Intervention de Jean-Louis Bruguière

Réunion du 24 juillet 2013 à 18h00
Commission d'enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l'action du gouvernement et des services de l'État, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du gouvernement

Jean-Louis Bruguière, magistrat honoraire :

Je ne suis pas concerné, mais j'ai été extrêmement surpris, voire choqué parce que j'ai appris à ce sujet. Au cours de mes activités, j'ai eu, depuis 1981, des relations avec tous les présidents de la République. D'une façon générale – et cela m'a parfois été reproché –, j'ai eu de nombreux contacts avec l'appareil d'État et l'exécutif, partant du principe que parler à quelqu'un ne signifie pas renoncer à son indépendance. Dans certaines affaires – l'affaire Habache, celles mettant en cause l'Iran, l'attentat contre le DC-10 d'UTA, qui impliquait la Libye –, il est de la responsabilité du juge de dialoguer avec l'exécutif afin que ce dernier puisse être informé de certaines de ses décisions autrement que par la revue de presse du matin. N'oublions pas qu'en France, la gestion des affaires mettant en cause la sécurité de l'État fait l'objet d'une gouvernance exemplaire, ce qui n'est pas partout le cas en Europe. J'ai donc trouvé normal d'avoir ce comportement à l'égard de tous les chefs de l'exécutif. En contrepartie, l'État m'a fourni l'ensemble des moyens matériels nécessaires pour accomplir ma mission. On a même mis, sur l'ordre personnel du Président de la République de l'époque, François Mitterrand, un navire de la marine nationale à ma disposition, ce qui m'a valu le sobriquet d'« amiral ».

Or, tous ces contacts n'ont jamais donné lieu à des fuites : d'un côté comme de l'autre, on a su conserver le secret. La confiance est en effet un élément essentiel de la bonne gouvernance, mais c'est également une exigence sur le plan personnel.

Pour en revenir à M. Gonelle, la remise de cet enregistrement et l'instrumentalisation qu'elle me paraît constituer, m'a convaincu que ma confiance avait été abusée. Or, il s'agit d'un domaine dans lequel je suis particulièrement intransigeant.

À aucun moment, en tout cas, je n'ai eu l'idée de faire fuiter des informations, ni même de me retrouver dans une position permettant à des fuites de survenir. On m'a confié, jusqu'en novembre 2012, des missions sur lesquelles j'estime ne pas avoir à m'étendre, pour des raisons de sécurité, dans le cadre d'une réunion publique. J'estime que lorsqu'il y a une fuite, c'est parce que l'on a fait en sorte qu'elle survienne. Je n'accuse personne, mais je note que des précautions n'ont pas été prises, car on peut fort bien empêcher les fuites, y compris au plus haut niveau de l'État. En l'occurrence, je me demande quel aurait pu être l'intérêt pour la présidence de la République de faciliter la divulgation d'une conversation privée.

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