Intervention de Thomas Thévenoud

Séance en hémicycle du 4 décembre 2013 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2013 — Après l'article 13

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Thévenoud :

La question que je voulais poser à la faveur de cet amendement no 249 est celle de l’optimisation fiscale à laquelle se livrent les multinationales du tabac.

Quatre multinationales se partagent 90 % du marché du tabac en France. Elles dégagent chaque année des profits considérables, qui progressent de 10 % par an depuis dix ans. On estime que les profits de ces quatre grands groupes approchent le montant d’un milliard d’euros par an. On estime aussi que leur niveau d’imposition n’est que de 5 %. Les multinationales s’enorgueillissent d’ailleurs de pratiquer l’optimisation fiscale à l’aide d’un certain nombre de sociétés écrans établies dans d’autres pays d’Europe.

La lutte contre l’optimisation fiscale est un des fils rouges de l’action que mènent les députés socialistes en faveur de la justice fiscale. On l’a vu récemment, lors de l’examen du projet de loi de finances, au cours duquel plusieurs amendements parlementaires ont été adoptés, notamment l’un qui portait sur l’abus de droit.

Il est donc normal que nous nous attaquions un jour à l’industrie du tabac, d’autant que ce n’est pas une industrie comme les autres. Je rappelle le bilan humain : 73 000 victimes par an dans notre pays. Quant au bilan en matière de santé publique, je l’ai dit tout à l’heure, la consommation ne diminue pas ; au contraire, elle progresse chez les jeunes. En ce qui concerne le bilan social, un certain nombre d’entreprises, notamment du côté des buralistes, sont en difficulté financière, et l’industrie du tabac est la seule industrie manufacturière qui ne lutte pas vraiment, c’est le moins qu’on puisse dire, contre le marché illégal, contre la contrefaçon. En ce qui concerne, enfin, le bilan financier pour l’État, rappelons les chiffres de la Cour des comptes : les recettes fiscales procurées sont estimées à 14 milliards d’euros par an, alors que le coût budgétaire de la politique de santé publique pour lutter contre les ravages du tabac s’élève à 47 milliards d’euros par an.

Il est donc normal que les industriels participent, par une contribution exceptionnelle, à l’effort national en matière de santé publique et de lutte contre le tabac. L’amendement que je présente a précisément pour objet d’instaurer une contribution sur le chiffre d’affaires de ces grandes entreprises, de ces multinationales. Exceptionnelle, cette contribution sera mise en place pour deux ans. Ce n’est pas une taxe affectée, mais une contribution reversée au PLFSS, autrement dit au budget de la Sécurité sociale, ainsi que l’autorise la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Nous avons déjà, par le passé, instauré des contributions exceptionnelles temporaires, sur des secteurs bien précis, comme le secteur pétrolier ou les banques. Rappelons enfin que l’Europe autorise un prélèvement exceptionnel pour un secteur soumis à des droits spécifiques en matière de fiscalité lorsque l’intérêt général est en cause, ce qui est le cas.

Il semblerait que l’amendement que je présente ce soir ait déclenché les foudres d’un certain nombre de grandes entreprises du tabac. J’espère qu’elles ne procéderont pas à l’Assemblée nationale comme elles l’ont fait au Parlement européen : nous avons découvert récemment un fichier des parlementaires européens, classés en fonction de leur proximité avec l’industrie du tabac, grâce à un code couleur, rouge ou bleu…

Le seul argument opposé, c’est le chantage à l’emploi. Selon mes estimations, jamais démenties, d’ailleurs, par l’industrie du tabac, ces quatre grandes entreprises emploieraient 2 700 salariés sur le territoire national. À titre de comparaison, l’hôpital public de Mâcon, dans ma circonscription, emploie le même nombre de salariés… La loi doit donc s’écrire ce soir en dehors de toute pression extérieure et dans l’intérêt de tous. C’est la raison pour laquelle j’espère que cet amendement suscitera une large adhésion.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion