Intervention de Manuel Valls

Réunion du 31 octobre 2013 à 9h00
Commission élargie : sécurités, contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

Vous avez été plusieurs à exprimer votre préoccupation à l'égard des gels et surgels qui ont affecté les budgets, non seulement pour les forces de l'ordre, mais pour tous les services de l'État. La police et la gendarmerie se trouvent néanmoins dans une situation particulière. Comme l'éducation nationale ou la justice, elles font partie des services qui mettent en oeuvre les priorités du Président de la République et du Gouvernement, en l'occurrence celle touchant à la sécurité de nos concitoyens. Cette priorité s'est d'abord traduite cette année par des recrutements : 480 postes de policiers et de gendarmes en 2013, 405 l'an prochain, dont deux tiers de titulaires ; par contraste, au cours du quinquennat précédent, 13 700 emplois ont été supprimés. Même si les effectifs ne font pas tout, les élus de terrain, les citoyens et surtout les forces de l'ordre elles-mêmes et leurs directeurs généraux – le DGPN, Claude Baland, et le DGGN, le général Denis Favier, qui nous font aujourd'hui l'honneur de leur présence – constatent leur manque.

Malgré l'arrêt de l'hémorragie, les 2 500 postes de policiers et de gendarmes qui seront créés au cours de ce quinquennat ne remplaceront pas ceux qui ont été supprimés durant les dernières années ; il faudra donc s'habituer à travailler avec l'état de nos forces. Nous devrons apprendre à mieux organiser les personnels sur le terrain, envisager des partenariats toujours plus forts avec les polices municipales et intégrer dans nos réflexions la place croissante de la sécurité privée, désormais mieux encadrée par la législation. Ces adaptations s'avèrent nécessaires, car la population augmente, la délinquance – notamment les cambriolages – se propage sur le territoire, et la violence gangrène la société.

Les services de police et de gendarmerie sont également soumis à des sujétions de service public particulières : disponibilité et présence vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an, en projection sur la voie publique. Cette exigence de proximité répond à des attentes fortes de nos concitoyens, confrontés à l'augmentation des violences – violence à l'encontre de personnes depuis trois ou quatre décennies, explosion des cambriolages depuis cinq ans.

Le projet de budget pour 2014 préserve les capacités de fonctionnement et d'investissement des deux forces – signe de la priorité attachée à la sécurité des Français. Comme chaque année, la fin de gestion des budgets de l'État a fait l'objet de discussions serrées ; pourtant, je suis – comme tout un chacun – totalement solidaire de la volonté du Président de la République et du Premier ministre de redresser nos finances publiques. Le Premier ministre vient de décider de dégeler 111 millions d'euros de crédits de paiement pour la police et la gendarmerie, ainsi que 10 millions d'autorisations d'engagement pour répondre aux besoins les plus pressants en matière de logement des familles des gendarmes. Grâce à cette décision du Gouvernement – et je remercie particulièrement le Premier ministre et le ministre délégué chargé du budget –, pour la première fois depuis 2007, les crédits exécutés par la police et la gendarmerie nationales augmenteront de 2 % – soit 40 millions d'euros – par rapport à l'année précédente, alors que, entre 2007 et 2012, ils ont baissé de 18 %, plaçant les deux forces dans une situation extrêmement difficile. Cette décision – qui confirme à nouveau, en actes, la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité – donnera à toutes les brigades de gendarmerie et à tous les commissariats de police les moyens nécessaires à leur fonctionnement jusqu'à la fin de l'année ; les deux directeurs généraux devront y veiller. Alors que, comme le DGGN l'a rappelé il y a quelques jours, et comme je le constate dans mes déplacements sur le terrain, nos forces armées ont subi des restrictions importantes, ils disposeront désormais de suffisamment de carburant, de fluides, d'équipements de protection et de tenues. Tous ces éléments sont indispensables pour l'action, mais également pour le moral des forces de l'ordre – moral qui, malgré les difficultés, reste bon au sein des forces de l'ordre, et que je tiens à saluer.

Les forces mobiles bénéficieront également de tous les crédits nécessaires pour faire face à leur engagement exceptionnel sur le terrain depuis le début de l'année. Dans la répartition des postes nouvellement créés ou destinés à remplacer des départs en retraite, je veillerai à ce que leur place soit respectée.

