Intervention de Michel Piron

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Étant partisan d’une certaine constance dans la majorité comme dans l’opposition, je ne surprendrai pas ceux de nos collègues qui suivent nos débats sur le logement depuis plusieurs années en évoquant le PLU intercommunal, sujet parfois passionnel mais transpartisan, et qui anime nos discussions depuis fort longtemps.

Je me réjouis qu’il ait enfin trouvé sa place dans ce projet de loi et qu’il ait survécu à l’examen de la commission des affaires économiques, malgré les réflexes épidermiques que sa seule évocation provoquait naguère chez certains, et non des moindres.

Alors que 60 % des 36 500 communes françaises comptent moins de 500 habitants et 27 000 moins de 1 000 habitants, un tel outil mutualisant l’ingénierie me paraît pour le moins indispensable. Son instauration demain constituerait une avancée considérable, ne serait-ce que pour restaurer le lien entre logement, services, zones d’activité et déplacements, mais aussi pour améliorer l’offre foncière et favoriser la mixité sociale et fonctionnelle.

Si je peux comprendre qu’une telle révolution nécessite du temps et du dialogue entre les maires et l’intercommunalité, je m’interroge sur la distinction opérée entre communautés d’agglomération et communautés de communes, qui disposeront d’un délai de trois ans à compter de la publication de la loi.

À tout le moins, je souhaite que cette période soit mise à profit pour faire monter en charge la collaboration entre les collectivités et les intercommunalités tout en évitant la constitution d’une « compétence à trous » qui serait paralysante pour l’ensemble de la dynamique intercommunale. Je vous proposerai donc plusieurs amendements en ce sens.

S’agissant de la mise en place d’une garantie universelle des loyers à l’horizon 2016, nous ne pouvons que souscrire à son principe puisque votre GUL n’est autre que la fille de la « garantie des risques locatifs » lancée en 2006 par Jean-Louis Borloo.

La généralisation de cette garantie se justifie, tant pour répondre à la détresse de nos concitoyens qui ne disposent pas du cautionnement nécessaire pour se loger, ce qui créé une inégalité devant l’accès au logement, que pour soutenir les propriétaires dont les vies se retrouvent parfois précarisées par un investissement locatif qui se transforme en cauchemar, faute de paiement du loyer par le locataire.

L’essentiel de nos propositions ne portera donc pas sur le bien-fondé de votre dispositif, mais sur son financement, la responsabilisation des acteurs et les modalités de sa mise en oeuvre.

En d’autres termes, nous devons répondre à la question suivante : comment mutualiser sans déresponsabiliser ?

Vous nous avez apporté quelques précisions sur ce point lors de nos travaux en commission, madame la ministre, et je salue le fait que le locataire et le propriétaire participeraient chacun pour moitié au financement de la garantie universelle des loyers. C’est une avancée importante en matière de responsabilisation.

Je considère cependant qu’il conviendrait en outre d’instituer un ticket modérateur, à l’image de ce qu’on fait les fondateurs de la sécurité sociale, en vue de maintenir une part de responsabilité, y compris pour celui qui rencontre des difficultés à un moment donné de sa vie.

Rien ne serait plus dangereux qu’une assurance à 100 %, qui pourrait inciter certains à ne plus payer leur loyer et d’autres à ne plus essayer de le recouvrer, ce qui irait à l’encontre des objectifs poursuivis par le dispositif et nécessite donc d’être précisé.

J’en viens maintenant à l’encadrement des loyers, et là, madame la ministre, je ne comprendrais pas que vous persévériez dans l’erreur. Nous admettons, au groupe UDI, la nécessité de réguler les augmentations brutales de loyers pour protéger les ménages modestes, tout particulièrement dans les zones tendues comme l’Île-de-France – des dispositions existent déjà. Mais, avec ce que vous annoncez, je crains que vous n’arriviez au résultat inverse de celui que vous recherchez. Certes, je ne conteste pas l’excellence de vos intentions, mais vous savez bien que l’enfer en est pavé !

Soyons plus précis : à la relocation ou au renouvellement du bail, les propriétaires des appartements loués à des tarifs supérieurs au seuil du loyer médian de référence majoré de 20 % devront consentir des baisses de loyer à leurs locataires, pour les ramener au niveau légal. Sauf que certains en bénéficieront plus que d’autres. Et, par définition, ce sont les locataires les plus aisés, ceux qui paient les loyers les plus chers, qui pourront bénéficier des baisses de loyer les plus importantes : peut-être moins 30 ou moins 35 % à Lyon, à Marseille et à Paris. Était-ce le but visé ?

