Intervention de Valérie Rabault

Réunion du 17 octobre 2012 à 9h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault, Rapporteure pour avis :

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinons aujourd'hui se fixe un double objectif : redresser nos comptes publics et respecter la justice sociale. Comme pour le projet de loi de finances, l'effort est réparti équitablement en prenant en considération les capacités contributrices de chacun, avec une attention particulière pour les moins favorisés. Sans correction, le déficit pour 2013 aurait atteint 22,3 milliards d'euros, en incluant le fonds de solidarité vieillesse – FSV –. Grâce aux mesures proposées, il sera ramené à 16 milliards d'euros environ. L'amélioration globale est de 5,5 milliards d'euros pour le régime général, soit 2,2 milliards de plus que l'année dernière. L'effort se répartit en 3,4 milliards d'euros de recettes nouvelles et en 2,1 milliards d'euros de moindre dépense.

En 2012, le déficit du régime général devrait s'élever à 13,1 milliards d'euros, soit 4,3 milliards de mieux qu'en 2011. Pour le fonds de solidarité vieillesse, il n'a été possible que de limiter la dégradation du solde, qui baisse de 600 millions pour atteindre 4 milliards d'euros.

Ne nous y trompons pas, ces résultats positifs n'ont été atteints que grâce aux dispositions prises cet été, avec notamment la seconde loi de finances rectificative. Pour mémoire, nous avons par exemple élargi l'assiette du forfait social, ce qui a permis d'augmenter les recettes du régime général et du fonds de solidarité vieillesse de 550 millions d'euros.

Sans contrôle, les dépenses d'assurance maladie progresseraient de 4,1 % en 2013, soit une hausse prévisible du déficit de 3,2 milliards d'euros. Le Gouvernement a choisi de contenir cette évolution à un niveau supportable pour les finances sociales en ramenant la hausse à 2,7 %, conformément à la trajectoire de la loi de programmation. L'année 2013 marquera ainsi la première étape d'un retour progressif à l'équilibre de l'ensemble de nos finances publiques. Aurions-nous pu aller plus vite ? Je ne le crois pas, car cela aurait demandé des efforts insupportables à nos concitoyens. Nous devons raisonnablement et progressivement résorber ce déficit, et la dette laissée par nos prédécesseurs – dette qui atteint tout de même 209 milliards d'euros.

L'enjeu dépasse les seules dépenses sociales ; il s'agit de l'équilibre global de nos finances publiques. À ce titre, nous devons saluer l'effort de clarification opéré par l'article 38 du projet de loi de finances et l'article 3 du PLFSS : désormais seule la TVA sera partagée entre l'État et la sécurité sociale. C'est une grande nouveauté, car c'est la fin de la myriade de taxes partiellement affectées qui rendait le dispositif illisible. L'opération sera financièrement neutre pour la sphère étatique et pour la sphère sociale. Cette mesure qui pourrait apparaître purement technique marque la volonté d'efficacité et de cohérence de l'ensemble du dispositif.

Cet effort de transparence est d'autant plus important que nos organismes de sécurité sociale se financent aujourd'hui sur les marchés et doivent donc faire la preuve de leur solidité financière : aujourd'hui, la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES – comme l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS – n'ont aucune difficulté à lever des fonds de court, moyen ou long terme ; elles bénéficient même de taux similaires à ceux de l'Agence France Trésor. Les efforts réalisés permettront de préserver ces bonnes conditions d'accès au marché.

La gestion des finances sociales relevant d'une pluralité d'organismes, il est parfois difficile d'établir une stratégie d'ensemble et d'optimiser les ressources. Le PLFSS améliore néanmoins ce point de façon significative en recentralisant les fonds de la sécurité sociale agricole : la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole – CCMSA – pourra ainsi tirer parti d'effets de masse. De même, le texte assure le financement du régime spécifique des mines en autorisant l'ACOSS à lui accorder des avances de trésorerie.

Ce PLFSS propose également de modifier la structure des prélèvements sociaux. Trois grands principes organisent le texte : l'équité, la solidarité entre les générations et la santé publique.

Le texte procède tout d'abord à la modernisation des régimes des travailleurs indépendants et des élus locaux.

