvoirs du procureur de la République de Paris. Le même groupe d’opposition qui propose de renforcer les pouvoirs de ce procureur accusait les procureurs, sous la responsabilité gouvernementale de la gauche, de n’être pas indépendants ! Pourtant nous respectons absolument l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des magistrats du parquet. Nous avons même présenté aux deux chambres du Parlement une réforme constitutionnelle tendant à inscrire dans la Constitution cette pratique.

Le groupe parlementaire dont je parle mettait en cause l’indépendance de ce procureur, et surtout suspectait le Gouvernement et la majorité de vouloir créer un super-procureur qui pourrait à loisir mettre un terme à certaines procédures, puisqu’il serait seul à bord. L’opposition formule donc tout à la fois des propositions et la critique de ces propositions.

Le Sénat a proposé de banaliser tout cela en renforçant la juridiction interrégionale spécialisée de Paris, voire sans la renforcer, en se contentant de prévoir qu’elle aurait compétence à partir du moment où une affaire appellerait la compétence de deux JIRS. Tel n’est pas l’état d’esprit du Gouvernement, telle n’est pas sa démarche en termes de lisibilité, de cohérence et d’efficacité de l’action publique. Par conséquent nous maintenons le choix de créer un parquet financier.

Nous ne touchons pas aux fondations de l’architecture de l’institution judiciaire. Nous savons que cette institution est capable d’ingérer ce parquet financier, de le faire fonctionner. Le procureur de la République financier sera placé sous l’autorité hiérarchique du procureur général de Paris, conformément à l’article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958. Par conséquent nous n’avons pas la moindre inquiétude : ce parquet national financier fonctionnera. Nous lui donnerons pour cela des moyens dédiés.

Nous avons pensé aux modalités de création d’une juridiction spéciale à Paris. Nous avons réfléchi aux conditions dans lesquelles les magistrats du siège seront nommés, par une procédure d’habilitation qui garantira de la souplesse, évitera le cloisonnement des procédures, permettra l’évolution de la juridiction grâce au passage des magistrats du siège des autres procédures au contentieux spécial anti-corruption.

Il était bon de rappeler l’esprit, la logique, la cohérence qui ont présidé à l’élaboration de ce parquet financier national. Nous entendons bien les critiques – y compris celles qui sont contradictoires : on nous accuse par exemple à la fois de mettre en place une usine à gaz et de ne pas en faire assez. Nous entendons tout cela, parce que nous sommes attentifs aux observations de l’opposition. Il s’agit d’un choix délibéré, construit…

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