Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Séance en hémicycle du 11 décembre 2013 à 21h30
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Article 12

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin :

Tâchez tout d’abord d’expliquer à nos concitoyens la métropole moderne que vous imaginez : les communes, qui existeront toujours, pourront s’accorder dans le cadre « d’ententes » et devront s’articuler avec un conseil de territoire, lequel obtiendra des délégations d’une métropole qui, alors même que le conseil général perdurera, obéira à un plan métropolitain lui-même inspiré du schéma directeur de la région Île-de-France qui émanera du conseil régional. Je peux vous dire qu’avant même d’être achevée, cette explication aura suscité au mieux l’ébahissement, au pire une syncope et, quoi qu’il en soit, personne n’y comprendra rien.

Au moins partageons-nous tous l’idée que la confiance se construit par la lisibilité. Or, la confiance envers les communes est un fondement de notre démocratie. Mesurez donc l’erreur que nous sommes en train de commettre, chers collègues ! Faites ce test et voyez les réactions qu’il suscite ; interrogez-vous alors, à quelque trois mois des élections municipales, sur ce texte que nous demanderons indirectement à nos concitoyens de valider en votant lors des élections ! En effet, deux ans après ces élections, les Français devront se résoudre à accepter une structuration territoriale qu’ils n’auront pas comprise, et donc pas acceptée.

Je ne vois dans ce texte aucune modernité pour nos concitoyens. J’y vois de la distance là où nous devrions renforcer la confiance ; j’y vois de la complexité quand il faut améliorer la lisibilité ; j’y vois des facteurs de confusion qui ne favorisent pas le dialogue politique qui doit se tenir dans une démocratie comme la nôtre.

Ensuite, je vous invite à reproduire ce test auprès d’un investisseur étranger. Certains d’entre vous ont peut-être parfois l’occasion d’aller prospecter à travers le monde et de répondre à cette question que l’on nous pose si souvent concernant le fonctionnement de nos territoires. Imaginons donc un investisseur étranger qui souhaiterait investir dans le Grand Paris en y établissant un siège social ou une entreprise, et qui souhaiterait savoir qui prend les décisions. La réponse à lui faire est un exercice pour le moins compliqué.

Vous justifiez ce texte parce qu’il faudrait répondre aux enjeux de la mondialisation. Or, la mondialisation exige plusieurs choses très simples. Tout d’abord, la prise de décision doit être rapide, comme vous le diront les investisseurs. Ensuite, il faut un système rationnel qui ne génère pas de dépense publique, car la dépense publique produit de la fiscalité, voire de la surfiscalité – domaine dans lequel nous sommes déjà champions du monde. L’investisseur souhaitera notamment savoir si le Grand Paris sera une métropole plus lisible, plus accessible et plus attractive que celle de Londres. Rappelez-vous les appels du pied de son maire il y a quelque temps : nous allons lui donner un élément supplémentaire de critique.

À cet investisseur qui voudra que vous lui expliquiez en quelques mots qui prend les décisions dans la métropole, il vous faudra donc, dans un exercice extrêmement compliqué, lui faire comprendre que les mobilités relèvent de la région ou encore que le développement économique tient un peu à la région, un peu à la métropole, un peu à la commune, mais que les départements se sont également saisis de compétences économiques, notamment celle qui vise à accueillir des investisseurs.

Quand ce même investisseur de Grande-Bretagne, de Hong Kong ou des États-Unis vous demandera alors si cette dimension économique s’articule avec une dimension sociale, vous devrez alors indiquer que chez nous, les affaires sociales sont décidées par l’État et prises en charge au niveau du conseil général, c’est-à-dire non pas à celui de la métropole comme pourrait alors en conclure l’investisseur, mais du département, c’est-à-dire une structure qui ne coïncide ni avec l’échelle métropolitaine ni avec l’échelle communale ni avec l’échelle régionale !

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