Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Séance en hémicycle du 11 décembre 2013 à 21h30
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Article 12

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

Nous sommes nombreux ici à être convaincus de la nécessité de construire un Grand Paris audacieux. Lorsque l’aventure du Grand Paris a été lancée concrètement, en avril 2009, il nous permettait de voir plus loin, de dépasser nos modes de pensée et les couches territoriales d’alors, au profit d’une ambition forte. Comme ministre, j’avais pris part à ce vaste mouvement.

Notre Grand Paris était celui du débat ; il était porteur d’une vision ; il était né d’une réflexion collective sur l’avenir et le rayonnement de Paris et de sa région. C’était un projet qui s’appuyait, au point de départ, sur des équipes d’architectes-urbanistes de niveau international, avec des élus fédérés au sein de Paris Métropole, au-delà des sensibilités politiques. Ce projet s’appuyait également sur les citoyens, associés aux débats et aux expositions qui avaient eu quelque succès. Nous pouvions nous projeter concrètement dans ce nouveau Grand Paris.

Notre Grand Paris était aussi celui de l’investissement et de l’avenir. À travers lui, c’était le rayonnement et l’attractivité de toute la France, en Europe et dans le monde, qui étaient en jeu. Nous débattions de grands projets pour le dynamisme de la région. On parlait du développement d’une Silicon Valley à la française à travers le cluster scientifique et technologique de Paris-Saclay, financé notamment par le plan Campus et le grand emprunt – Valérie Pécresse, ici présente, s’en souvient. Ce Grand Paris était fondé sur un réseau de transports publics structurant et performant, relié aux gares TGV et aux aéroports. À cet égard et même si, dans le détail des opérations prévues, nous pouvons avoir des interrogations, voire exprimer des divergences, le fait que le Gouvernement actuel ait repris ce projet reste une bonne nouvelle.

Notre Grand Paris était, enfin, celui de la lisibilité et de l’efficacité de la dépense publique. Il prévoyait le rapprochement des conseils généraux et régionaux avec un élu unique et le recentrage des missions de chaque collectivité. On clarifiait les interlocuteurs pour les élus. Ces mesures apportaient plus de transparence pour le citoyen, même si tout n’était pas encore parfait. De plus, elles participaient de l’effort budgétaire des collectivités, recentrées sur des missions délimitées.

Aujourd’hui, madame la ministre, par ce texte, vous brisez l’enthousiasme, vous découragez les bonnes volontés et vous cassez ce projet d’avenir qu’est le Grand Paris.

Le Grand Paris du débat a été remplacé par des amendements improvisés du Gouvernement. Les propositions de Paris Métropole ont été systématiquement écartées et les citoyens ont été totalement exclus du débat.

Le Grand Paris de l’investissement et de l’avenir se transforme en un machin bureaucratique et paralysant. Votre métropole entrave l’initiative locale et met sous tutelle les maires. Vous dessaisissez les élus de proximité de leur capacité à prendre des décisions dans les domaines du quotidien. Nos communes perdent toute autonomie sur des aspects décisifs comme la révision d’un PLU, le logement ou la transition énergétique, au profit d’une instance dotée d’une moindre légitimité démocratique.

On peut comprendre la nécessité, en milieu rural, d’EPCI très intégrés pour développer les services, mais on peine à comprendre la nécessité de tels transferts de compétences en milieu urbain. En Île-de-France, les communes sont très structurées. Elles fournissent des services performants et sont en mesure de mener des politiques publiques. Elles n’ont pas besoin qu’on leur impose des programmes extérieurs, par exemple en matière de logement, ou telle ou telle zone dans leur PLU.

Par ailleurs, madame la ministre, votre structure se superpose à bien d’autres : régions et départements retrouvent avec ce projet de loi la compétence générale. Les frais de fonctionnement continueront à s’envoler, alors même qu’une nouvelle structure partagera des compétences parfois très proches. Un seul exemple parmi tant d’autres : quand un élu ou un citoyen s’intéressera à la mobilité durable, s’adressera-t-il à la région, au STIF ou à la métropole ? Comment les projets du Grand Paris seront-ils menés à bien dans ce cadre, avec une métropole qui ne couvre pas tout son périmètre ? On entrevoit déjà quelques aberrations qui en prédisent bien d’autres. Alors que le Grand Paris devait attirer l’investissement, votre métropole fausse la lisibilité pour les investisseurs en multipliant les strates. Plutôt qu’une équipe de projet, vous proposez finalement de créer de toutes pièces une administration pléthorique éloignée du terrain.

Enfin, et du même coup, le Grand Paris de la lisibilité et de l’efficacité de la dépense publique tourne au monstre administratif, synonyme de contraintes, de dépenses de fonctionnement et d’impôts. Il faut dire qu’en la matière votre inspiration est sans limites : une nouvelle fois, la pause fiscale n’a de pause que le nom. Après avoir imposé la mise en oeuvre d’une réforme des rythmes scolaires mal préparée qui occasionne de graves surcoûts et annoncé une baisse des dotations de l’État de plus de 4,5 milliards d’euros entre 2013 et 2015, vous persistez à vouloir décentraliser les hausses d’impôts. En effet, pour financer leur fonctionnement et payer les milliers de fonctionnaires, la métropole aura probablement besoin de 4 à 5 milliards d’euros.

Une note de Paris Métropole, datée du mois d’octobre, précise que l’unique ressource supplémentaire apportée aux territoires sera la dotation d’intercommunalité versée par l’État à l’EPCI, évaluée à 100 millions d’euros. Cette somme doit être mise en regard avec le niveau du budget qui s’élèvera probablement à 4 ou 5 milliards. Dès lors, seuls les impôts viendront combler les besoins de financement. Pour les Parisiens, la facture sera salée, très salée même : toujours selon cette note, la cotisation foncière des entreprises augmenterait de 35 % et la part départementale de la taxe d’habitation de plus de 2,5 points, soit presque le double du taux départemental actuel. Dans ces conditions, on peine à comprendre, madame la ministre, que vous soyez à ce point soutenus par la municipalité actuelle de la Ville de Paris. Ces chiffres avancés par Paris Métropole sont les seuls crédibles que nous ayons à disposition,…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion