Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 2 octobre 2013 à 15h00
Actualisation de la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie - diverses dispositions relatives aux outre-mer — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, la Guyane, enclave de la République française en territoire amazonien, se caractérise par l’abondance de ses richesses, qu’elles soient issues de sa population, de sa biodiversité terrestre et marine, ou encore de son sous-sol. De manière incontestable, cette richesse attise la convoitise, notamment des pays voisins. Ainsi assiste-t-on depuis longtemps au pillage systématique des ressources guyanaises, alors même que la société locale souffre d’un retard chronique de développement vis-à-vis de la France hexagonale.

La lutte contre le pillage de ses ressources, en particulier halieutiques et aurifères, et celle contre leurs externalités négatives, sont depuis toujours des préoccupations majeures des élus guyanais. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous souhaitons vivement encourager Chantal Berthelot, ma collègue de la deuxième circonscription de la Guyane, qui porte les articles 12 et 13 du projet de loi. En effet, ces dispositions relatives à la Guyane vont permettre une répression plus efficace à la fois de l’orpaillage illégal et de la pêche clandestine, ce qui était attendu depuis longtemps par les populations locales autant que par les opérateurs économiques légaux.

Ces deux problématiques, qui ont fait couler beaucoup d’encre, ont toutefois connu des fortunes diverses. En effet, si le mouvement social engagé par les pêcheurs l’année dernière a permis une meilleure coordination des efforts de lutte contre la pêche illégale des deux côtés de la frontière franco-brésilienne, la lutte contre l’orpaillage illégal, quant à elle, doit faire face à une industrie minière souterraine toujours mieux formée, bénéficiant d’un système d’information efficace, qui s’appuie sur des effectifs grossissant de façon inquiétante.

Comme je le rappelle dans une tribune publiée ce matin, on estime à près de 15 000 le nombre de garimpeiros, c’est-à-dire d’orpailleurs clandestins généralement en provenance du Brésil, illégalement présents sur le territoire guyanais et opérant sur plus de 700 sites d’exploitation aurifère. Ces sites, dont le chiffre d’affaires annuel est estimé à 405 millions d’euros, sont souvent identifiés au coeur même du parc amazonien. Par ailleurs, ils sont le théâtre d’un scénario insupportable qui voit se mêler climat social dégradé, destruction massive du biome amazonien, déversement de mercure et de cyanure dans des cours d’eau dont sont tributaires les populations amérindiennes et bushiningués. À ce sujet, nous noterons au passage que les campagnes sanitaires ont révélé chez plus de 70 % des enfants du haut-Maroni des taux de mercure supérieurs à la norme de l’Organisation mondiale de la santé

En outre, on ne saurait manquer de faire un rapprochement entre ce fléau ignoré par une partie du grand public et les chiffres alarmants de la délinquance observés sur l’ensemble du département, et notamment sur le taux à peine croyable de 10,2 homicides volontaires pour 100 000 habitants.

Aussi, ce projet de loi, en instaurant un régime de déclaration préalable à la détention de certains matériels à destination exclusive des carrières aurifères, devrait permettre un meilleur contrôle de cette activité, qu’elle soit légale ou illégale.

Pour répondre à la détention de ces matériels sans déclaration, la sanction prévue à l’article 13 – deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende – nous paraît suffisamment dissuasive pour envisager une diminution durable du trafic observé dans l’intérieur guyanais. Vraisemblablement, cela devrait aboutir au tarissement de l’approvisionnement des sites illégaux en matériels indispensables à leur subsistance.

Parallèlement, l’article 14, qui modifie le code rural et de la pêche maritime, devrait apporter une dimension dissuasive accrue aux opérations de lutte contre le pillage des ressources halieutiques, en faisant encourir aux contrevenants une sanction dès qu’une infraction est commise. De ce fait, il supprime un délai souvent trop long entre le délit et son jugement. Or souvent, ce temps de latence est mis à profit par les pêcheurs incriminés pour récupérer leurs embarcations. Cette mesure conservatoire spécifique semble particulièrement adaptée au scénario guyanais puisque la quasi-totalité des infractions de pêche illicite sont commises par des personnes en situation irrégulière au moyen d’embarcations dépourvues de pavillons.

Toutefois, si nous saluons les dispositions contenues dans ce projet de loi, nous ne pouvons faire l’impasse d’un rappel quant à l’impérieuse nécessité d’appréhender la lutte contre le pillage des ressources guyanaises à travers le spectre de la coopération interrégionale. Cette coopération, aujourd’hui enclenchée dans la lutte contre le pillage des ressources halieutiques, fait encore cruellement défaut quand il s’agit de combattre le pillage des ressources minières. Rappelons que le Brésil n’a toujours pas ratifié les accords de coopération en matière de lutte contre l’orpaillage clandestin signés en décembre 2008 et ratifiés par le Parlement français le 20 juillet 2011.

Nous resterons donc particulièrement vigilants quant à l’évolution de ce dossier et nous espérons que l’avancée promise par ce texte ne sera qu’un premier pas vers une solution pérennisée qui devra passer par la refonte complète du droit minier dont la modernisation semble avoir pris un retard que nous ne pouvons que regretter, au regard de l’urgence de la situation. Je vous remercie. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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