Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 10 octobre 2013 à 21h30
Garantir l'avenir et la justice du système de retraites — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Si, au premier abord, cet article 6, qui vise à instaurer un compte pénibilité permettant aux salariés de partir plus tôt en retraite, peut séduire, il est à craindre qu’il ne nous mène en fait au-devant de grandes difficultés. La première consiste à définir ce qu’est une tâche pénible. Le législateur liste dix facteurs : manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux, activités exercées en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif, mais à partir de quel seuil un salarié pourra-t-il obtenir un point ?

Du côté des entreprises, recenser les tâches pénibles effectuées par chaque salarié est un véritable casse-tête. Des fiches d’exposition, recensant les risques auxquels est exposé chaque salarié, existent déjà, mais la création du compte suppose que toutes les entreprises, de toutes tailles, pour tous les salariés exposés, les tiennent parfaitement à jour. Or, en l’état actuel, elles ne sont remplies que par un peu plus d’une TPE sur deux. De mon point de vue, ce dispositif sera donc ingérable, en particulier pour les PME et les PMI.

Le compte pénibilité pourrait même être contreproductif, en incitant un salarié à rester dans un métier pénible pour accumuler un maximum de points et partir à la retraite plus tôt au lieu de changer de poste. Un salarié au compte bien rempli pourrait même rencontrer des difficultés à trouver un travail si sa fiche n’est pas confidentielle. Comme je l’ai dit en commission, les seniors risquent de ne pas y trouver leur compte quand ils auront besoin de retrouver un emploi.

À l’ensemble de ces problèmes s’ajoute la question du coût du dispositif. Selon le Gouvernement et le rapport Moreau sur les retraites, 20 % à 25 % des salariés pourraient en profiter à terme. La facture, réglée par les entreprises, pourrait atteindre 2,5 milliards d’euros par an en 2040. Alors que les entrepreneurs réclament plus de simplifications administratives, ce dispositif ajoutera encore à la complexité existante et augmentera le coût du travail.

Enfin, comme l’ont fait M. Chassaigne et Mme Le Houerou avant moi, je m’interroge sur la situation des fonctionnaires non titulaires.

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