Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 5 novembre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Justice

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

En cinq minutes, en effet, il eût été difficile de couvrir l’ensemble des champs qui concernent le ministère de la justice, à savoir la totalité des métiers – magistrats, greffiers et fonctionnaires –, des niveaux de juridiction – tous les ressorts –, des champs juridictionnels – le pénal, le civil, la justice des enfants, le prud’homal, le social, le commercial et la justice de proximité – et des professions du droit, au nombre de sept.

Puisque les rapporteurs se concentreront sur le champ qui leur incombe, je me contenterai de présenter la cohérence de ce budget et quelques axes qui contribuent à sa lisibilité.

Ce budget a été pensé sur le plan triennal. Depuis l’an dernier, nous avons conçu avec constance un certain nombre de priorités, de politiques, que nous affichons et assumons. Le budget en est la traduction financière.

L’an dernier, le Gouvernement a décidé, conformément aux engagements du Président de la République, de faire de la jeunesse une priorité. C’est ainsi que nous avons mis un terme aux injustices qui ont frappé la protection judiciaire de la jeunesse, une direction qui, en trois ans, a perdu plus de 632 postes – 8 % à peu près de ses effectifs – et vu baisser considérablement les financements alloués au secteur associatif habilité, sachant que l’État s’est permis de vivre à crédit sur les associations ; par un effort sur 40 % des créances, nous avons fait en sorte que ses rapports avec ces associations soient plus responsables et que le délai de paiement soit limité désormais à un mois.

Toujours concernant la protection judiciaire de la jeunesse, nous avons pris des dispositions pour introduire notamment de la cohérence dans les réponses que le ministère apporte à la justice des mineurs et à l’ensemble des professions qui interviennent auprès des jeunes. Cette priorité, fortement affirmée, se poursuit en matière d’intervention qualitative. Je vous apporterai des précisions supplémentaires lors des questions.

D’une façon générale, le budget de la justice augmente cette année encore. Comme nous l’avions indiqué, l’augmentation de 4,2 % pour 2013 est suivie d’une augmentation plus modeste, de 1,7 %. Il convient de noter que cette hausse s’inscrit dans le cadre d’une baisse en valeur du budget global de l’État.

Depuis notre arrivée, nous avons exprimé une priorité : la capacité de création d’emplois doit être maintenue afin d’assurer les missions du ministère et, surtout, de remplacer les personnels partant à la retraite, ce que le gouvernement précédent avait omis de faire. Ainsi, nous créons cette année encore 590 emplois, dont 35 pour la justice administrative, dans un contexte où la fonction publique, d’une façon générale, perdra 3 200 emplois.

Le ministère de la justice porte une part importante de l’ambition réformatrice de l’État, dont les textes de loi qui vous ont été présentés sont la preuve. Le projet de prévention de la récidive et d’individualisation de la peine, un texte important, aura un impact significatif sur les activités du ministère, notamment sur la profession des conseillers d’insertion et de probation. Le Premier ministre a décidé en arbitrage d’accorder au ministère la possibilité de créer un millier d’emplois sur les trois années qui viennent, dont 400 en 2014.

Je citerai aussi le projet de réforme du Conseil supérieur de la magistrature, qui n’a pas abouti, et la loi du 25 juillet 2013, qui renouvelle les relations entre le garde des sceaux et le ministère public, et réaffirme la responsabilité du Gouvernement en matière de politique pénale sur l’ensemble du territoire.

D’autres textes ont des effets sur la répartition des effectifs et sur les conditions de travail. Ainsi, le projet de loi de lutte contre l’évasion fiscale et la grande délinquance économique et financière, et le texte créant le parquet financier national, adoptés en dernière lecture cet après-midi, donneront lieu à des créations de postes – inscrites dans le projet de loi de finances –, donc à des affectations d’effectifs et de moyens pour permettre le fonctionnement du parquet financier, dès le 1er février 2014.

Je pense également au texte relatif à la collégialité de l’instruction, sur laquelle nous reviendrons lors de la présentation d’un amendement du Gouvernement, au projet de loi sur l’hospitalisation d’office, au texte relatif au secret des sources des journalistes, qui nécessitera des postes de juge des libertés et de la détention, ou encore au texte sur la justice commerciale.