Un effort sera fait pour le parc automobile de la gendarmerie. M. Boisserie, qui connaît parfaitement ce dossier, a souligné qu'aucun véhicule n'a été acquis en 2012. On ne pouvait pas continuer ainsi ; les choses vont donc changer, et le général Denis Favier a pour mission d'avancer le plus vite possible sur ce dossier, dans la métropole comme dans les outre-mer.

Les équipements informatiques de la gendarmerie seront financés, ainsi que les projets informatiques indispensables à la modernisation de la police nationale : développement de la capacité radio à Paris, projet de réseau radio numérique aux Antilles, déploiement du logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPM). Dès cette année, certains investissements nécessaires à la montée en puissance du renseignement intérieur, décidés par le Gouvernement, seront financés dans la perspective de la transformation de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), avec des moyens humains, techniques et financiers supplémentaires, pour que le renseignement puisse faire face aux défis du terrorisme et aux autres menaces qui pèsent sur notre pays.

La reconstruction de la police judiciaire de la préfecture de police (PJPP) sera poursuivie.

Nous lancerons des travaux urgents pour les logements de gendarmes les plus dégradés, avec un financement de 10 millions d'euros. J'ai tenu à réserver à la représentation nationale la primeur de cette annonce : le vote du budget est au coeur des attributions du Parlement, et il est légitime que vous ayez des assurances sur l'adéquation entre les crédits que vous votez et la réalité de la gestion qui en est faite. La mise en oeuvre de la loi de finances pour 2014 devra être menée avec beaucoup de précautions.

Madame Mazetier, monsieur Blazy, vous m'avez interrogé sur la poursuite de la rationalisation et de l'approfondissement de la mutualisation et de la coopération entre les deux forces, dans l'optique de nouvelles économies – qui restent nécessaires. Beaucoup a déjà été fait depuis dix-huit mois, mais également par le passé. Comme en témoigne le rapport de la Cour des comptes de fin 2011, l'essentiel des achats de la police et de la gendarmerie sont aujourd'hui communs aux deux forces et portés par des marchés uniques. Plusieurs avancées substantielles sont néanmoins en cours. D'abord, nous rassemblons dans une structure unique les services achat, la gestion des équipements et la logistique de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile. Cette structure, que j'avais annoncée l'an dernier, sera opérationnelle dès le 1er janvier 2014. Ensuite, nous rationalisons nos fonctions logistiques au niveau territorial, avec la transformation des secrétariats généraux pour l'administration de la police en secrétariats généraux à l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI), qui prendra effet au 1er mars 2014. Ces services auront en charge l'essentiel des fonctions de soutien – hors ressources humaines – de la police, de la gendarmerie et de l'administration territoriale.

Par ailleurs, nous avançons en matière de mutualisation dans le domaine de la police technique et scientifique : dans le département de la Creuse, la gendarmerie assure désormais l'ensemble des missions de premier niveau pour la police comme pour la gendarmerie ; trois autres départements seront concernés au début de 2014, et je souhaite que nous avancions plus vite et plus en profondeur sur ce dossier.

Nous travaillons également activement au rapprochement des flottes d'hélicoptères de la sécurité civile et de la gendarmerie nationale ; j'annoncerai bientôt des décisions dans ce domaine, sans pour autant mettre en cause l'identité de chacune des forces.

Vous m'avez également interrogé, madame Mazetier, sur les dispositions prises pour remédier à la dérive du taux de rémunération des heures supplémentaires dans la police entre juillet 2011 et juin 2012. En effet, la Cour des comptes a relevé dans un rapport récent que les modalités d'indemnisation n'auraient alors pas été conformes à la réglementation – pratique qui s'explique par une certaine ambiguïté dans les textes. Les dispositions que j'ai prises pour y remédier sont simples : là où mes prédécesseurs avaient recours à des heures supplémentaires pour compenser les effets désastreux des suppressions d'emplois dans la police, je préfère recruter des effectifs : 2 000 recrutements de gardiens de la paix en 2013, 2 500 en 2014, contre 500 en 2011 et en 2012.

