Intervention de Bernard Lesterlin

Séance en hémicycle du 2 octobre 2013 à 15h00
Actualisation de la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie - diverses dispositions relatives aux outre-mer — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Lesterlin :

Si nous remettons brièvement en perspective le sort qui a été celui de ce territoire, nous devons rappeler que l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, souvent, a été empreinte de souffrances et de difficultés. Annexée par Napoléon III en 1853, elle devint dès 1864 une « colonie pénitentiaire », les Français s’inspirant alors du comportement de l’Angleterre vis-à-vis de l’Australie. Par la suite, partenaire loyale des forces françaises lors des deux conflits mondiaux, la population calédonienne a pu accéder à un statut de citoyenneté à part entière en 1946. Lors des années 1970, les revendications indépendantistes se firent entendre de manière de plus en plus nette, et c’est une décennie plus tard que les tensions furent les plus vives, notamment la triste année 1984, l’épisode de la prise d’otages d’Ouvéa en 1988 en représentant la plus tragique expression.

Loin de moi l’idée de vouloir rouvrir des plaies aujourd’hui cicatrisées, mon propos tient au contraire à montrer que cet héritage historique mouvementé n’empêcha pas la France de mener à bien, ces trente dernières années, un processus pacifique de transfert progressif de compétences. Je me rappelle à ce sujet la poignée de main fondatrice, historique, échangée entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou au mois de juillet 1983 lors de la table ronde de Nainville-les-Roches, sous le Gouvernement de Pierre Mauroy. Depuis ce dialogue symbolique entre ces deux leaders, loyaliste pour l’un, indépendantiste pour l’autre, un nouvel avenir, de nouvelles perspectives ont alors commencé à poindre pour les Calédoniens, alors qu’un « droit inné et actif à l’indépendance » leur était dorénavant reconnu.

La suite des événements, nous la connaissons. Le retour d’un gouvernement de gauche au pouvoir en 1988 et l’arrivée de Michel Rocard à Matignon permirent de résoudre une situation qui semblait bloquée, grâce à la signature des accords de Matignon, ouvrant une période transitoire de dix ans. Ensuite, l’accord de Nouméa, conclu en 1998 par Lionel Jospin, permit de franchir une nouvelle étape dans ce processus, nous menant jusqu’à l’horizon 2018.

Le statut spécifique accordé à la Nouvelle-Calédonie fut alors à l’origine de la révision constitutionnelle de 1999, qui intègre à la Constitution française, en son article 77, avec la loi organique à laquelle nous adjoignons des modifications, quelque chose qui ressemble fortement à un embryon de constitution à part entière. En effet, la Nouvelle-Calédonie se trouve déjà dotée de son propre Gouvernement, et l’influence de l’État, donc de la France, reste, dans son ensemble, prépondérante en ce qui concerne les seuls domaines dits régaliens.

Unis dans la même volonté de voir mener à bien un processus complexe, nous avons été soucieux d’apporter les précisions nécessaires permettant de coller à l’esprit qui a été celui des signataires de l’accord de Nouméa réunis en décembre dernier à Paris. Notre travail législatif a répondu à la double exigence de ne pas trahir cet esprit originel, tout en n’allant pas à l’encontre du travail mené au Sénat.

Cette réactualisation doit à la fois répondre à un contexte, une urgence sociale qui nécessitent des mesures fortes, tout en pérennisant le processus sur le long terme engagé par l’accord de Nouméa : cet équilibre entre mesures d’urgence et préparation de l’avenir est, j’en suis persuadé, la meilleure méthode à adopter.

Ainsi, il est apparu que la préoccupation première des Calédoniens, à l’origine de tensions récentes, était la forte montée des prix sur le territoire. Ce texte répond de manière claire à cette préoccupation en permettant, avec son premier article, la création d’autorités administratives indépendantes, par exemple d’une autorité de la concurrence.

Par l’article 6, notre commission a permis de clarifier les montants de rémunération des élus calédoniens.

L’article 5, quant à lui, élargit le domaine de compétences du Conseil économique et social à l’environnement, enjeu essentiel pour un territoire comme la Nouvelle-Calédonie.

La Nouvelle-Calédonie est à un seuil crucial de son histoire, et, en dépit de ce que j’entends ici et là ces derniers temps, je ne crois pas qu’il soit pertinent de se diriger vers un accord à l’amiable sur l’évolution du statut de ce territoire. La Constitution de la Ve République prévoyant la tenue d’un référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie à la suite des accords de Nouméa, seule une révision constitutionnelle offrirait la possibilité aux Calédoniens de ne pas en organiser un. Cette hypothèse paraît aujourd’hui hautement improbable.

Quoi qu’il en soit, quelle que soit la formule adoptée par les autorités calédoniennes dans les prochains mois, les prochaines années, nous pouvons être sûrs que, comme l’a affirmé le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, l’État accompagnera en permanence la Nouvelle-Calédonie vers le destin qu’elle se choisira elle-même.

Quelques mots, pour finir, du projet de loi relatif aux diverses dispositions relatives aux outre-mer qui doivent aujourd’hui être ratifiées par le Parlement. Ces mesures, aussi diverses qu’essentielles, montrent bien l’importance que revêtent les questions relatives à l’outre-mer pour notre Gouvernement et sa majorité, qui, sans cesse, se doivent d’adapter la législation aux réalités complexes et changeantes du terrain.

Ainsi, à ce sujet, je me félicite de l’ajout des articles 12 et 13, à l’initiative de Chantal Berthelot, à laquelle je me suis associé. Grâce à ces articles, la lutte contre l’orpaillage illégal ainsi que la lutte contre la pêche illégale en Guyane pourront bénéficier de nouveaux outils plus performants, afin de préserver la biodiversité et les richesses de cette région, qu’on ne peut plus laisser piller. J’ai compris, monsieur le ministre, que le Gouvernement reprenait à son compte ces propositions, en tout cas s’agissant de l’orpaillage clandestin en bande organisée, puisque nous avons adopté tout à l’heure en commission un amendement que vous aviez déposé.

Le groupe SRC votera les deux textes qui nous sont soumis car ils vont dans le sens d’une gestion des outre-mer pragmatique et émancipatrice.

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