Il met ainsi fin à un système dérogatoire en vertu duquel les cotisations des travailleurs indépendants étaient dégressives en fonction du revenu, ce qui paraît tout à fait injuste. En outre, aucune cotisation n'était due sur les revenus dépassant 181 860 euros, et les indépendants pouvaient déduire deux fois leurs frais professionnels, ce qui réduisait l'assiette des cotisations. Le nouveau régime soumet tous les revenus à un même taux de 6,5 % et supprime la double déduction des frais professionnels. Il aligne enfin le régime applicable aux indépendants travaillant au sein de sociétés d'exercice libéral. Il s'agit là d'une mesure de justice. En pratique, 486 000 indépendants verront leurs cotisations baisser de 167 euros en moyenne. La hausse sera de 790 euros par an pour 667 000 indépendants et de 10 700 euros pour les 33 000 indépendants gagnant plus de 181 860 euros par an.

Le PLFSS améliore également les droits sociaux des employés à domicile. Les particuliers employeurs cotiseront désormais sur le salaire réel et non plus sur une base forfaitaire. C'est un progrès pour ces salariés, qui n'avaient souvent pas le choix de l'assiette des cotisations et renonçaient à des gains futurs dans l'espoir d'une amélioration immédiate de leur paye. Il ne faudrait cependant pas que cette hausse des cotisations entraîne un retour au travail non déclaré : je vous proposerai donc, en lien avec notre rapporteur général, un amendement visant à rétablir un abattement de huit points sur les cotisations patronales. Cette exonération sera financée en PLF par une majoration de la part de TVA affectée à la sécurité sociale. La perte pour l'État sera compensée par une baisse du plafond du crédit d'impôt et la réduction de diverses niches.

En matière de santé publique, le PLFSS procède à une augmentation des droits à consommation sur les tabacs et des taxes sur les bières. Je rappelle que l'alcool et le tabac demeurent les deux premières causes de mortalité évitable en France. La fiscalité « comportementale » permet de rendre plus difficile l'accès à ces produits.

Le projet de loi s'inscrit également dans une perspective de plus long terme en ouvrant concrètement le débat sur le financement de la dépendance. Il est regrettable que les effets d'annonce de la précédente majorité en la matière n'aient jamais été suivis d'effet ; à l'inverse, notre majorité prend ses responsabilités. Anticipant le débat national annoncé par le Président de la République, le PLFSS crée une taxe de 0,15 % sur les retraites afin d'abonder à terme la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Je précise que les retraités les plus modestes, ceux qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu, ne seront pas soumis à cette taxe : celle-ci ne concernera que 10 millions de retraités sur les 16 millions de retraités de notre pays.

L'effort est donc équitablement réparti ; ce PLFSS rééquilibre la structure des prélèvements en améliorant leur caractère redistributif.

J'en arrive maintenant aux dépenses. Rendons à César ce qui est à César : l'ONDAM a été respecté en 2010 et 2011. Il convient de s'en réjouir.

Sans mesures nouvelles, les dépenses augmenteraient de 4,1 % en 2013. Le Gouvernement a choisi de fixer l'objectif d'augmentation des dépenses prises en charge par l'assurance maladie à 2,7 %, soit une progression de 4,7 milliards d'euros pour un montant total de dépenses de 175,4 milliards d'euros. C'est un ONDAM responsable : il se situe largement en deçà de l'évolution tendancielle, celle que l'on constaterait si l'on ne faisait rien. Pour l'atteindre, il faudra dégager des économies sur les dépenses – à hauteur de 2,4 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes – mais ces économies se feront de façon juste.

Le principe de solidarité nationale conduit toute l'action du Gouvernement : il faut maîtriser les dépenses de santé tout en permettant à chacun de se soigner aussi bien que possible.

Les efforts porteront ainsi sur les soins de ville pour environ 1,75 milliard d'euros, et sur l'hôpital pour 0,65 milliard d'euros. Des économies sur les produits de santé seront réalisées, en négociant des baisses de prix sur certains médicaments et produits de santé, pour 1 milliard d'euros au total, contre environ 700 millions en 2012. Certains tarifs de spécialités médicales baisseront, et l'efficacité des dépenses de transport sera améliorée – la Cour des comptes a appelé notre attention sur ce dernier point. Des efforts de renforcement de l'efficience interne des établissements de santé, avec notamment une politique de rationalisation des achats, seront faits, et la lutte contre la fraude sera renforcée.

