Intervention de Alain Zabulon

Réunion du 18 juin 2013 à 8h45
Commission d'enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l'action du gouvernement et des services de l'État, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du gouvernement

Alain Zabulon, directeur de cabinet adjoint du Président de la République :

À votre dernière question, la réponse est oui. J'ai eu le sentiment qu'il pouvait y avoir, je l'ai dit, une forme d'instrumentalisation – je n'ai pas parlé de piège, ne souhaitant pas être désobligeant à l'égard de Michel Gonelle. Ma conviction que ce coup de fil n'était pas seulement un coup de fil à une « vieille connaissance » a été renforcée par ce qu'il vous a déclaré ici même : « L'enquêteur de Mediapart et son patron ont demandé à me rencontrer, et nous nous sommes vus le vendredi 14 décembre à Paris, dans mon hôtel. Ils souhaitaient que je me dévoile. Je leur ai répondu que je n'avais pas l'intention de le faire de la façon à laquelle ils pensaient, sans leur préciser mon intention de m'adresser au Président de la République. ». Je ne suis pas totalement naïf, quand bien même j'avais eu en son temps des relations tout à fait cordiales et constructives avec cet élu dans l'arrondissement de Villeneuve-sur-Lot.

S'agissant de la lettre, ce que j'ai compris des propos de Michel Gonelle est que son contenu ne faisait que formaliser par écrit ce qu'il m'avait expliqué oralement. Il ne m'a pas dit qu'elle contiendrait d'autres révélations. Il m'a seulement dit qu'il avait préparé ou allait préparer – sur ce point, je ne sais plus exactement – un courrier expliquant tout cela.

Pour ce qui est des relations entre Michel Gonelle et Jérôme Cahuzac, je vais vous dire ce que j'en ai connu et ce que j'en ai vu. Pendant la période où je suis sous-préfet de Villeneuve-sur-Lot, les deux hommes ont une relation que je qualifierais de courtoisie républicaine. Dans les inaugurations ou les manifestations publiques, ils se respectent. Comme vous le savez, selon le protocole, c'est toujours le sous-préfet qui s'exprime en dernier. Il arrive parfois que les deux élus qui prennent la parole avant lui « s'écharpent » : j'ai connu de telles situations. À Villeneuve-sur Lot à l'époque, ce n'est pas le cas. Je perçois bien néanmoins que se profile un rendez-vous pour les municipales de 2001, rendez-vous qui a d'ailleurs eu lieu. Ayant quitté le Lot-et-Garonne en février 2000 mais continuant à suivre de loin la vie politique du département, comme de tous les lieux où j'ai occupé un poste, j'ai vu que la campagne de 2001 avait sans doute quelque peu dégradé les relations entre les deux hommes. Mais je n'en sais rien, car je n'ai de contact ni avec l'un ni avec l'autre. Je me souviens avoir dit au préfet avant de quitter le département que ce rendez-vous des municipales risquait d'être un peu musclé.

Quelques jours avant le 15 décembre, j'avais lu dans la presse que Michel Gonelle disait ses relations avec Jérôme Cahuzac « apaisées », maintenant qu'il était retiré de la vie politique. Je cite, je ne sais pas s'il a dit quelque chose de tel, en tout cas c'est ce que met un journaliste dans sa bouche sur le mode ironique : « Il lui est reconnaissant d'avoir remporté la mairie en 2001. » Peut-être n'est-ce qu'une boutade.

Si les relations entre les deux hommes sont « apaisées » et si Michel Gonelle, comme il le dit, ne souhaite pas nuire à Jérôme Cahuzac, pourquoi a-t-il conservé cet enregistrement pendant sept ans et surtout, pourquoi l'a-t-il donné à Jean-Louis Bruguière ? Avec lequel il a d'ailleurs échangé quelques noms d'oiseau à la suite des révélations de Mediapart. C'est tout de même donner un CD à l'adversaire politique déclaré de Jérôme Cahuzac. Si on veut du bien à quelqu'un, on ne fait pas cela. C'est pourquoi lorsque je reçois son témoignage, pardon d'y insister, je suis plus que circonspect sur sa crédibilité. Je m'interroge et dis d'ailleurs au Président de la République : « Sur ce que j'ai entendu ce matin, prudence ! » C'est là qu'il me répond : « Courrier, CD, ce n'est pas à nous d'enquêter. Que Michel Gonelle saisisse la justice. » Le 15 décembre et les jours qui suivent, je m'interroge vraiment sur la crédibilité de ce témoignage, je vous le dis en toute honnêteté.

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