Intervention de Hervé Gaymard

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 21h45
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard :

Madame la ministre, je voudrais appeler votre attention sur une question qui n’est pas traitée dans votre projet de loi, mais qui est centrale, je veux parler de la réhabilitation de l’immobilier de loisir.

Cette question est centrale pour l’économie du tourisme, donc de l’emploi, à la mer comme à la montagne. Elle est centrale pour les artisans du bâtiment, qui connaîtraient ainsi un regain d’activité. Elle est enfin centrale pour le développement durable, car cette réhabilitation éviterait toujours plus de constructions dans des espaces vierges et éviterait le gaspillage thermique.

Depuis le début des années 1960, l’économie touristique des stations s’est organisée autour d’une offre d’hébergement professionnelle, que l’on peut distinguer en deux catégories : les lits professionnels dits « chauds » - hôtels, résidences de tourisme, clubs ou villages de vacances - qui sont bien commercialisés, et les lits diffus dits « froids », mis sur le marché de manière aléatoire, donc insuffisamment occupés.

L’hébergement professionnel, qui est le socle de l’économie touristique, connaît une érosion constante, due à plusieurs facteurs : la cessation d’activité pour certains établissements, qui ne peuvent supporter le coût d’une mise aux normes ; la vente à la découpe d’hôtels ou de résidences de tourisme, plus rémunératrice qu’une vente en bloc ; la fin de bail pour les propriétaires de logements dans des résidences de tourisme, qui ne sont plus soumis à l’obligation de location ; la sortie de dispositifs de location confiés à une agence immobilière.

L’érosion annuelle des lits chauds au profit des lits froids, en zone de montagne, est en moyenne de plus de 3 % et, sur certains sites, peut atteindre près de 5 %. Les constructions nouvelles compensent à peine cette perte de lits, mais chacun sait qu’il ne sera pas possible de continuer de construire indéfiniment, et que les volets clos donnent une image négative des zones touristiques et représentent une perte économique considérable.

En effet, en zone de montagne, où la saison d’hiver est composée de dix-huit semaines principales, un lit professionnel est occupé près de douze semaines, alors qu’un lit diffus ne le sera que cinq semaines, ce qui est destructeur d’emplois. La priorité doit donc être de réchauffer les lits « froids ».

On ne découvre pas le sujet, bien sûr. Depuis une quinzaine d’années, de nombreuses initiatives ont été engagées. Certaines démarches locales ont eu des résultats, le plus souvent limités. Au plan national, les opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisirs mises en oeuvre à partir des années 2000 n’ont pas eu les résultats attendus.

Il ne faut plus tarder à innover et à mettre en oeuvre des dispositifs pérennes et efficaces. Madame la ministre, les élus et les professionnels de l’immobilier attendent beaucoup de l’État pour fédérer les énergies. De ce point de vue, trois axes pourraient être privilégiés.

Le premier serait de pérenniser le parc marchand, en soutenant les propriétaires, en expérimentant l’allégement fiscal pour les propriétaires loueurs ou en favorisant la transmission familiale des hôtels existants et en décrétant une pause sur les normes.

Le deuxième axe devrait être de favoriser et de fluidifier la rénovation immobilière, en généralisant l’octroi de surfaces supplémentaires de plancher pour faciliter l’autofinancement de la rénovation, en dispensant d’autorisation « Unité touristique nouvelle » les opérations de démolition-reconstruction, en développant un accompagnement technique et juridique des copropriétés, en mobilisant les capacités financières des acteurs économiques locaux directement intéressés par la fréquentation touristique, en recourant à l’injonction de ravalement de façades pour les copropriétés dégradées, en couplant rénovation énergétique et remise sur le marché.

Enfin, le troisième axe pourrait être la régulation et les qualification des lits neufs, en substituant progressivement à la construction de lits neufs de la rénovation et de la remise sur le marché volontariste, en favorisant la construction de lits à fort rendement, en renforçant le contenu et le contrôle du conventionnement au titre de l’article 42 de la loi Montagne, et enfin en généralisant une évolution législative qui permettrait de différencier les types d’hébergement.

Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, quelques pistes de travail. Il y a urgence. Tous les élus de la montagne et ceux du littoral, avec les professionnels du tourisme, sont à votre disposition pour travailler sur ce sujet : les nécessaires solutions n’ont que trop tardé.

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