Ces mesures permettront d'améliorer la performance de l'ensemble du système de santé, tout en maintenant un niveau de soin et de prise en charge optimal de nos concitoyens. Dans cette perspective, je retiendrai notamment la prise en charge à 100 % des frais liés à l'interruption volontaire de grossesse – IVG – l'expérimentation d'un nouveau dispositif de « praticien territorial de médecine générale » afin de lutter contre les déserts médicaux – l'une des priorités de ce Gouvernement –, l'extension de la couverture sociale des non-salariés agricoles, qui permettra à ceux d'entre eux qui interrompent leur activité pour cause de maladie ou d'accident de la vie privée de bénéficier d'indemnités journalières.

Par ailleurs, il sera mis un terme au processus de convergence tarifaire entre les établissements publics et privés de santé, qui mettait sous tension l'hôpital public de façon tout à fait inutile, en ignorant les contraintes spécifiques qui pèsent sur lui : il ne faut pas oublier que l'hôpital public doit être un service public et non une entreprise marchande.

La progression de 4 % de l'ONDAM médico-social témoigne de son caractère prioritaire : il est nécessaire d'apporter un soutien fort à tous nos concitoyens, et en particulier aux plus fragiles. Au total, le solde de la branche maladie s'améliorera de 400 millions d'euros, son déficit s'établissant à 5,1 milliards d'euros.

Si les évolutions majeures de la branche vieillesse feront l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux au cours de l'année 2013, le présent PLFSS comporte d'ores et déjà un certain nombre de mesures correctrices visant à renforcer l'équité entre assurés sociaux.

Est ainsi prévue une amélioration des droits à la retraite pour les non-salariés agricoles contraints de cesser leur activité pour cause d'invalidité. De même, les règles applicables en matière de pensions de réversion sont réformées pour les professions médicales ou les ayants droit relevant du régime des marins.

Il convient également de rappeler et de saluer l'entrée en vigueur concrète du dispositif consacré par le décret du 2 juillet 2012, qui permettra à quelque 64 000 de nos concitoyens de partir en retraite de manière anticipée en 2013. C'était l'un des engagements du Président de la République. Au total, l'augmentation des effectifs de retraités sera contenue – elle sera de 1,9 %, soit moins qu'en 2012. En 2013, le déficit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse – CNAV – atteindra 4 milliards d'euros, soit une amélioration de 1,2 milliard d'euros par rapport à 2012.

La branche accidents du travail-maladies professionnelles – AT-MP – renouera avec l'excédent en 2013, à hauteur de 300 millions d'euros environ, ce qui constitue un motif de satisfaction. En ce domaine, le PLFSS 2013 propose plusieurs mesures de justice et d'équité, permettant notamment d'améliorer la situation des publics les plus fragiles : ainsi, les besoins d'assistance des salariés victimes d'un sinistre professionnel seront dorénavant mieux pris en compte dans le calcul d'une nouvelle « prestation complémentaire pour recours à tierce personne ».

Quant à la branche famille, le déficit du régime général sera contenu en 2013 à un niveau équivalent à celui de l'année antérieure – 2,6 milliards d'euros contre 2,5 milliards d'euros en 2012. Là encore, le texte comporte des mesures à destination des assurés les plus modestes : ainsi, le PLFSS facilite l'accès à la garde d'enfants pour les familles disposant de faibles revenus, en expérimentant un système de tiers payant assuré par les organismes payeurs de prestations familiales.

En conclusion, ce PLFSS témoigne du volontarisme du Gouvernement et de sa majorité : responsable, il limite la croissance des dépenses, en demandant à nos concitoyens des efforts qui demeurent supportables ; juste, il permet de maintenir un haut niveau de prise en charge et améliore la situation des assurés sociaux les plus fragiles.

C'est pourquoi je vous propose que notre commission lui donne un avis favorable, sous réserve des quelques amendements techniques que je vous présenterai.

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