Intervention de Serge Letchimy

Séance en hémicycle du 2 octobre 2013 à 15h00
Actualisation de la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie - diverses dispositions relatives aux outre-mer — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, ces deux textes sont aussi de nature politique ; il s’agit de textes d’évolution. En Guyane, par exemple, la question de l’orpaillage clandestin n’est pas que technique ; c’est une question fondamentalement économique. A cet égard, je soutiens mes deux collègues de Guyane, qui souhaitent non seulement que la répression soit effective, mais aussi que la filière soit organisée économiquement – et cela vaut également pour la pêche. J’ai eu l’occasion de constater la situation en Guyane, et je compte sur le Gouvernement pour trouver de manière urgente des solutions ; autrement, nous courons à la catastrophe. Quant à la Nouvelle-Calédonie, elle a, au cours de ces vingt-quatre dernières, trouvé, avec beaucoup de difficulté, qu’Éric Gomes a rappelées, et au prix de sacrifices humains, une voie d’émancipation très structurée. Je lui souhaite donc de parvenir au résultat auquel aspire le peuple calédonien, dans la paix et conformément à une volonté qui me semble extrêmement claire.

Nous débattons par ailleurs de quelques règles techniques, concernant notamment la collectivité unique de Martinique et de Guyane, laquelle structure les choses de la manière la plus rationnelle possible pour éviter, par exemple, les difficultés que connaissent d’autres départements ultramarins, faute de n’avoir peut-être pas suffisamment bien négocié les accords financiers et fiscaux. Cela devrait permettre de revoir certaines clauses. Je pense que ce qui se passe aujourd’hui dans les outre-mer, c’est la reconnaissance de la nécessité d’une politique de différenciation. Nous sommes face à une réalité plurielle, à des cultures extrêmement différentes, à des histoires diverses, et la configuration constitutionnelle peut parfaitement se traduire par une appréciation institutionnelle, et surtout en termes d’émancipation, très diverse.

Je suis séduit par le modèle calédonien et je respecte le choix de Mayotte, qui souhaite se « rupéiser » et devenir un département. Mais nous, particulièrement à la Martinique, nous considérons que la différence n’est pas l’ennemie de l’égalité. Le droit à l’égalité est attaché à la citoyenneté tout en étant un droit universel, et le droit à la différence peut constituer un fondement nécessaire à de nouveaux modes de développement dans nos pays et à de nouvelles cultures. C’est dans ce sens qu’en Martinique, nous voulons, même si ce n’est pas de manière identique à la Nouvelle-Calédonie, que la Constitution française permette de mieux reconnaître le droit à la différence et le droit à l’égalité. Cela n’est pas tout à fait le cas avec l’article 74, qui a ses avantages mais aussi des inconvénients totalement incontrôlables.

Monsieur le président, je voudrais conclure sur deux points.

S’agissant de la ratification de l’ordonnance du 13 décembre, je tiens à rappeler à l’Assemblée mais aussi aux Martiniquais que cette fusion des deux collectivités en une n’est pas un exercice facile.

Il a fallu beaucoup de temps pour harmoniser les normes comptables et budgétaires et pour transférer les biens. Par cette ratification, on rassure les personnels de ces deux collectivités, qui emploient près de 3 500 personnes au total. Les personnels, qu’ils soient titulaires ou non titulaires, savent qu’ils seront pris en compte et qu’ils ne seront pas écartés ou éjectés à l’occasion de cette fusion.

En ce qui concerne le transfert des biens des départements et des régions vers cette nouvelle collectivité – point extrêmement important –, toute la difficulté sera de procéder à l’évaluation de ces biens. Il faut que la Martinique dispose d’un outil politique de gouvernance unique, pour éviter que le département et la région ne se marchent sur les pieds sur un territoire de 1 100 kilomètres carrés. La mise en place de cette collectivité est essentielle, et nous veillerons à ce qu’elle se déroule dans les meilleures conditions possibles en 2015.

J’en viens à mon second point. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que le ministre du transport, d’avoir accepté de reprendre l’amendement que nous avons proposé en matière de transport. S’il y a un problème crucial dans nos pays, c’est bien l’inorganisation des transports, terrestres et maritimes, de passagers comme de marchandises. C’est la raison pour laquelle cet amendement, qui a été retravaillé par le ministère de l’outre-mer et par celui des transports, tend à instaurer une autorité unique de transport. On en compte en effet dix-sept aujourd’hui, ce qui crée forcément des situations incohérentes : dans certaines îles, les transports maritimes ne sont pas organisés ; dans d’autres, il n’existe pas de connexion entre le transport terrestre et le transport maritime. Il faut mettre fin à l’application mimétique des règles et des droits sur des territoires très différents. Je pense à ce qu’on appelle les « taxi-cos », qu’il faut absolument respecter, parce que ce sont eux qui, pendant des années, ont assuré un transport public. Monsieur le président de la commission, je serais heureux que vous donniez un avis favorable à cette demande d’habilitation, pour que des normes et des règlements soient édictés sur place.

Je voudrais, pour finir, faire un clin d’oeil à M. Molac, qui a dit tout à l’heure qu’il faudrait « décoloniser l’hexagone ». C’est une très belle formule, qui a son importance. Nous avons, dans nos pays, des richesses incroyables, qui tiennent à notre humanité et à notre manière de concevoir la société ; si nous arrivions à en faire profiter une France qui doit se reconnaître comme multiculturelle, ce serait, pour elle, une richesse supplémentaire et inestimable.

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