Intervention de Arnaud Montebourg

Séance en hémicycle du 13 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Économie

Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif :

J’ai l’honneur, au nom du Gouvernement, de présenter un dispositif que nous avons qualifié de mesure de résistance économique. Il s’agit d’une réforme du fonds de développement économique et social, le FDES qui a été créé en 1948 et qui a servi dans toutes les circonstances exceptionnelles économiques de notre pays. Il a été l’un des outils d’intervention de l’État pendant le premier choc pétrolier, puis dans les crises qui se sont succédé au détriment de notre économie. Nous avons fait le choix de vous demander de nous autoriser à abonder ce fonds à hauteur de 300 millions d’euros de manière à relever sa dotation qui correspond pour l’heure à reliquat de 80 millions d’euros. Le FDES a été pour la dernière fois modernisé ou modifié dans ses usages, sa doctrine d’orientation en 2004. Il n’a pas été réformé depuis et les sommes qui figurent au FDES sont peu utilisées car la doctrine d’utilisation définie par la circulaire en vigueur rend ineffective toute utilisation de ces fonds.

En raison d’un grand nombre de plans sociaux, d’entreprises en difficulté dont la viabilité peut être retrouvée, la rentabilité et la vitalité renouvelées en présence de repreneurs, de projets industriels, d’investisseurs, la possibilité de trouver le financement dans le secteur privé est aujourd’hui inexistante. Il existe un certain nombre de possibilités de retournement qui, sur le papier, sont parfaitement acceptables : on peut trouver des repreneurs disposés à investir une partie de leur autofinancement, qui arrivent avec un projet industriel ; mais lorsqu’ils contactent les acteurs du secteur financier, ceux-ci leur répondent qu’ils ne veulent pas prendre de risques. La situation pour nous est très claire : puisque le marché et le système bancaire sont défaillants, nous sommes obligés d’intervenir.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement sollicite l’autorisation parlementaire de manière à mobiliser, à partir de cette ligne de crédits, les fonds du FDES sous forme non de subventions ou de participations au capital mais de prêts consentis à des investisseurs privés, des repreneurs, à travers le comité interministériel de restructuration industrielle. Le CIRI est très bon outil qui, depuis sa création en 1974, a fait ses preuves : nombre de ses secrétaires généraux ont d’ailleurs connu des destins illustres, comme M. Trichet ou M. Pébereau. Sur signature du Premier ministre, c’est le CIRI qui engagera les fonds du FDES afin d’accompagner et financer un projet de retournement industriel.

En vérité, ce fonds de résistance économique est un fonds de retournement public. L’État va devoir faire le travail que les banques aujourd’hui refusent de faire : emprunter sur les marchés financiers et reprêter pour financer des projets industriels de façon à sauver des entreprises.

Pour les entreprises de taille modeste, des dispositifs existent déjà : la BPI, les fonds de retournement. S’agissant des grandes entreprises dont certaines occupent le débat public – Kem One, Fagor-Brandt, et d’autres encore dont je ne citerai pas les noms car cela pourrait aggraver encore leur situation –, l’État entend mobiliser des fonds de prêts pour financer leur retournement, leur restructuration et leur redémarrage.

En l’absence de ces fonds, nous aurons des sinistres, et des sinistres injustifiés. Il y a eu des cas difficiles où nous avons dû chercher des repreneurs partout où nous le pouvions – nous avons même dû prendre l’avion avec le ministre des affaires étrangères, chacun s’en souvient. C’est le devoir d’un Gouvernement que de le faire, quelle que soit sa sensibilité.

Lorsqu’il n’y a pas de repreneur, c’est la faillite, c’est la liquidation. Mais lorsqu’il y a un repreneur et que des banquiers refusent de prêter de l’argent –« désolés, mais c’est trop risqué pour nous » –, pouvons-nous rester l’arme au pied ? Non. C’est pourquoi nous sollicitons l’autorisation de votre assemblée.

Nous voulons faire en sorte que la doctrine d’emploi du FDES, que nous allons baptiser « Fonds de résistance économique », soit tout à la fois libéralisée, soumise à la signature du Premier ministre – il ne s’agit pas de créer des cagnottes d’autant que l’argent rare et qu’il importe d’en faire un usage intelligent et modéré –, et placée sous le contrôle du Parlement : vous pourrez nous demander ce qui se passe pour tel ou tel dossier, comme c’est l’habitude.

Il s’agit donc d’intervenir en faveur du financement des restructurations dans la période difficile que nous traversons. J’ai obtenu à cet effet le renforcement des moyens humains accordés au CIRI et l’élargissement de ses missions aux procédures collectives. Vous savez que le comité intervient aujourd’hui pour les entreprises de plus de 400 salariés avant le dépôt de salariés. Nous souhaitons que son action, toujours pour le même type d’entreprises, soit étendue à toute la durée de la procédure collective afin d’accompagner les divers organes qui y prennent part.

Nous avons connu des déconvenues dernièrement dans certains dossiers de procédure collective. Je ne citerai aucun nom, chacun les a sans doute en tête : nous ne voulons pas connaître à nouveau ces problèmes.

L’administration d’un redressement ou d’une sauvegarde de justice appartient à tous : collectivités locales, territoires, syndicats, Gouvernement, parlementaires. Nous ne pouvons pas laisser les organes d’une procédure collective seuls. Nous avons besoin, pour les accompagner, d’un outil qui a déjà fait ses preuves en matière de restructuration : le CIRI.

La somme de 300 millions est certes importante, mais elle est nécessaire pour régler les gros dossiers qui sont aujourd’hui sur mon bureau.

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