Ce budget marque une constance, à mettre en regard de celle du quinquennat précédent. ce dernier s’était caractérisé par une destruction d’emplois – la fameuse Révision générale des politiques publiques –, par la décision assumée de ne pas remplacer les départs à la retraite, par une baisse budgétaire, donc par un appauvrissement de l’institution judiciaire, et par l’accumulation de fonctions et de missions contradictoires, sans articulation, qui surchargeaient l’activité des magistrats, semaient le désordre dans le fonctionnement de l’institution, et jetaient le discrédit sur cette dernière et sur les magistrats en particulier, discrédit qui continue d’ailleurs à être parfois jeté sur eux.

Nous sommes aux antipodes de ces pratiques. Nous créons des emplois de façon régulière : 500 l’année dernière, 555 pour 2014 et le niveau sera le même en 2015. Nous augmentons le budget, de 4,2 % en 2013 et de 1,7 % cette année. Nous respectons les magistrats et toutes les professions de la justice. Nous lançons des chantiers sur la justice et sur le magistrat du XXIe siècle, sur la modernisation du ministère public et sur l’office du juge, pour répondre de façon plus efficiente aux attentes des citoyens et à l’émergence de nouveaux types de contentieux. Ces chantiers sont menés selon une méthode, celle de la concertation : nous veillons à ce que l’ensemble des personnels de la justice et des partenaires de la justice y soient associés.

Nous avons défini un certain nombre d’axes pour moderniser l’administration pénitentiaire, augmenter ses moyens et améliorer ses conditions de travail. L’extension du parc pénitentiaire, dont le nombre de places passe de 57 000 à 65 300, est totalement financée, contrairement aux annonces faites sous le précédent quinquennat. Pour la rénovation de grands établissements, tels Fleury-Mérogis, les Baumettes ou la prison de la Santé, 800 millions d’euros y ont été consacrés. Enfin, la part du parc pénitentiaire réhabilité augmente de 20 %. Nous livrerons 1 097 places de prison en 2014. Parallèlement, un plan de sécurisation des établissements, pour un total de 33 millions d’euros, a été lancé. 9 millions lui ont été consacrés en 2013.

Pour ce qui est de l’immobilier judiciaire, nous sommes parvenus à augmenter les crédits de 41 millions d’euros, de façon à créer de meilleures conditions de travail.

Nous menons aussi des politiques qualitatives, notamment dans le domaine de l’aide aux victimes. La première Journée consacrée à l’aide aux victimes, organisée par le ministère de la justice, s’est déroulée hier. Le budget d’aide aux victimes, qui ne cessait de diminuer les années précédentes, a augmenté de 25,8 % l’année dernière et encore de 7 % cette année. Nous avons ouvert les 100 bureaux d’aide aux victimes annoncés en loi de finances pour 2013. Nous réunissons le Conseil national de l’aide aux victimes, CNAV, et le mobilisons pour construire la gouvernance de la politique d’aide aux victimes. Nous généralisons le téléphone « grand danger » et consacrons 1,4 million d’euros à l’aide aux femmes victimes de violences conjugales. Enfin, dès janvier 2014, nous lancerons d’ores et déjà dans le cadre de la directive européenne « victimes », alors que celle-ci n’est pas encore transposée et qu’elle devra l’être avant novembre 2015, une expérimentation pour le suivi individualisé des victimes.

S’agissant de l’accès au droit, autre grande politique, nous modernisons les maisons de la justice et du droit, qui ont servi de cautère après la suppression des tribunaux d’instance. Nous réorganisons les relations entre ces MJD et les conseils départementaux de l’accès au droit. Nous avons supprimé le timbre de 35 euros, qui constituait une injustice sociale scandaleuse et entravait l’accès à la justice des personnes à faibles ressources.

Enfin, nous améliorons nos outils informatiques. L’interconnexion de l’application CASSIOPEE avec celle de la gendarmerie est déjà réalisée. Nous poursuivons la tache avec celle de la police. Les systèmes statistiques du ministère ont été réorganisés. Nous développons les outils informatiques sur le casier judiciaire, le fichier des personnes recherchés ou encore le fichier des permis de construire pour faciliter le travail des personnels, dégager des emplois et redéployer des postes. Nous cherchons ainsi à améliorer la performance du ministère de la justice.

Un certain nombre de sujets restent en suspens, comme celui de l’aide juridictionnelle.

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