Monsieur Boisserie, s'agissant de la prolongation du dispositif des BEA pour la police, la gendarmerie et les SDIS, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) de 2002 a ouvert la possibilité, pour les services de police, de gendarmerie et de justice, ainsi que pour les SDIS, de recourir à cette procédure pour leurs opérations immobilières. Malgré quelques dérives, ce dispositif qui permet un partenariat étroit entre l'État et les collectivités locales a fait la preuve de son utilité ; il a d'ailleurs été reconduit à plusieurs reprises entre 2008 et 2011.

La police nationale a eu recours à des BEA pour trois opérations livrées en 2011, à Sélestat, Mulhouse et Saint-Louis, pour un coût annuel global de 2,6 millions d'euros. Parallèlement à l'utilisation des dispositions du décret de 1993, la gendarmerie nationale a, par le passé, utilisé les BEA par le biais d'un montage sécurisé. En 2005, le nombre de mises en chantier s'élevait à trente ; ce chiffre tombe à deux pour l'exercice 2012. En 2013, la prévision de versement des loyers de la gendarmerie nationale aux collectivités territoriales au titre des BEA conclus est de 187,2 millions d'euros : près de 129 millions aux communes et 58,4 millions d'euros aux départements.

Favorable à la conservation de cet outil juridique, le Gouvernement déposera un amendement en ce sens en séance publique. Il est utile de garder tous les mécanismes susceptibles de répondre aux immenses besoins immobiliers des forces de l'ordre, même si, à l'heure actuelle, d'autres procédures sont préférées pour des raisons de coût : le montage en maîtrise d'ouvrage publique classique pour la police ; l'application du décret de janvier 1993 pour la gendarmerie, où l'État verse une subvention à une collectivité locale maître d'ouvrage, puis paye des loyers. En 2013, le loyer annuel prévisible moyen d'un équivalent-unité-logement livré est évalué à 13 971 euros dans le cadre d'un BEA, et à 11 284 euros dans le cadre du dispositif subventionné du décret de 1993, hors amortissement de la subvention.

Le Gouvernement n'a aucune objection non plus à la prorogation de la mesure pour les SDIS. Tout cela devra être maîtrisé, mais, en attendant les réflexions, le Gouvernement est ouvert aux propositions concernant le rôle des collectivités territoriales, dans le respect de leur autonomie et de la loi actuelle.

S'agissant des « trous à l'emploi » de la gendarmerie, celle-ci a beaucoup souffert de la mise en oeuvre de la RGPP entre 2008 et 2012 – tout en assumant cet effort –, puisque près de 6 700 emplois ont été supprimés en quatre ans. C'est plus que les créations de postes qui avaient été réalisées au cours du quinquennat précédent. C'est de cette politique que résultent les « trous à l'emploi » : certaines brigades, unités ou compagnies ont vu leurs effectifs réels s'éloigner significativement du niveau théorique nécessaire à un fonctionnement optimal.

Cette année, le Gouvernement a rompu avec cette logique : non seulement tous les départs en retraite sont remplacés dans la gendarmerie comme dans la police, nombre pour nombre, mais nous créerons 162 emplois supplémentaires dans la gendarmerie nationale et 243 dans la police nationale en 2014, après en avoir créé respectivement 192 et 288 en 2013.

Nous devons cependant nous montrer inventifs et audacieux pour employer au mieux le potentiel humain, notamment par le biais de redéploiements de la police et de la gendarmerie – qui satisfont d'ailleurs en général les élus, malgré leurs inquiétudes. Il faudra avancer dans ce sens, en prenant le temps de la concertation avec les élus et les personnels des forces de l'ordre. L'amélioration des résultats passera également par la réorganisation des régions de gendarmerie non zonales et par une mutualisation plus poussée dans le domaine des achats et des fonctions support – à l'instar des réformes que j'ai engagées et qui commencent à voir le jour. Il appartient aux deux directeurs généraux de me faire des propositions ; l'engagement du général Favier pour la réorganisation des brigades est, à ce titre, exemplaire.

Monsieur Blazy, les problèmes de l'immobilier s'expliquent par le fait que, depuis dix ans, les crédits sont insuffisants pour entretenir et reconstruire. Toutes les études sont les bienvenues, mais il faut surtout dégager des marges budgétaires pour pouvoir investir. Essayons d'y travailler ensemble ; je suis ouvert à toutes les suggestions du Parlement et ferai de cet enjeu une priorité pour le budget triennal 2015-2017 dont nous discuterons bientôt sous l'autorité du Premier ministre.

Les prestations croisées de soutien automobile entre police et gendarmerie nationales progressent ; d'ici à la fin 2015, 60 % des garages seront complètement mutualisés.

J'entends vos arguments concernant la réforme de l'ISSP pour les élèves policiers et gendarmes ; mais 2014 marque une nette amélioration catégorielle pour ces deux professions, notamment grâce au passage des gardiens de la paix et gradés de la police et des sous-officiers de gendarmerie à la catégorie B, qui représente un coût de 58 millions d'euros sur la période 2013-2015. Parmi les autres mesures, rappelons l'alignement complet des taux d'ISSP des officiers de police sur ceux des officiers de gendarmerie ; l'extension du dispositif de l'indemnité de responsabilité et de performance aux officiers de police ; la création d'une indemnité de responsabilité pour 3 000 responsables d'unités dans la gendarmerie. Au total, 48 millions d'euros seront consacrés aux mesures catégorielles des deux forces, dont 29 millions dans la police – soit le même montant qu'en 2013. Globalement – et il y a là une continuité par rapport à la réforme des corps et carrières, car j'ai tenu à respecter la parole de l'État –, depuis dix ans, les policiers ont gagné environ un mois et demi de salaire en plus grâce aux mesures de ces différents protocoles.

Lorsque j'ai rencontré Claude Guéant pour la passation de pouvoirs, il m'a annoncé que les effectifs baissaient, alors que les charges – notamment liées aux salaires – augmentaient. Comprenant que cette situation risquait de paralyser très vite le ministère, j'ai souhaité engager un effort en matière de postes à créer, mais aussi de crédits de fonctionnement, qui progressent pour la première fois depuis 2007. Je l'ai obtenu au terme d'une discussion budgétaire difficile qui s'inscrit dans la recherche d'un équilibre global.

Pour revenir à l'ISSP, j'entends les préoccupations des personnels et de leurs représentants, que je reçois régulièrement. J'ai abordé le sujet tant avec les policiers qu'avec les gendarmes. Je les verrai d'ailleurs prochainement pour évoquer avec eux les mesures d'accompagnement de cette réforme qui concerne uniquement les élèves actuels et futurs. N'oublions pas que l'indemnité est seulement baissée, et non supprimée ; de plus, j'ai d'ores et déjà annoncé la création d'une indemnité compensatrice pour les lauréats des concours internes, qui, aujourd'hui, perdent de l'argent. Mes services travaillent sur d'autres mesures qui confirmeront tout l'attachement que je porte à la situation des hommes et des femmes qui choisissent de servir la police et la gendarmerie. C'est pourquoi je ne peux apporter le soutien du Gouvernement à votre amendement qui vise à prélever 6 millions de crédits de fonctionnement sur chacune des deux forces pour financer l'abandon de la réforme de l'ISSP des élèves. J'espère que vous comprendrez ma position.

Un dernier mot sur les questions immobilières des forces de l'ordre. La gendarmerie nationale s'appuie sur un maillage territorial garantissant la continuité du service public de sécurité dans l'espace et dans le temps, en métropole comme dans les outre-mer. La disponibilité des gendarmes repose notamment sur l'obligation d'occuper le logement concédé par nécessité absolue de service. Le fait d'habiter sur le lieu de travail constitue un élément fondamental dans le fonctionnement de la gendarmerie, tant d'un point de vue professionnel que d'un point de vue humain et social, étant donné l'impact de cette disposition sur les familles des militaires.

La gendarmerie occupe 3 923 casernes, dont 694 domaniales : cela représente 76 105 logements, dont 42 % dans les emprises domaniales. De nombreuses casernes particulièrement vétustes ne répondent plus aux normes actuelles de sécurité et de confort, et nécessitent de lourds investissements d'entretien ; quarante-trois d'entre elles – correspondant à 3 220 logements – sont jugées prioritaires. Le maintien à niveau du parc immobilier de la gendarmerie nécessite une dépense annuelle de 200 millions d'euros pour la reconstruction de casernes et les réhabilitations lourdes, et de 100 millions pour la maintenance – besoin qui ne peut être honoré depuis dix ans en raison des contraintes budgétaires. Les produits de cession des emprises domaniales de la gendarmerie pourraient constituer la seule ressource d'investissement budgétaire. Nous réfléchissons à la possibilité d'un contrat de partenariat entre le ministère de l'intérieur et un opérateur qui se chargerait de l'entretien et de la restructuration du parc domanial. Mais, avant de lancer le ministère dans cette opération, je veux avoir toutes les garanties quant à son coût complet, et quant aux délais dans lesquels les améliorations substantielles pourront être apportées au logement des gendarmes.