Au contraire, les ménages les plus pauvres, qui ne peuvent supporter actuellement que des loyers inférieurs au marché, risquent de voir leur facture mensuelle augmenter à l’occasion du renouvellement du bail. Car le projet de loi ouvre bien ce droit au bailleur, même si, madame la ministre, vous avez pris la précaution de minorer le loyer médian de 30 %. Ainsi, partant d’une louable intention, l’encadrement des loyers pourrait avoir des conséquences sociales dangereuses à l’heure où notre pays traverse une grave crise du logement.

Quant à la possibilité, pour les collectivités territoriales et les EPCI, de créer des observatoires locaux des loyers à leur initiative, la disposition est intéressante, car elle permettrait de recueillir des données relatives aux loyers sur une zone géographique déterminée. À condition que les observatoires soient bien en mesure d’observer…

J’en viens au quatrième sujet qui, pour y avoir beaucoup travaillé, me tient particulièrement à coeur : celui de l’urbanisme commercial, qui a fait une réapparition surprise dans ce texte, au détour d’un amendement du président Brottes.

Si je me félicite que ce sujet soit à nouveau abordé ici, je tiens néanmoins à mettre en garde tous mes collègues sur l’extrême rigueur dont il convient de faire preuve dans la rédaction. La moindre brèche ouverte dans le dispositif peut avoir des conséquences désastreuses, comme ce fut le cas dans les premiers mois qui ont suivi le vote de la loi LME.

Quel est l’enjeu ? La difficile conciliation entre deux objectifs : l’aménagement du territoire, intégrant tous les aspects liés à la préservation de l’environnement et la liberté du commerce et du droit de la concurrence.

Pourtant, certains ministères continuent de croire en ce postulat : le droit de la concurrence interdirait toute régulation des installations commerciales.

L’arbitrage entre ces deux principes a donné lieu en Europe à des contentieux très lourds, jugés à plusieurs reprises par la Cour de justice européenne, notamment à propos de l’Espagne. Or la Cour de justice a parfois renvoyé dos à dos les parties, en reconnaissant une régulation conduite au nom de l’aménagement du territoire.

Nombre de nos voisins sont parvenus à établir cet équilibre – je pense notamment à l’Allemagne. Je vous proposerai donc un amendement qui reprend l’essentiel de la version, adoptée naguère par le Sénat, de la proposition de loi relative à l’urbanisme commercial que j’avais portée moi-même à l’Assemblée avec Patrick Ollier, sous la précédente législature. J’avais alors, avec l’ancien sénateur Dominique Braye, obtenu de Bruxelles des assurances quant à l’eurocompatibilité de ce texte.

J’ai vu que le Gouvernement avait également déposé un amendement sur cette partie du projet de loi. Nous aurons donc l’occasion d’y revenir dans le détail. Je forme le voeu que nous puissions nous retrouver sur un dispositif juridiquement solide, à même de conditionner les implantations commerciales au respect des exigences liées à l’aménagement du territoire.

Je ne m’étendrai pas longuement sur l’ensemble des autres dispositions du texte, d’importance très inégale, qui, souvent, ne posent pas de problèmes de fond. Mais, le diable se cachant toujours dans les détails, nous serons attentifs à ce que les mesures proposées ne viennent pas tétaniser davantage un marché qui a surtout besoin de souplesse.

Issu d’une famille politique qui a toujours fait primer le consensus sur la norme, je regrette simplement que nombre de dispositions du projet de loi accentuent les déséquilibres au profit du locataire. Si certaines pratiques abusives nécessitent que l’on y mette un terme, je déplore que le texte préjuge trop souvent de la culpabilité des propriétaires et des professionnels de l’immobilier. Nous avons besoin de ces derniers et de leur investissement. De ce point de vue, j’espère que nos discussions permettront de rééquilibrer le texte.

Je me félicite par ailleurs des dispositions visant à prévenir l’endettement et la dégradation des copropriétés – dispositions qui reprennent en grande partie le rapport Braye – ainsi que du renforcement de la lutte contre l’habitat indigne. La lutte contre les marchands de sommeil demeure une absolue nécessité. Dans ce domaine, nous avons, avec Jean-Christophe Lagarde, déposé quelques amendements qui vont dans ce sens.

Nous sommes également favorables aux dispositions visant à la densification.

Enfin, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir accepté, suite à mes amendements, l’abrogation de dispositions qui ne dataient que de 1783…

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