Intervention de Frédéric Lapeyrie

Réunion du 1er octobre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Frédéric Lapeyrie, directeur général d'Agreenium :

Le consortium Agreenium, consortium français pour la recherche et l'enseignement en agro-sciences, réunit, à la manière d'une Université, dans un même établissement public (EPCS), les principaux acteurs nationaux qui opèrent dans le domaine de la recherche agronomique, c'est-à-dire, d'une part, les grands établissements de recherche (INRA, CIRAD) et, d'autre part, les établissements d'enseignement supérieur agronomique (AgroCampus Ouest, AgroParis Tech, Montpellier SupAgro, INP Toulouse, AgroSUP Dijon, Bordeaux Sciences Agro). Les actions conduites par Agreenium ont vocation à répondre collectivement aux défis mondiaux liés à la sécurité alimentaire et à l'agriculture durable, à augmenter la capacité d'innovation et de transfert des connaissances, et à manifester l'ambition du dispositif français vis-à-vis de la communauté internationale.

À la suite de la petite pique adressée à Mme Marion Guillou en propos liminaires, je tiens à préciser tout de suite qu'Agreenium n'a pas aujourd'hui d'activité spécifique outre-mer – ce qui ne veut pas dire que ce ne sera pas le cas demain. En revanche, les territoires ultramarins font partie, comme l'ensemble du territoire national, du champ d'application des projets développés par Agreenium. C'est ainsi que je vais décrire ici quatre actions emblématiques d'Agreenium qui ont un lien direct avec les collectivités territoriales d'outre-mer.

Tout d'abord, Agreenium a l'ambition d'accompagner la mobilité internationale de jeunes scientifiques, en vue de promouvoir des formations d'excellence, avec le programme AgreenSkills.

AgreenSkills est un programme de mobilité internationale de jeunes chercheurs – que la mobilité s'exerce depuis la France ou en direction de celle-ci – et reposant sur des bourses, d'une durée de 6 à 24 mois pour les bourses sortantes, et de 12 à 24 mois pour les bourses entrantes. Le programme soutient des projets de recherche et des parcours personnalisés de développement de carrière. Il s'adresse aux jeunes chercheurs les plus brillants de toutes les disciplines, titulaires d'un doctorat, avec moins de dix ans d'expérience depuis l'obtention de leur Master, sans distinction de nationalité et d'origine, dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation, de la nutrition, de la santé animale, de la santé publique vétérinaire et de l'environnement.

Un ensemble de 142 offres, avec des conditions attractives d'accueil et de recrutement, est proposé sur quatre ans (2012-2016). Coordonné par l'INRA et Agreeenium, le programme AgreenSkills est cofinancé par la Commission européenne. Les bourses sont décernées par un jury international et attribuées à des projets qui associent l'excellence du candidat, celle du projet de recherche et celle de l'équipe d'accueil.

Dans ce cadre, un jeune chercheur espagnol du CSIC (Consejo superior de investigaciones cientificas) a été sélectionné pour rejoindre, pendant deux ans, le laboratoire INRA-CIRAD « Peuplements végétaux et bio-agresseurs en milieu tropical » de Saint-Pierre de La Réunion.

En second lieu, le consortium souhaite assurer des formations doctorales de très haute qualité avec l'EIR-Agreeenium.

L'École internationale de recherche d'Agreenium (EIR-A) propose un parcours doctoral d'excellence validé par le label Agreenium. Ce parcours vient en complément de la formation doctorale dispensée par l'établissement d'inscription du doctorant. L'EIR-A a pour ambition d'accroître l'employabilité des doctorants par une ouverture à l'international – en étant à l'écoute des grandes questions de société et de celles qui se posent à l'ensemble du monde socioéconomique – et par une sensibilisation aux grands enjeux globaux du champ des agro-sciences.

L'EIR-A cherche à développer les capacités d'innovation des doctorants et des jeunes chercheurs au contact des fronts de sciences. Sur la base de partenariat avec les écoles doctorales, l'EIR-A propose un parcours professionnalisant qui s'appuie sur des référentiels européens en considérant le doctorant comme un jeune professionnel.

Le parcours EIR-A, élaboré en concertation avec les écoles doctorales (ED) partenaires des membres d'Agreenium, repose sur quatre piliers : un séminaire annuel, animé par une quinzaine d'experts internationaux venant du monde de la recherche ou de la sphère socioéconomique ; une mobilité à l'étranger de trois mois minimum ; un accompagnement personnalisé axé sur l'approfondissement des compétences du doctorant dans une optique d'employabilité ; et enfin, une offre de formation. Cette dernière peut être dispensée à la fois par des établissements de recherche spécifiques (modules « fronts de science »), par l'EIR-A (modules transversaux) et par les écoles doctorales partenaires.