Pour la police, nous maintenons une capacité d'investissement de l'ordre de 100 millions d'euros par an. Quelques opérations très importantes seront conduites en 2014 : l'installation de la PJPP à Batignolles, les commissariats de Livry-Gargan, de La Rochelle, de Sevran et des Mureaux, le cantonnement de CRS de Pondorly ; l'accent est mis sur les zones de sécurité prioritaires.

J'en viens aux questions relatives à la sécurité civile. Monsieur Lebreton, s'agissant des moyens affectés à la lutte contre les feux de forêt, la mission principale de la flotte des Tracker est l'attaque des feux naissants dans le cadre d'un guet aérien armé ; cette stratégie, qui est au coeur de la sécurité civile de notre pays, a largement prouvé son efficacité. Dans son rapport de mars 2012, le groupe de travail interministériel sur le renouvellement de la flotte des Tracker privilégiait leur remplacement par des Air Tractor, qui disposent d'une capacité d'emport comparable, d'environ trois tonnes, et d'un dispositif très intéressant de largage. Cependant, leur vitesse est plus faible, et leur conception laisse planer un doute sur la possibilité de les utiliser par vent fort. C'est pourquoi une évaluation de l'Air Tractor en conditions opérationnelles a été entreprise durant les saisons de feu de cette année 2013 : si elle ne se révélait pas concluante et si aucune autre solution industrielle ne surgissait d'ici là, les missions actuellement assurées par les Tracker devraient l'être par des Dash 8 et par des Canadair. Le coût d'acquisition de deux Canadair et de quatre Dash 8 serait toutefois plus élevé – 160 millions d'euros. Nous aurons sans doute à faire face à un tel choix, car nous ne pouvons pas dégarnir nos capacités de défense face aux feux de forêt.

Si, au contraire, il était donné une suite favorable à cette évaluation, une première phase d'achat de dix Air Tractor pourrait débuter d'ici à 2020. En fonction du retour d'expérience, il pourrait être ensuite acquis soit dix Air Tractor supplémentaires – le coût total de vingt appareils est estimé à 70 millions d'euros –, soit deux Dash 8 supplémentaires pour 50 millions d'euros.

Monsieur Lebreton, les moyens affectés au fonds d'aide aux investissements des SDIS ne cessent de diminuer depuis plusieurs années. L'État a distribué via le FAI 380 millions de subventions pour l'équipement des SDIS dans une période où leur mise à niveau était une priorité. Aujourd'hui, les efforts consentis par les collectivités territoriales, notamment les conseils généraux depuis 2002 en matière de plan d'équipement et de plan de casernement, ont permis aux SDIS d'atteindre un niveau d'équipement très satisfaisant. L'engagement des collectivités territoriales donne, monsieur Blazy, un certain poids à votre proposition : d'ailleurs, les collectivités territoriales interviennent déjà souvent dans le financement des commissariats – c'est le cas de l'Île-de-France –, ou les communautés de communes dans celui des gendarmeries. Ces efforts ont donné des résultats. En témoigne le fait que, après avoir progressé jusqu'en 2009, les dépenses d'investissements des SDIS ont enregistré une baisse de 5,6 % en 2010 et de 3,1 % en 2011. Surtout, avec moins de 20 millions d'euros, la capacité d'intervention de l'État était devenue quasiment anecdotique, si on la compare au plus de 1,2 milliard que les SDIS consacrent à ces investissements. Face aux choix imposés par la situation budgétaire, j'ai décidé l'an dernier de privilégier en 2013 l'amélioration du réseau de transmissions terrestres et le rétablissement des crédits nécessaires à la maintenance de la flotte aérienne de sécurité civile. Ces choix sont confirmés cette année.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, vous l'avez rappelé, un engagement pour soutenir le volontariat des sapeurs-pompiers a été signé au congrès de Chambéry du début du mois d'octobre dernier – le Président de la République l'a évoqué dans son discours. Il s'agit du premier document programmatique commun à l'État, aux collectivités territoriales et à la profession des sapeurs-pompiers sur ce thème. Je tiens à la fois à remercier les élus, notamment le député Jean-Paul Bacquet et le sénateur Yves Rome qui se sont engagés très fortement sur ce dossier, sans oublier la Fédération des sapeurs-pompiers, et à saluer le rôle très positif du directeur général.

