Intervention de Alain Lamassoure

Séance en hémicycle du 15 octobre 2012 à 16h00
Débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances

Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen :

Mes petites mains ne tiennent pas à elles seules le budget, même s'il est minuscule !

Concernant le contenu des 120 milliards liés au pacte de croissance, je suis moins optimiste que Bernard Cazeneuve.

La partie renforcement du capital de la BEI est incontestable. Mais les 10 milliards de plus vont-ils générer effectivement 60 milliards de prêts ? Ce n'était pas le sentiment du président de la BEI lorsque nous avons commencé à négocier avec lui en début d'année. À l'époque, il craignait que la BEI, dont les garants sont les vingt-sept pays de l'UE – qui sont en quelque sorte ses actionnaires – ne perde son triple A, parce que, parmi ces vingt-sept actionnaires, il n'y en a plus beaucoup qui ont le triple A.

C'est la raison pour laquelle les prêts ont baissé l'année dernière. Pour rétablir sa capacité de prêt à son niveau antérieur, la BEI avait besoin d'une augmentation de capital. À l'époque, le président m'avait dit : « Avec ces 10 milliards, j'espère pouvoir recommencer à prêter autant qu'avant, mais le taux de levier ne sera sûrement pas de 6 %. Je serais heureux s'il est de 3 %. » Ces propos ont été tenus en début d'année. Ses analyses ont peut-être changé depuis. Quoi qu'il en soit, je tenais à porter ces informations à votre connaissance.

Sur les 55 milliards de fonds structurels, j'ai posé la question officiellement, et par écrit, au président de la Commission, qui m'a répondu que ces crédits étaient déjà prévus soit dans le budget 2012, soit dans le projet 2013, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un euro de plus. Je rêverais, naturellement, qu'il y ait des euros de plus. Mais pour l'instant, il n'y a pas un euro de plus.

S'agissant des questions relatives au budget du Parlement européen, ni le président ni le rapporteur général de la commission des finances ne sont plus là, malheureusement, mais je compte sur les membres de la commission présents pour leur transmettre ma réponse.

La contribution de la France augmentera effectivement d'environ 500 millions d'euros l'année prochaine. À quoi servira ce budget ? Vous pouvez prendre connaissance du projet de budget, et vous pourrez surtout consulter celui que le Conseil des ministres et le Parlement européen décideront d'ici la fin de l'année. D'ores et déjà, je peux indiquer à M. Gilles Carrez que pas un seul euro n'est destiné à la défense.

Une remarque, au passage. Le traité de Lisbonne a donné à l'Union européenne un certain nombre de compétences nouvelles, ou renforcé certaines de ses compétences existantes, notamment en matière de politique étrangère, de sécurité et de défense, de politique énergétique, de politique d'immigration et de politique spatiale. Le traité s'applique depuis décembre 2009. Dans aucun des budgets européens de 2010 à 2012, ni dans le projet de budget 2013, un seul euro supplémentaire n'est consacré à ces politiques nouvelles. Il y a un problème, alors que s'ouvre la négociation sur le cadre budgétaire 2014-2020. Le montant, le financement et la structure du budget européen en 2020 resteront-ils ceux du budget conçu pour les besoins des années 1990 ? Voilà le grand débat qui est devant nous.

Nous sommes demandeurs d'un échange avec l'Assemblée nationale sur deux aspects : les ressources et les paiements. Le président de la commission des finances se plaint de l'augmentation de la contribution de la France. Je ne propose pas de la geler ou de la réduire, mais de la supprimer purement et simplement, en revenant à la lettre et à l'esprit du traité, selon lequel les dépenses européennes sont financées entièrement par des ressources européennes. Le budget européen a fonctionné selon ce principe pendant trente ans ; ce n'est plus le cas depuis une quinzaine d'années, pour des raisons sur lesquelles je ne reviens pas. Nous sommes aujourd'hui dans la situation contraire : le budget européen est presque entièrement et exclusivement financé par des contributions des budgets nationaux. Ces derniers n'en ont plus les moyens : il faut donc couper le cordon ombilical et recommencer – graduellement, bien entendu – à financer le budget européen par des ressources propres. Je me réjouis que ce soit la position de l'actuel Gouvernement français, comme d'ailleurs du gouvernement précédent. J'espère que le Parlement européen, le Gouvernement français et d'autres de nos partenaires, notamment ceux qui ont accepté de mettre en oeuvre une coopération renforcée pour créer la taxe sur les transactions financières, iront dans ce sens. Mais il serait bon que l'Assemblée nationale débatte et ait un point de vue sur ce sujet.

S'agissant des dépenses du budget européen, la principale priorité française – la seule, j'ose le dire –, depuis quinze ans, a été la préservation du budget de la politique agricole commune. Cela doit-il rester la seule priorité française jusqu'en 2020 ?

La présidente Auroi m'a posé une question relative au calcul des 3 % : ne pourrait-on pas interpréter ce taux différemment ? Je lance une idée dans le débat. Tant que nous ne serons pas revenus à un système dans lequel le budget européen est financé par des ressources propres, le financement du budget européen pèsera sur les budgets nationaux. Il est tout de même difficile que Bruxelles – c'est-à-dire la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil européen – reproche à un pays d'avoir un déficit supérieur à 3 % de son PIB alors que, dans ces 3 %, 1 % est causé par la contribution au financement du budget européen, donc à la solidarité européenne. On pourrait peut-être exclure provisoirement la solidarité européenne du calcul des 3 %. Je lance cette idée à titre de solution provisoire.

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