Intervention de Alexandre Gardette

Réunion du 4 juin 2013 à 8h45
Commission d'enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l'action du gouvernement et des services de l'État, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du gouvernement

Alexandre Gardette, chef du service du contrôle fiscal à la direction générale des finances publiques :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j'essaierai de vous apporter les éléments les plus précis possibles, en restant factuel, en remettant des documents au rapporteur et, comme j'ai suivi les auditions précédentes, en focalisant mon propos sur les questions qui m'apparaissent les plus prégnantes. Il va de soi que, si je ne faisais pas le tour du sujet, je serais à votre disposition pour répondre à vos questions.

Au préalable, je tiens à dire que je partage les propos tenus par le directeur général des finances publiques, M. Bruno Bézard, dans son exposé liminaire la semaine dernière – non parce qu'il est mon supérieur hiérarchique, mais parce que nous avons vécu ces événements ensemble, que nous avons travaillé avec professionnalisme et que les accusations d'incompétence ou de connivence nous sont insupportables. Je veux d'ailleurs saluer la dizaine de milliers d'agents plus particulièrement chargés de la mission de contrôle fiscal à la direction générale des finances publiques (DGFIP), qui essaient de faire correctement leur travail dans un pays où l'appétence pour l'impôt n'est pas la première qualité des habitants et où la passion pour la lutte contre la fraude est assez récente…

Même si je rends hommage au travail d'investigation de la presse en général et de Mediapart en particulier, deux déclarations de MM. Plenel et Arfi devant votre commission, il y a quinze jours, nous ont été particulièrement désagréables : « Dès lors qu'une enquête préliminaire est en cours, il ne peut pas y avoir de manoeuvres secrètes d'une autre administration sur les faits qui font l'objet d'une enquête de police », a dit M. Plenel ; et M. Arfi a ajouté : « Les questions posées à l'administration fiscale suisse sont objectivement de mauvaise foi ». Ces propos m'ennuient, car l'essentiel du travail de Mediapart était de très grande qualité, et MM. Plenel et Arfi n'avaient pas besoin d'attaquer l'administration fiscale pour démontrer qu'ils avaient raison sur le fond.

Mon propos liminaire comportera quatre points. Comme j'ai cru comprendre qu'à l'issue d'un débat interne, vous vous êtes autorisés à sortir du cadre chronologique strictement compris entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013 au nom de la nécessaire manifestation de la vérité et de votre volonté de comprendre comment nous en étions arrivés là, je me permettrai de consacrer les deux premiers points aux années 2001 et 2007.

M. Gonelle a déclaré, lors de son audition par votre commission d'enquête : « Le fisc savait depuis 2001 ». Reprenons la chronologie des faits. De quand date l'enregistrement ? On ne le sait pas exactement, mais dans son article du 4 décembre, Mediapart indique « la fin de l'année 2000 ». Durant son audition, M. Gonelle vous a expliqué que, pour le rendre public, trois voies s'offraient à lui : alerter les médias, se conformer à l'article 40 du code de procédure pénale et saisir le procureur de la République, ou signaler le fait au service compétent de l'administration fiscale. Il a dit qu'il avait choisi cette troisième voie mais il l'a fait d'une manière inhabituelle, car l'administration fiscale ne traite pas les informations qui lui parviennent de manière anonyme : cela fait des années que nous travaillons ainsi, et cela a été confirmé en 2010 par la circulaire dite « Baroin » que je remettrai à votre rapporteur.

M. Gonelle explique qu'il a fait appel à un « ami » qui travaillait à l'époque à la direction générale des impôts, que cet ami était lui-même entré en contact avec une connaissance, et que cette dernière personne s'était penchée sur le dossier fiscal des époux Cahuzac au début de l'année 2001. Je précise que la brigade d'intervention interrégionale (BII) de Bordeaux, qui relève de la direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF), était pleinement compétente pour faire venir ce dossier depuis le service gestionnaire – qui, en l'occurrence, se trouvait à Paris.

Pour reconstituer l'historique, j'ai demandé à deux directeurs successifs de la DNEF, M. Bernard Salvat, que vous auditionnerez cet après-midi, et M. Frédéric Iannucci, qui a pris ses fonctions au début du mois de mai, d'interroger les agents qui étaient en poste à l'époque ; en revanche, nous n'avons pas pu rencontrer l'inspecteur qui avait fait venir le dossier de Paris et qui a demandé à un collaborateur de l'étudier, M. Mangier, car il est décédé l'année dernière. Voici ce qu'il ressort de cette enquête.

D'abord, on peut être très précis sur les dates : M. Mangier, inspecteur des impôts à la BII de Bordeaux, qui était apparemment la personne actionnée par l'ami de M. Gonelle, a reçu le dossier fiscal de M. Cahuzac et de son épouse le 12 février 2001 – nous disposons du bordereau d'envoi du dossier.

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