L'EIR-A a recruté sa seconde promotion et intègre, à la rentrée 2013, deux étudiants de l'Université de La Réunion, issus de l'école doctorale « Sciences, technologies et santé ».

En troisième lieu, Agreenium cherche à valoriser des dispositifs de recherche exceptionnels. Je citerai l'exemple de l'ECOFOG en Guyane.

L'UMR (Unité mixte de recherche) « Écologie des forêts de Guyane » (ECOFOG) regroupe des moyens issus d'AgroParis Tech, de l'INRA, du CIRAD (trois membres d'Agreenium), du CNRS et de l'Université des Antilles et de la Guyane.

L'Unité fait partie du Centre d'études de la biodiversité amazonienne (CEBA), labellisé « Laboratoire d'excellence » (Labex) en 2011, dans le cadre des appels à projets lancés par l'Agence nationale de la recherche (ANR) au sein du programme « Investissements d'avenir ».

Le Labex CEBA fédère un réseau de onze équipes de recherche françaises étudiant la biodiversité en Amazonie sous différents aspects : bio-découverte, écologie, génétique, modélisation, santé, sciences humaines. Il favorise une recherche de pointe sur la biodiversité en Guyane et permet aux équipes partenaires de mener des projets conjoints grâce à un financement sur le long terme.

Les équipes du CEBA, situées en Guyane, en métropole et aux Antilles, mobilisent une centaine de personnels permanents. Les onze laboratoires partenaires sont rattachés à neuf établissements de recherche. Six d'entre eux se trouvent dans des départements d'outre-mer : AMAP (BotAnique et bioinforMatique de l'Architecture des Plantes) à Cayenne et à Montpellier ; CNRS-Guyane à Cayenne ; CRPLC (Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe) en Martinique, Guadeloupe et Guyane ; ECOFOG (Écologie des forêts de Guyane) à Kourou et à Cayenne ; EPAT (Épidémiologie des parasitoses tropicales) à Cayenne ; et enfin IPG (Institut Pasteur de la Guyane) à Cayenne. Ainsi, les collectivités d'outre-mer sont-elles très présentes dans un projet ambitieux et qui a été reconnu à l'échelle nationale.

Enfin, Agreenium s'efforce de mobiliser des acteurs pertinents autour d'un projet international d'aide au développement concernant la République d'Haïti.

Il convient de rappeler qu'Agreenium a pour charge de valoriser l'expérience et l'expertise de ses membres en répondant à trois types de demandes : les demandes d'appui à des partenaires qui souhaitent renforcer, évaluer ou réformer leur système de recherche ou de formation en agro-sciences ; les demandes de mobilisation d'expertise de plusieurs membres en vue de coordonner de grands projets ou de participer à de grands programmes internationaux ; et les demandes adressées aux membres d'expertises spécifiques.

C'est au titre de ces trois missions qu'Agreenium conduit une action de solidarité pour la reconstruction du système haïtien de recherche et de formation agricoles au lendemain du séisme du 12 janvier 2010.

Les quatre volets de ce plan d'action à Haïti consistent à appuyer les projets régionaux en cours ; à apporter un soutien au dispositif de formation supérieure agronomique ; à améliorer le dispositif de recherche et d'innovation et à contribuer à la refondation du dispositif de recherche et de formation agronomiques, en participant aux réflexions sur l'organisation d'assises nationales de la recherche dans le secteur agricole.

Agreenium a été invité à faire une offre en « entente directe » avec le MARNDR de la République d'Haïti (ministère de l'agriculture, des ressources naturelles et du développement rural), afin d'apporter un « appui méthodologique à la recherche agricole appliquée ». La proposition d'Agreenium, qui sera financée par la BID (Banque interaméricaine de développement), a été acceptée et le projet devrait démarrer en 2013.

Dans tous ses projets le consortium Agreenium mobilise l'expertise de ses membres, y compris outre-mer. Dans le cas du dernier projet retenu par la BID, au moins six experts issus des territoires ultramarins sont impliqués en tant que leaders :

- Productions végétales et grandes cultures : trois experts leaders d'équipe projet en provenance de trois sites : CIRAD, La Réunion ; INRA, Petit-Bourg, Guadeloupe ; INRA, Baie-Mahaut, Guadeloupe.

- Productions horticoles : un expert leader d'équipe projet, INRA, Petit-Bourg, Guadeloupe.

- Productions animales : deux experts leaders d'équipe projet, INRA, Morne-à-l'eau, Guadeloupe.

Avec ces quatre exemples, j'ai donc tenté de montrer comment des synergies entre des acteurs français – y compris des acteurs issus des collectivités d'outre-mer – pouvaient favoriser l'émergence de projets de recherche et de formation répondant, tant dans l'hexagone qu'au niveau international, à une double exigence : l'excellence et la pertinence. C'est probablement sous cet angle qu'un certain nombre de stratégies futures pourraient être envisagées.

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