Intervention de Daniel Gibbes

Séance en hémicycle du 2 octobre 2013 à 15h00
Actualisation de la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie - diverses dispositions relatives aux outre-mer — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Gibbes :

Reste que la spécificité du modèle calédonien, qui a nécessité une révision constitutionnelle en juillet 1998, est sans équivalent.

Mais lorsqu’on raisonne en républicains avec nos outre-mer, et avec la Nouvelle-Calédonie en particulier, rien n’est technique, tout est affectif, car derrière le projet de loi organique, il y a toute la logique historique et institutionnelle propre à la Nouvelle-Calédonie. Derrière le projet de loi organique, il y a le caractère irréversible des transferts engagés. En l’espace de quelques années, la Nouvelle-Calédonie a bénéficié de nouvelles compétences fondamentales : l’enseignement primaire privé et secondaire en 2012, la police et la sécurité de la circulation aérienne et maritime intérieure, le droit civil, le droit commercial en 2013, et en janvier 2014 ce sera la sécurité civile.

Derrière ce projet de loi, il y a, quoi qu’on en dise, un processus engagé depuis trente ans, depuis la signature, cela a été dit, des accords de Matignon, qui fait que la Nouvelle-Calédonie exerce aujourd’hui toutes les compétences à l’exception des compétences régaliennes. La Nouvelle-Calédonie a sa propre citoyenneté ; elle peut adopter des lois, comme le Parlement de la République ; pour elle-même, elle décide pratiquement de tout en matière fiscale, sociale, économique, commerciale, environnementale, sanitaire, et j’en passe.

Alors, derrière ce caractère technique, il y a le passé, le présent et l’avenir de la Nouvelle-Calédonie : le passé irréversible, comme le sont les transferts de compétences, le présent particulièrement complexe d’un point de vue politique – un présent au corps électoral transitoirement gelé –, l’avenir, enfin, à construire dès 2014, prometteur mais incertain.

En réalité, ce projet de loi organique tisse en filigrane toute la contrainte qui pèse sur les solutions d’avenir. S’il ne reste plus à ce stade que les compétences régaliennes à transférer, les contours de la Nouvelle-Calédonie de demain n’en sont pas plus nets pour autant.

À ce propos, Jean Courtial et Ferdinand Mélin-Soucramanien, deux experts du comité de pilotage sont en train de finaliser leur réflexion sur les hypothèses d’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Ils ont mis en lumière quatre scénarios possibles. Le premier est la pleine souveraineté-indépendance, dont ils reconnaissent qu’il n’est pas le plus simple, mais qu’il est le plus connu en termes de contours, puisque la France a connu la décolonisation en Afrique. Le deuxième est la pleine souveraineté du type du partenariat privilégié, situation que les experts comparent avec les relations entre la France et Monaco. Les deux autres hypothèses sont deux scénarios de maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République française : le statut d’aujourd’hui, mais pérennisé, installé dans la longue durée, ou un maintien dans la France avec plus d’autonomie, notamment en matière de relations extérieures.

Une de leurs conclusions, c’est que ce qui fait le plus sens dans la décision à prendre, c’est la question de la transformation de la citoyenneté calédonienne en nationalité, et qu’il y aurait alors pleine souveraineté. Autrement dit, pour eux, la question des transferts régaliens n’est, d’une certaine manière, que symbolique, et non centrale. Ce qui me ramène à notre texte organique d’aujourd’hui, sur le point de savoir si, comme les transferts régaliens seraient symboliques, ce texte ne serait que technique.

Alors oui, ce texte est technique, si le terme technique ne devient pas synonyme d’anodin. C’est une manière de dire qu’on ne peut se résoudre à considérer que la Nouvelle-Calédonie seule a les clefs de son avenir en main.

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