Cinq axes de travail ont été identifiés : inverser la courbe décroissante des effectifs par l'élargissement et la diversification du vivier de recrutement, le développement de la pratique de la validation des acquis de l'expérience dans les SDIS et les campagnes de communication ; consolider le modèle du volontariat en préservant chaque fois que c'est possible le maillage territorial des centres d'incendie et de secours, en replaçant l'astreinte comme le positionnement de principe du volontaire qui participe à un dispositif opérationnel et en offrant aux volontaires un accès privilégié aux logements sociaux ; reconnaître la place des volontaires au sein de l'encadrement des SDIS en aménageant leur déroulement de carrière et en améliorant le management du volontariat ; encourager les dispositifs de jeunes sapeurs-pompiers volontaires, qui donnent une bonne image de la jeunesse de notre pays – le Président de la République a insisté sur cette question – en les valorisant dans le milieu scolaire et en favorisant leur insertion professionnelle ; enfin, tenir compte de l'inflation dans l'évaluation du montant de l'indemnité horaire des sapeurs-pompiers volontaires.

Le Président de la République a également proposé de doubler l'attribution des distinctions, notamment les ordres nationaux, aux sapeurs-pompiers volontaires – ce sera le cas dès les 11 novembre et 1er janvier prochains.

Monsieur Lebreton, vous m'avez posé une question sur les risques d'inondation, qui sont très courants sur le territoire métropolitain – plus du tiers des communes y est confronté. Les politiques de prévention et de gestion des crises qu'ils provoquent associent étroitement le ministère de l'intérieur et le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Plusieurs évolutions sont en cours pour limiter les conséquences matérielles et humaines des inondations. La mission effectuée l'an dernier par le sénateur Pierre-Yves Collombat a apporté des éclaircissements et ouvert de nouvelles pistes de travail qui me paraissent intéressantes.

Du point de vue du ministère de l'intérieur chargé de la gestion de crise, il faut essentiellement encore améliorer le dispositif de prévision et d'alerte. Lorsque survient une crue rapide, l'alerte repose en premier lieu sur le dispositif de prévision des inondations, avec la vigilance météorologique et la vigilance « crues ». Ce sont des dispositifs éprouvés que, désormais, le grand public connaît bien. Il arrive cependant que des phénomènes très localisés produisent des dégâts mal anticipés. Il est donc nécessaire d'apporter un outil complémentaire pour les pluies intenses très localisées. Météo France a développé en partenariat avec le ministère de l'intérieur un service qui envoie automatiquement aux communes qui le désirent un avertissement dès que des pluies intenses, voire exceptionnelles, sont constatées sur le territoire. Parallèlement, la désignation de référents départementaux « inondation » doit permettre d'améliorer la connaissance historique des événements souvent lacunaires. Enfin, la poursuite du développement du système d'alerte et d'information des populations reste une priorité du Gouvernement en matière de sécurité civile : 7,1 millions d'euros en crédits de paiement sont ouverts au titre de l'année 2014 pour mettre en oeuvre la première vague de déploiement des 10 830 sirènes qui doivent remplacer l'outil existant devenu aujourd'hui obsolète.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, à la suite de la publication du rapport de l'IGA et de l'IGF sur les flottes d'hélicoptères du ministère, j'ai chargé les deux directeurs généraux de faire des propositions qui respectent deux objectifs : mettre en place une organisation plus rationnelle et veiller à ce que la capacité opérationnelle, notamment la capacité à porter secours, soit préservée. Il s'agit de retrouver des marges de manoeuvre dans un univers très contraint. Les utilisateurs comme les usagers des machines sont en droit d'attendre des prestations de qualité, qui passent par une meilleure maintenance à Orléans ou à Nîmes – j'ai visité les ateliers – et, pour les missions de secours, par une régulation placée sous l'autorité des préfets du département qui doivent pleinement assumer leurs responsabilités. Dans le domaine de la sécurité civile, le pacte est bien équilibré entre, d'un côté, les collectivités territoriales et, de l'autre, l'État qui doit assurer l'intérêt général. La mise en oeuvre de ces principes devrait permettre de réduire progressivement le parc des machines les plus anciennes sans dégrader notre capacité à agir. La direction générale de la sécurité civile s'est séparée dès 2012 de ses quatre derniers Écureuil qui étaient devenus obsolètes et l'effort doit être poursuivi et adapté. Je serai attentif à la préservation des équilibres généraux qui fonde notre pacte de sécurité civile et à la consolidation d'une capacité de secours qui repose sur des acteurs multiples, notamment la DGSC, la DGGN et le ministère de la santé. Je serai également attentif à la préservation des équilibres locaux dans le respect des identités et des couleurs de chacune des forces.

