Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 2 octobre 2013 à 15h00
Actualisation de la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie - diverses dispositions relatives aux outre-mer — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Monsieur le président, mesdames, messieurs, inlassablement, la représentation nationale a l’impérieux devoir de poursuivre l’application de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, signé par l’ensemble des partenaires lors de la visite du Premier ministre Lionel Jospin. Cet accord, lequel détermine pour une période transitoire de quinze à vingt ans, l’organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, les modalités de son émancipation et dessine les contours de la future société calédonienne, a été largement approuvé par la population de l’archipel lors de la consultation du 8 novembre 1998 avec, rappelons-le, 72 % de votes positifs.

Les accords de Nouméa résultent de la conviction des protagonistes de l’époque de la nécessité de repousser la consultation référendaire sur l’autodétermination prévue dix ans plus tôt par les accords de Matignon, résultant de la déclaration signée à Matignon par le Premier ministre Michel Rocard, vous l’avez tous rappelé, et de l’accord Oudinot. Ces accords avaient ramené la paix civile sur l’archipel, paix civile qu’il faut à tout prix sauvegarder, comme notre collègue Philippe Gomes vient de le rappeler.

La mise en oeuvre de l’accord de Nouméa avait déjà fait l’objet de la loi constitutionnelle de juillet 1998, qui a créé l’actuel titre XIII de la Constitution, et de la loi organique subséquente du 19 mars 1999, modifiée dix ans plus tard, et qu’il convient aujourd’hui d’actualiser. Rappelons que le statut de la Nouvelle-Calédonie, vous l’avez également souligné, est spécifique.

Il est, en effet, traité à part dans la Constitution et il déroge à certains principes à valeur constitutionnelle de droit commun : caractère irréversible des transferts de compétences, compétence du congrès pour prendre des « lois du pays » de nature législative, citoyenneté propre se fondant sur un corps électoral restreint et figé, restrictions d’accès à l’emploi local, capacité d’accéder au statut civil coutumier pour les personnes qui en ont perdu le bénéfice.

L’organisation des transferts de compétences par la loi organique de 1999 s’effectue par étapes intermédiaires correspondant aux renouvellements du congrès de Nouvelle-Calédonie de 2004 et de 2009. La mise en oeuvre des nouveaux transferts intervenue avant 2014, fin de la période transitoire, portait sur des compétences normatives lourdes, notamment le droit civil et l’enseignement, et faisait l’objet de la loi organique précédente.

Aujourd’hui, il s’agit d’actualiser, dans le respect des propositions unanimes du comité des signataires de l’accord de Nouméa, nous l’avons tous réaffirmé, les dispositions de la loi organique dans la perspective des élections provinciales de mars prochain après lesquelles le congrès aura la possibilité de lancer la phase finale de l’accord de Nouméa : demander un référendum sur l’autodétermination et poser la question de l’accession de la Nouvelle-Calédonie à une souveraineté pleine et entière entraînant, alors, le transfert de compétences régaliennes restées dans le giron de l’État central.

Ainsi, les projets de loi qui nous sont proposés se limitent à améliorer et à perfectionner le bon Gouvernement de l’archipel et ne concernent que de manière subsidiaire les compétences qui lui sont dévolues selon le schéma que je viens de rappeler et dont notre rapporteur est non seulement un excellent connaisseur, mais un fin architecte puisqu’il a grandement contribué à son parachèvement. Je veux ici rendre hommage à l’excellence de son travail et à la qualité d’écoute des forces politiques en présence qu’il a toujours manifestée.

Il ne s’agit pas, par ces textes, d’organiser de nouveaux transferts de compétences et d’en déterminer les modalités. Nous accompagnons ici la fin du processus de l’accord de Nouméa. C’est pourquoi, législateurs nationaux, nous devons faire oeuvre de prudence et de mesure tant la situation politique locale est complexe et mouvante. Comme nous l’avons entendu tout à l’heure, cette fragilité a d’ailleurs suscité les inquiétudes légitimes des membres de la délégation de la commission des lois qui se sont rendus sur le territoire en septembre dernier.

Il s’agit donc de permettre au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes sur le modèle de celles qui existent déjà à l’échelon national, autorités qui seront composées de membres indépendants dotés d’un régime d’incompatibilité sévère et dont les comptes seront soumis au contrôle de la chambre territoriale des comptes. Nous n’en attendions pas moins de votre part, monsieur le rapporteur.

Par ailleurs, le président du Gouvernement néo-calédonien disposera d’un pouvoir de police administrative générale et spéciale, pouvoir indispensable pour l’exercice plein et entier des compétences dévolues, le président de l’assemblée de province se voyant aussi doté d’un pouvoir de police spéciale lié à la gestion du domaine routier domanial, ainsi que de la faculté de déléguer son pouvoir en matière de passation de marchés publics. Quant à la clarification des compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie, la notion d’éléments de « terres rares » est introduite, le droit positif ne reconnaissant, en effet, à l’archipel que des compétences en matière minière.

La compétence des provinces en matière de chasse et d’environnement a été, pour sa part, précisée par le Sénat. Autre évolution : la dénomination du Conseil économique et social est alignée avec celle de son homologue métropolitain, ses membres ne pouvant, en outre, être également sénateurs coutumiers, et le régime indemnitaire des membres du Gouvernement et des assemblées de province a été renforcé, même si notre rapporteur, toujours soucieux d’économiser les deniers publics, en a limité la progression.

En matière de dispositions financières et comptables, la possibilité de créer des sociétés publiques locales permettant aux collectivités territoriales d’exercer des prestations in house en toute sécurité est une avancée, cette souplesse de gestion étant, en quelque sorte, contrebalancée par une plus grande transparence et un meilleur contrôle des aides financières octroyées par les personnes publiques. Les règles budgétaires sont, quant à elles, rationalisées

Enfin, quant à la compétence du juge pénal pour examiner une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier à l’encontre d’une autre personne de même statut, la rédaction de l’amendement à l’article 20 du projet de loi organique de notre collègue Philippe Gomes devrait recueillir l’assentiment de tous.

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