Le transfert de la BASC, préparé sous le précédent gouvernement et dont j'ai pris la décision après une étude complémentaire, devra intervenir entre les saisons « feux » de 2016 et de 2017 sans affecter sa capacité opérationnelle. Les opérations ont débuté dès l'automne 2013 avec la mise en place d'une structure de conduite du projet chargée d'assurer la maîtrise d'ouvrage. Dès 2014, seront lancées les procédures de marchés pour la réalisation des travaux de construction de 2015 à 2017. La réception des premiers bâtiments courant 2016 devrait permettre de lancer la phase de déménagement de la BASC qui serait finalisée au printemps 2017. Le coût global de la relocalisation a été estimé à 16,6 millions d'euros et les mesures d'accompagnement des personnels à quelque 1,6 million d'euros. Dès 2014 sont prévus 2,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1,1 million en crédits de paiement. Si leurs inquiétudes sont levées, il conviendra toutefois d'accompagner les personnels, que j'ai rencontrés. Cette opération devrait engendrer des économies sur le montant des investissements qu'il aurait fallu effectuer sur le site de Marignane pour le remettre aux normes techniques et opérationnelles – ils avaient été évalués à 7,5 millions d'euros au moins. Le volet social, qui est déterminant pour la réussite du transfert, comprendra, outre les aides et indemnités réglementaires – primes de restructuration, aide à la mobilité du conjoint, indemnités de déménagement –, des mesures d'accompagnement individualisées dans le cadre d'une cellule spécifique dédiée à la recherche du logement, à l'emploi du conjoint, à la scolarisation des enfants ou aux possibilités de mutation.

La généralisation de l'utilisation de réseau ANTARES à l'ensemble des SDIS est engagée depuis 2007 : au 31 décembre 2012, soixante-huit services avaient migré et sept étaient en cours de migration. Un taux d'adhésion de 75 % des services départementaux est prévu pour la fin de 2013 et la couverture du territoire métropolitain avoisine les 95 %. L'État a consacré 90,7 millions d'euros au financement des marchés de services et de fournitures. Il a également participé à l'acquisition des équipements – les terminaux – par les SDIS. Cependant les insuffisances de couverture et des anomalies de fonctionnement entraînent de nouveaux investissements pour améliorer l'efficacité, favoriser l'adhésion de la totalité des SDIS et mettre fin aux difficultés rencontrées pour recouvrer auprès de certains SDIS leur contribution au fonctionnement et à l'entretien du réseau, les difficultés étant motivées par l'insuffisance de la qualité de la couverture. Il convient donc de parvenir à l'amélioration de la qualité de la couverture du territoire métropolitain, notamment dans les territoires ruraux. De même, les Antilles et La Réunion constituent des zones géographiques particulièrement sensibles, pour lesquelles la mise en place de l'infrastructure nationale partageable des transmissions est très souhaitable. En 2012, l'État a consacré 4 millions d'euros à la réalisation de travaux dans trente-cinq départements confrontés à des problèmes de couverture et leur réalisation a déjà permis d'améliorer la qualité des transmissions opérationnelles. À compter de 2013, de nouveaux travaux destinés à parfaire la couverture du territoire national sont d'ores et déjà engagés à hauteur de quelque 25 millions d'euros. Ces efforts témoignent de la volonté de l'État de parvenir à la couverture la plus satisfaisante possible.

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